Les origines fabuleuses de la famille Du Chastel
Dimanche 10 août 2008, par
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Le Trémazan des Du Chastel : du château-fort à la ruine, Actes du colloque, Brest, 10, 11 et 12 juin 2004, 2006, p. 29-44.Citer cet article
André-Yves Bourgès, Les origines fabuleuses de la famille Du Chastel, 2008, en ligne sur Tudchentil.org, consulté le 14 octobre 2024,www.tudchentil.org/spip.php?article526.
Cet article est la propriété exclusive de son auteur.
Si, à la demande expresse de Bernard Tanguy, mon maître et mon ami depuis près de vingt ans, j’ai accepté de prendre le risque de traiter des origines de la famille Du Chastel et de leur dimension fabuleuse, c’est que le sujet en question s’inscrit dans une problématique à la fois plus large et plus précise, qui touche de près à mon domaine de recherche, l’hagiographie bretonne médiévale, et à l’approche que j’ai privilégiée, qui est de mieux connaître les motivations de l’hagiographe : il s’agit notamment de vérifier que l’écrivain a pu, dans certaines occasions, travailler à la demande et au profit d’un commanditaire laïque, dans le cadre des rapports complexes entretenus au bas Moyen Âge entre la sphère religieuse et la sphère politique.
Or il apparaît, et la chose était déjà évidente pour dom Lobineau [1], que les Du Chastel, ont pu susciter, vers le milieu du XVe siècle, dans un but de glorification de leur lignée, la composition d’une vita, en l’occurrence celle de saint Tanguy, texte aujourd’hui perdu, dont l’essentiel est rapporté dans l’ouvrage d’Albert Le Grand [2] ; mais cette démarche de « mythification » des origines familiales ne débouche pas sur la seule légende de saint Tanguy et dépasse même la simple dimension hagiographique : l’histoire de sainte Azénor et les différentes traditions relatives à la dynastie royale de Brest ont elles aussi à l’évidence occupé une place importante dans l’imaginaire généalogique des Du Chastel ; de plus, ces derniers ont longtemps partagé avec plusieurs autres familles nobles du Léon une sorte d’obsession relative à la parenté supposée les unir à l’ancienne dynastie vicomtale.
Il est possible en l’occurrence que la réalité ait rejoint la fiction ; mais, là encore, cette tradition paraît être relativement tardive et s’inscrire dans le cadre de l’élaboration d’une idéologie nobiliaire à l’usage d’un véritable « clan » léonard, connu par un dicton rimé en breton qui célébrait l’ancienneté des Penhoët, la vaillance des Du Chastel, la richesse des Kermavan et l’esprit chevaleresque des Kergournadec’h [3].
La bibliothèque de l’historien
Attendu que nous n’avons pas eu recours à des documents inédits, nous croyons utile de donner un très rapide aperçu de la bibliothèque de l’historien.
Les ouvrages hagiographiques d’Albert Le Grand et de Dom Lobineau, déjà cités, ont été mis à contribution au travers d’une nécessaire relecture tenant compte des récentes avancées de l’hagiologie : paradoxalement, nous avons ainsi été amené à procéder à une revalorisation globale de l’œuvre du dominicain — longtemps décriée, mais riche de la tradition orale de son époque et qui, de surcroît, paraphrase de nombreux textes médiévaux depuis disparus [4] — au détriment de celle du bénédictin, dont l’érudition confine à la sècheresse et qui avait exclu de son discours la plupart des éléments traditionnels.
En ce qui concerne les sources archivistiques, nous avons principalement eu recours aux deux grandes collections de « Preuves » données successivement par Dom Lobineau [5] et Dom Morice [6] en annexe à leurs travaux respectifs sur l’histoire de Bretagne ; à quoi il faut ajouter les cartulaires des abbayes de Landévennec [7] et de Quimperlé [8], celui de la cathédrale de Quimper [9], les deux recueils d’actes publiés par A. de La Borderie [10] et les travaux d’édition plus récents comme ceux de Michael Jones [11], seul ou avec la collaboration de Judith Everard [12], etc. Nombreux sont les chercheurs à regretter que la thèse trentenaire soutenue par le regretté Hubert Guillotel sur les actes des ducs de Bretagne soit restée inédite [13] ; mais celle de Joëlle Quaghebeur sur la Cornouaille du IXe au XIIe siècle est venue, au moins pour partie, combler cette absence [14].
L’impressionnante masse documentaire dont il est question ne doit pas impressionner : peu des pièces qui la composent, malheureusement, sont en rapport direct avec notre sujet, sans doute en raison du déficit documentaire caractéristique de la basse Bretagne à l’époque médiévale et dont on ne dira jamais assez l’ampleur. Pour ne prendre que l’exemple du Léon, le cartulaire et les chroniques de l’abbaye Saint-Mathieu, établissement religieux concerné au premier chef par la légende de saint Tanguy, son fondateur supposé, et l’histoire des Du Chastel, ses bienfaiteurs avérés, ont disparu [15] ; de même les anciens recueils hagiographiques de la cathédrale de Léon, de la collégiale du Folgoët, de l’église priorale de Lochrist (en Plounévez), pour ne citer que quelques collections attestées [16], ont été depuis longtemps perdus, détruits ou dispersés.
Plusieurs auteurs nous ont précédé dans l’exploration du mythe familial des Du Chastel ; certains ont même largement contribué à le renforcer au point que leurs travaux constituent en soi une illustration éclatante de la manière dont ont pu se former certaines légendes hagio-généalogiques : témoignent de ce processus affabulatoire les études publiées en 1890 et en 1892 par Le Jannic de Kervizal, lui même descendant des Du Chastel, sur l’origine de la famille des Tanguy ou Tanneguy du Chastel-Trémazan et sur la légende de saint Tanguy [17]. Depuis la rigueur scientifique est heureusement venue corriger ce type d’excès : nous n’avons eu ainsi qu’à prolonger les efforts initiés par des chercheurs comme Bernard Tanguy. Ce dernier en effet a approché à plusieurs reprises le sujet qui nous occupe aujourd’hui : en 1987, dans une étude intitulé « Le roi de Brest »18 [18], puis en 2000, dans sa contribution à l’ouvrage collectif sur l’Histoire de Brest [19], il a souligné que la légende de Brest, ville royale, sous-tendait les différents récits hagiographiques relatifs à saint Budoc, à saint Rioc et à saint Tanguy ; le colloque sur Saint Mathieu de Fine Terre tenu en 1994 et dont les actes ont été publiés l’année suivante lui a donné l’occasion de démontrer que la Vie de saint Tanguy, telle qu’elle nous a été transmise par Albert Le Grand, résultait d’un amalgame entre deux compositions distinctes, une relative à sainte Haude et à son frère Gurguy, l’autre à saint Tanguy [20]. En 1995 également, Ghislaine Guénolé, alors étudiante à Brest, a donné sous la direction de Jean Kerhervé un mémoire de maîtrise sur les Du Chastel aux XIVe et XVe siècles [21], travail dont l’essentiel a été intégré dans l’élégante brochure publiée en 1999 par l’association « SOS Château de Trémazan » [22].
Signalons pour mémoire notre propre contribution relative aux origines fabuleuses de plusieurs lignages de la noblesse bretonne, parmi lesquels celui des Du Chastel, étude parue dans la revue Kreiz en 1995 [23]. Les conclusions sommaires auxquelles nous étions parvenu à l’époque étaient avant tout de nature chronologique : ce phénomène de « mythification » des origines familiales paraît avoir été relativement tardif, le plus souvent postérieur à la guerre de succession du duché, y compris (pourrions-nous dire aujourd’hui) ce qui concerne les Rohan et saint Mériadec et à la seule exception du cas que nous avions qualifié d’ « oblique » de la famille de Lesquélen et saint Hervé. Difficile en conséquence de ne pas mettre en relation cette appropriation de saints des origines bretonnes par la haute aristocratie avec la captation ducale de l’hagiographie « nationale », phénomène qui débute avec Charles de Blois et qui connaît ses développements sous le règne des Montforts.
Notre curiosité s’est même étendue aux travaux de castellologie, dont Patrick Kernevez s’est fait une spécialité pour ce qui concerne les fortifications médiévales du Finistère [24] : de tels travaux doivent figurer dans la bibliothèque de l’historien, car ils viennent compléter et parfois même suppléer les documents archivistiques. Est principalement concerné, pour les Du Chastel, le château de Trémazan, dont il faut sans doute abaisser l’époque de la construction à la fin du XIIIe siècle, sinon même au début du siècle suivant [25] ; en tout état de cause, les autres ouvrages fortifiés (Coëtgars, la Motte-Tanguy, Coatméal) qui furent à cette famille sont, semble-t-il, entrés plus tardivement encore en sa possession [26].
Généalogie, onomastique et prosopographie
Le recours à l’onomastique combiné aux apports de cette discipline très innovante qu’on appelle la prosopographie a permis depuis quelques années une exploitation plus poussée et plus pertinente des rares données archivistiques relatives à la noblesse féodale bretonne (XIe-XIIIe siècles) : les travaux donnés par H. Guillotel et surtout la thèse de J. Quaghebeur en constituent la démonstration éclatante.
Les seules généalogies « autorisées » ou « officielles » de la famille Du Chastel publiées sous l’Ancien Régime sont au nombre de deux : celle qui figure au tome 8, paru en 1733, de la 3e édition augmentée et corrigée de l’ouvrage monumental du P. Anselme de Sainte-Marie [27] ; et celle qu’a donnée le célèbre Chérin [28] dans le Mercure de France en décembre 1757. A l’occasion d’une étude sur Tanguy du Chastel, Grand-Maitre de France sous le règne du roy Charles VII, ouvrage composé en 1760, le travail de Chérin a fait l’objet de menues corrections par l’abbé du Chastel, qui les a accompagnées de quelques observations du plus grand intérêt ; mais l’étude en question n’a été publiée qu’en 1894 par Le Jannic de Kervizal, véritable panégyriste des Du Chastel [29].
Les continuateurs du P. Anselme ainsi que Chérin font débuter ce lignage par un certain Bernard, dont les origines ne sont pas indiquées : ce Bernard qui, d’après Chérin, apposa son sceau à un acte de 1274 [30], est donné comme vivant dans un titre de 1284 et comme mort dans un autre de 1301, écrivent les continuateurs du P. Anselme [31], dont la principale source en l’occurrence pourrait bien être une généalogie dressée par Guy Autret de Missirien [32] ; Bernard avait été marié à une fille de la maison de Léon, que les généalogistes appellent Anne, et sa succession fut recueillie par son fils aîné, Hervé, mentionné dans l’acte de partage donné par ce dernier à sa soeur, Anne, et à son beau-frère, Hervé de Penhoët, en 1296. En outre, selon les continuateurs du P. Anselme, Bernard du Chastel et Anne de Léon seraient également les père et mère de Bernard du Chastel, marié à la dame de Kerlec’h, dont les descendants relevèrent le nom, et Geoffroi du Chastel.
Toutes ces indications sont extrêmement précieuses, d’autant qu’aucun des actes mentionnés ne figure dans le recueil de Preuves de l’Histoire de Bretagne de Dom Morice ; mais Arthur de la Borderie nous a procuré l’édition de deux pièces : un acte de 1274 précisément, auquel « noble homme le seigneur Bernard du Chastel » (nobili viro domino Bernardo de Castro) avait en effet apposé son sceau [33] (lequel est d’ailleurs reproduit dans les Preuves de Dom Morice), et un autre de 1276, lui aussi attesté par « Monsour Bernart dou Chastel, chevaler » [34]. A défaut du partage donné par Hervé du Chastel à sa sœur en 1296, nous disposons d’un acte d’échange passé entre eux devant la cour de Léon en 1282 [35] : le titre en question, tiré des archives de Blain, était, précise Dom Morice, « scellé aux armes du duc Pierre Mauclerc », indication qui est de nature à faire douter de son authenticité ; mais le Mauriste a sans doute confondu avec le sceau de Pierre de Bretagne, petit-fils du duc Jean le Roux, qui détenait alors la vicomté de Léon.
Mlle Ghislaine Guénolé, dans son mémoire de maîtrise, emprunte à Le Jannic de Kervizal, ce qu’elle pense être « une référence archivistique certaine nous précisant que deux Du Chastel ont paru à l’assise du comte Geoffroy en 1185 » [36]. Vérification faite, la référence en question correspond à une des multiples listes dressées vers 1780 par Nicolas Delvincourt [37], documents dont la fausseté bien établie n’a malheureusement pas empêché la diffusion [38]. Quant à Artur de Castello, qui figure en qualité de témoin dans un acte donné en 1086 au profit de l’abbaye Saint-Florent de Saumur par Giron [39], il doit être apparenté à ce dernier, détenteur du château qui depuis porte son nom (Châteaugiron).
Dans l’acte d’échange de 1282, Hervé du Chastel, écuyer, est mentionné avec sa femme Sibille (Herveus de Castello armiger et Sibilla ejus uxor) ; la soeur d’Hervé, mariée à Hervé, seigneur de Penhoët, écuyer, est nommée Ame (Herveo domino de Pencoet armigero et Amae ejus uxori). L’acte fait également mention du père d’Hervé et d’Ame, « le seigneur Bernard du Chastel, chevalier » (dominus Bernardus de Castello, miles), dont on rappelle l’union avec une certaine « dame Constance » (domini Bernardi et dominae Constantiae ejus uxoris) : les deux étaient donc encore en vie à cette date, mais ils devaient être relativement âgés, car l’acte prévoit les dispositions à prendre après leur mort ; nous savons par ailleurs que le rachat de la succession de Bernard du Chastel, payé par son fils Hervé, était intervenu en 1288 pour un montant de 173 livres [40].
Cet acte est intéressant à bien des égards : d’abord, c’est la seule pièce d’archive qui fournit des éléments sur les premiers degrés de la famille Du Chastel et sur ses premières alliances ; ensuite, il donne à voir les pratiques patrimoniales au sein d’un lignage de la noblesse bretonne vers la fin du XIIIe siècle ; enfin, il permet de nourrir quelques hypothèses au sujet des origines de ce lignage et de son premier membre connu.
Abandonnons tout de suite l’idée que nous puissions avoir à faire à un homo novus car Bernard du Chastel, dont l’appartenance chevaleresque est affirmée, était incontestablement un membre de la noblesse, comme le démontrent les qualificatifs nobilis vir, « noble homme », ou dominus, « seigneur », qui lui sont attribués par ailleurs. Il faut remarquer que Bernard ne porte pas le titre de « seigneur du Chastel » ; a fortiori son fils non plus. A l’inverse, « Hervé, seigneur de Penhoët » est bien détenteur du pouvoir banal, alors que la qualité chevaleresque ne lui est pas reconnue.
La femme de Bernard, on l’aura noté, est qualifiée domina, ce qu’il convient sans doute d’interpréter comme la marque d’une appartenance personnelle à un lignage de la noblesse féodale ; soulignons au passage que ce personnage ne porte pas le nom d’Anne, mais celui de Constance. De même la fille de Bernard et Constance ne se nommait pas Anne, comme l’ont écrit les continuateurs du P. Anselme, mais Ame ; ce détail n’est pas sans importance, car il vient au soutien de l’hypothèse d’une possible parenté de Constance avec la famille de Léon : en effet, très rare dans l’onomastique bretonne et sans doute acclimaté au sein de la dynastie vicomtale par le biais de contacts avec les sires de Joinville, en Champagne, où sainte Ame faisait l’objet d’un culte bien établi dont témoigne notamment une vita du XIe siècle [41], le nom Ame a été successivement donné, dans la seconde moitié du XIIIe siècle, à la sœur et à la fille du dernier vicomte, Hervé [42]. On retrouve également ce nom au début du XIVe siècle, associé dans le même rapport à celui de Constance, chez les Coëtmen [43] que des liens complexes unissaient à la fois aux vicomtes de Léon et aux seigneurs de Penhoët. Bernard du Chastel avait assis la dot de sa fille Ame sur des biens situés à Plabennec, Guipavas et Gouesnou, au cœur de l’apanage de la branche cadette de la famille de Léon.
Quant à Bernard, il s’agit d’un nom qui se retrouve en alternance avec celui de Tanguy chez les vicomtes de Poher aux XIe-XIIe siècles, alternance qui — ainsi que l’a fait remarquer Bernard Tanguy (le nôtre, celui de notre temps, si j’ose dire !) — s’observe également dans le premier tiers du XIIIe siècle au sein d’une lignée chevaleresque, apparemment implantée en Léon [44] : Arthur de la Borderie avait conjecturé que Tanguy, père du nommé Bernard qui est entendu comme témoin dans
l’enquête de 1235 en faveur des barons de Bretagne contre Pierre de Dreux, était peut-être le frère cadet du vicomte de Léon, Conan [45]. En prolongeant cette hypothèse et en tenant compte de ce que nous ont appris les travaux de prosopographie féodale bretonne, tels ceux déjà cités de Joëlle Quaghebeur, l’épouse de Guyomarc’h de Léon, dont on ne connaît que l’initiale du nom, M. [46], la mère de Conan et aussi la mère supposée de Tanguy, pourrait avoir été la fille de Tanguy et la sœur de Bernard, membres de la dynastie vicomtale de Poher.
Cependant, il faut souligner que la succession du nom Tanguy à celui de Bernard ne s’observe qu’une seule fois chez les Du Chastel ; encore ce fait intervient-il à la quatrième génération seulement : peut-être même cette succession est-elle révélatrice d’un hapax, lié à la disparition prématurée de l’aîné de la génération concernée, car on observe par la suite que le nom de Tanguy était ordinairement réservé aux cadets. La séquence onomastique des aînés Du Chastel sur les trois premières générations se présente de la sorte : Bernard, Hervé, Bernard. Or, ces deux noms se retrouvent associés au sein d’un lignage qui fut d’ailleurs allié à celui des vicomtes de Poher : ce lignage apparaît vers le milieu du XIIe siècle en la personne d’un certain Haelgomarc’h [47], villicus de l’abbaye Sainte-Croix de Quimperlé et probable détenteur de la forteresse de la Roche-Helgomarc’h en Saint-Thois, qui lui a emprunté son nom. Marié à Scec, Haelgomarc’h était le père d’au moins quatre enfants, deux filles : An Nes et Guielderc’h ; et deux fils : Bernard, qui chercha vainement à s’approprier les biens de la villicatio de l’abbaye [48], et Hervé, dont les chartes de la duchesse Constance montrent qu’il était l’un des curialis de cette princesse [49]. Hervé est même présenté comme le sénéchal de Constance — faut-il comprendre son sénéchal en Cornouaille ou le sénéchal de Bretagne ? — dans une notice de l’extrême fin du XIIe siècle, qui rapporte la détermination des droits respectifs de la duchesse et de l’évêque de Quimper [50]. Nous ignorons si cet Hervé se maria et s’il eut postérité ; nous ne connaissons pas non plus la destinée d’An Nes ; Guielderc’h épousa Rivallon, vicomte de Poher : ce sont les parents de Rivallon et Azelice. Enfin, du mariage de Bernard avec une certaine Avan étaient issus un second Haelgomarc’h et un autre Hervé [51]. Rien ne s’oppose en termes chronologiques à ce que ce dernier ait été le père de Bernard du Chastel.
Le passé légendaire de Brest dans la littérature bretonne à la fin du Moyen Âge
Le nom Du Chastel porté par Bernard doit donc être considéré comme un surnom d’origine toponymique, un véritable patronyme. Il reste à déterminer à quel « château » ce surnom avait été emprunté : monument assez remarquable pour mériter d’être ainsi appelé ; mais la forteresse dont il s’agit n’avait pas pris le nom de son détenteur, comme ce fut le cas par exemple en ce qui concerne la Roche-Helgomarc’h. Compte tenu de la familiarité de Bernard du Chastel avec le dernier vicomte de Léon, dont il atteste l’acte de vente des ultimes lambeaux de patrimoine en 1276, ainsi que de sa position prééminente à Brest, que consacrent les termes de l’acte de 1274 déjà cité, il n’est pas invraisemblable que l’impressionnant castellum local, dont la dynastie vicomtale s’était dessaisi en 1240 au profit du duc Jean le Roux [52], ait été confié jusqu’à cette date à la garde du lignage de Bernard du Chastel : cette hypothèse est d’ailleurs renforcée par les traditions relatives au passé légendaire de Brest.
Deux textes qui figurent dans le cahier de notes de Pierre Le Baud [53] présentent entre eux des similitudes frappantes, tant sur le fond que sur la forme [54], et traitent du même sujet, à savoir le passé prestigieux de la cité du Ponant, sans entretenir l’un avec l’autre des rapports contradictoires : il est en conséquence extrêmement tentant de supposer que cette parenté et cette complémentarité sont la marque d’une origine commune.
Dans le premier texte, Brest est promu au rang de capitale de la petite Bretagne et de résidence des rois et princes de cette terre (Brest proprium nomen urbis que quondam fuerat civitas principalis Minoris Britanniae, ubi reges ipsius terre principesque habitabant). Puis l’écrivain évoque la déchéance de Brest, dont il rend responsables des pilleurs de reliques venus de Salerne ; le texte rapporte comment ceux-ci enlevèrent les reliques de la totalité du corps de saint Matthieu (ab inde reliquias sanctissimi corporis integri beati Mathei appostoli asportaverunt) avant d’être contraints par la colère divine d’en rendre la partie la plus importante, la tête (capud abscisum a sancto corpore reddiderunt) : voilà qui permettait de justifier la présence de cette dernière à l’abbaye Saint-Mathieu de Fine-Terre. Enfin, si l’auteur ne dit rien à propos des noms autrefois portés par la ville avant celui de Brest, il nous propose une étymologie de ce dernier « par diminution de son nom », per diminucionem sui nominis, Britannorum regum equorea stacio, ce qu’il convient traduire par « résidence maritime des rois des Bretons ». Ce recours à l’acronymie est bien dans la manière des faiseurs d’étymologies du bas Moyen Âge. Il y a de fortes probabilités que la razzia sur les reliques de l’Evangéliste et le retour de la plus précieuse part de ce butin sacrilège renvoient, de façon anachronique, à la descente des Anglais à l’abbaye de Fine-Terre en 1294 : les soudards du comte de Leicester s’emparèrent alors des reliques conservées dans le trésor du monastère ; dès l’année suivante cependant, le même Leicester avait fait rapporter à l’abbaye bretonne le « chef » de saint Matthieu. Le second texte où il est question du passé prestigieux de Brest ne fait pas référence cette fois aux reliques de saint Matthieu [55] : son auteur rappelle que le nom originel de la ville, Octizmor, est d’origine « troyenne », parce qu’elle fut fondée par des compagnons du troyen Brutus, nom par la suite « latinisé » sous la forme Octizmorum puis corrompu en Octismorum et finalement Occismorum ; en outre, il localise à Octizmor le siège épiscopal primitif de la région, qu’il indique avoir été fondé vers l’an 120 et qui, d’après lui, a duré jusque vers l’an 452. Parmi les sources de ce texte figure explicitement un ouvrage intitulé Speculum historiale, dans lequel il faut reconnaître la célèbre somme historique de Vincent de Beauvais, dont la diffusion a commencé dès la fin du XIIIe siècle.
Les deux textes dont nous venons de parler sont l’expression d’un certain nombre de traditions relatives au roi de Brest, dont nous avons d’autres témoignages : ainsi en est-il de la mention d’une « reine de Brest » dans le nécrologe de Landévennec, compilé en 1293 [56] ; il y a surtout, dans l’état où nous l’a transmise l’auteur du Chronicon Briocense, la legenda sancti Budoci, dont la première partie est formée par la « merveilleuse et édifiante histoire du roi de Brest et d’Azénor sa fille, épouse de Goëllo » (pulchra et pia historia regis Brest et Azenor suae filiae et uxoris de Gouellou) [57].
Un exemple de « récupération » hagiographique
L’histoire d’Azénor a connu des aménagements successifs destinés à faire entrer le récit primitif dans un cadre hagiographique plus contraignant, plus « rationnel », et, conséquemment, à en restreindre la dimension exagérément « romanesque », telle qu’elle se manifeste par ailleurs dans le Livre de Caradoc, ouvrage qui présente avec l’histoire d’Azénor une parenté manifeste. Accusée fallacieusement d’adultère, en punition de quoi, comme elle est enceinte, elle est soumise à un type d’ordalie particulier (abandonnée sur la mer dans une embarcation sans rames, ni voile), Azénor est présentée par son biographe comme un parangon de dévouement filial, de fidélité conjugale et d’amour maternel, le tout à des fins manifestes d’édification des fidèles ; mais le personnage de la fille du roi de Brest tel que le décrivait la tradition orale était sans doute beaucoup plus proche à l’origine du modèle qui a inspiré celui de l’héroïne du Livre de Caradoc, Guinier, archétype de l’amante courtoise qui ne dédaigne nullement « de goûter les plaisirs du lit » [58].
Il est assez évident en effet que le providentiel et le miraculeux ont été introduits dans l’histoire d’Azénor, pour contrebalancer le « magique » et le « merveilleux » qui caractérisent l’épisode du serpent et du sein en or : ainsi sainte Brigitte, dans son rôle traditionnel de recours des parturientes, veille-t-elle sur la malheureuse princesse, quand celle-ci met au monde saint Budoc, durant la traversée de la Manche, à l’intérieur du tonneau qui leur sert d’embarcation ; et l’enfant fait montre dès sa naissance des charismes qui annoncent sa sainteté, immédiatement reconnue par les moines de l’abbaye de Beauport, sur les côtes d’Irlande — où l’esquif a abordé — et qui reçoivent Budoc dans leur communauté. Devenu adulte, le jeune Breton dont le peuple connaît les origines royales est sollicité pour ceindre la couronne d’Irlande, qu’il refuse ; en revanche Budoc accepte la charge d’archevêque de l’île, mais il doit fuir une population que sa rigueur pastorale a dressée contre lui. Il passe en Bretagne et s’installe successivement à Porspoder, puis à Plourin-Ploudalmézeau : notons que les ermitages attribués à saint Budoc par son hagiographe sont donc situés dans l’immédiate vicinité de Landunvez où s’élève le château de Trémazan, devenu à partir du XIVe siècle la résidence principale de la famille Du Chastel ; et l’on voit dans la généalogie publiée par le P. Anselme qu’une fille de Tanguy du Chastel et de Tiphaine de Ploesquellec, mariée en 1373 à Yvon Prévost, seigneur de Kerbastard, se nommait Azénor [59]. Enfin, toujours selon son hagiographe, Budoc fut promu sur le siège archiépiscopal de Dol qu’il occupa pendant vingt-cinq années, jusqu’à sa mort ; par ailleurs, la liste des prélats dolois qui figure dans la Chronique de Dol (écrite par Baudri de Bourgueil ?) mentionne que Budoc fit le pèlerinage de Jérusalem, d’où il avait ramené de précieuses reliques [60]. De telles mentions sont caractéristiques d’ouvrages hagiographiques composés aux XIe-XIIe siècles, dans le contexte de l’essor des pèlerinages hiérosolomitains dont les premières Croisades constituent l’aboutissement [61].
Le roi de Brest et le serpent
Le serpent qui figurait dans l’histoire d’Azénor a connu localement un grand succès : c’est ainsi qu’on le retrouve dans la paraphrase française par Albert Le Grand de la biographie de saint Rioc, dont l’action se déroule dans le triangle formé par La Roche-Maurice, Plounéour-Trez et Brest [62]. Dans cette dernière ville réside un personnage nommé Bristok, lui aussi décoré du titre de « roi » : Bernard Tanguy a souligné que « le nom de Bristok donné au roi de Brest n’est pas sans susciter des interrogations. On peut remarquer qu’Albert Le Grand commence par user de la forme latinisée Bristokus, ce qui suggère l’utilisation d’une source latine » [63] ; et le nom lui même apparaît, « ce que tend à confirmer le vocalisme en –i-, comme un archaïsme » [64].
Dans sa composition, Albert Le Grand utilise à plusieurs reprises le terme « dragon » : c’est également par le mot dracho que l’auteur de l’histoire d’Azénor désignait le serpent enroulé autour du bras du roi de Brest. La malfaisance, la taille et l’appétit de l’animal atteignent cette fois des proportions gigantesques : nouveau Minotaure, il faut en effet lui livrer tous les samedis un être humain à dévorer. Cette obligation est d’autant plus cruelle que le roi de Brest a cru bon de légiférer en la matière et fait procéder chaque semaine à un tirage au sort ; mais celui-ci s’acharne sur le père de Rioc, le seigneur de la Roche-Maurice, présenté avec sa famille comme des idôlatres.
Albert Le Grand a renforcé l’appropriation léonarde de Rioc en localisant au manoir de la Forêt-Landerneau la résidence de la mère du saint et la fondation sur place d’une chapelle : cette information a peut-être été extrapolée par l’hagiographe morlaisien à partir de renseignements contenus dans une « vieille chronique de Bretagne anonyme » [65], conservée, comme il l’a indiqué dans les sources de la Vie de saint Vouga [66], à Saint-Mathieu de Fine-Terre, dont précisément dépendait le prieuré-cure de La Forêt. Le compilateur fait ensuite état d’une tradition mettant en rapport son héros et Landévennec.
La famille Du Chastel et la lignée royale de Brest
La première partie de l’ouvrage consacré à saint Tanguy, tel que ce texte nous est connu au travers de la paraphrase française qu’en a donnée Albert Le Grand, est formée par la légende de sainte Haude et de son frère Gurguy. Le cadre géographique correspond au Bas-Léon, depuis Landunvez, où aurait vécu la sainte et le haut-lieu de son culte, jusqu’à Brest, où régnait alors un monarque nommé Honorius. Ce dernier n’était autre, au dire de l’hagiographe, que le grand père maternel de Haude et de Gurguy ; il ne porte pas cette fois le titre de « roi », mais celui de « prince », lequel doit rendre le mot princeps de la source utilisée par le dominicain. Car il ne fait aucun doute là encore que cette source était un ouvrage écrit en latin, ainsi qu’en témoigne la forme de plusieurs des anthroponymes mentionnés [67]. Tout comme dans le cas de sainte Azénor, le processus d’appropriation d’un récit profane dans une perspective prosélytique est là encore largement patent : Gurguy, le frère de Haude, de retour de la cour du roi des Francs où s’est faite son initiation chevaleresque, apprend par sa belle-mère la conduite indigne de sa soeur ; mais il s’agit en fait de calomnies. Cependant Gurguy s’est lancé à la poursuite de Haude, qui ne le reconnaissant pas, fuit devant lui. Gurguy finit par la rattraper et décapite la malheureuse ; mais celle-ci va recouvrer la vie pendant quelques instants, au travers d’un épisode de céphalophorie d’autant plus intéressant que ce dernier thème est très peu développé dans l’hagiographie bretonne : tandis que leur marâtre subit une mort ignominieuse et méritée, la jeune martyre peut ainsi accorder son pardon à son bourreau. « Son corps », écrit Albert Le Grand, « fut inhumé en l’Eglise parrochiale de Landunvez, au Sepulcre de ses Ancestres, où Dieu l’a illustrée de grands miracles ».
A quelle époque faut-il faire remonter la mise en forme de l’histoire de sainte Haude ? Il est très difficile de le dire car le texte dont s’est servi le biographe de saint Tanguy est perdu et sa critique interne est donc impossible. Mais il est patent que l’histoire de la jeune fille et de sa destinée tragique est largement démarquée de celle d’une sainte anglosaxonne du nom de Juthwara. Goscelin, auteur de la vita de saint Wulsin de Sherborne (BHL 8753) dans les années 1060 ou 1070, fait le récit de miracles attribués à la sainte en question, dont les reliques étaient elles aussi conservées à l’abbaye de Sherborne et dont par ailleurs il connaissait un « passionnaire » [68]. La comparaison avec le texte transmis par Albert Le Grand permet de faire une estimation assez précise de l’apport d’ailleurs mince de la tradition continentale : le récit est en effet quasiment identique jusqu’à l’épisode de la céphalophorie qui se retrouve dans les deux cas. La mort dramatique et triviale de la marâtre a peut-être été imaginée par le biographe de sainte Haude : dans la Vie de saint Vouga, elle aussi transmise par Albert Le Grand, un châtiment semblable vient frapper une femme qui s’était rendue coupable d’insolence à l’égard du saint [69] ; mais ce qui incontestablement appartient en propre à la tradition locale, c’est bien sûr la référence au « prince » de Brest, Honorius, dont le nom a sans doute été directement emprunté à la tradition orale : il paraît correspondre en effet au nom vernaculaire de la princesse Azénor, Enori. A l’inverse, le nom Haude « n’est pas réductible à son correspondant populaire Eodez, ignoré par Albert Le Grand » [70] : comme le nom Florence, que l’hagiographe attribue à la fille du prince Honorius et qui se retrouve dans Artus le Petit, il révèle l’influence de « romans » de basse époque (XIVe siècle) et permet de resserrer la fourchette chronologique de la composition de la vita. Enfin, le nom Gurguy, « rare dans l’anthroponymie bretonne ancienne » [71], qui signifie littéralement « homme-chien », mais qu’il faut peut-être comprendre dans le sens de « guerrier », ouvre d’autres perspectives quant à l’origine des traditions relatives au roi de Brest et au serpent-dragon-minotaure : en effet, les Triades insulaires rapportent l’histoire de Gwrgi Garwlwyd, fils d’un prince gallois, mais habitué de la cour du roi anglo-saxon Eldfled, où il avait appris à aimer la chair humaine, jusqu’à une complète addiction qui le poussait à effectuer secrètement des incursions dans son propre pays pour s’y procurer le jeune homme et la jeune femme qu’il dévorait quotidiennement ; le nombre de ses victimes était doublé le samedi, afin de permettre à Gwrgi de ne pas avoir à les tuer le dimanche. De son côté, le roi Eldfeld, dont Gwrgi avait épousé la sœur, se faisait amener deux filles de la noblesse galloise chaque soir, dont il abusait pendant la nuit, qu’il assassinait et dévorait au matin. Finalement, Gwrgi et Eldfled furent tués par les fils de Dysgyvedawg, nommés respectivement Difedel et Ysgavnell, tous deux bardes. Curieusement, il semble que les habitants du Léon revendiquaient au XIIe siècle d’être appelés les « têtes de chien » [72] : cette appellation générique s’inscrit probablement dans une véritable perspective totémique, car le « chef » de ces « têtes de chien » portait quant à lui le titre de « grand chien »,*Kon Mor, lequel a passé en tant que surnom à l’un des membres de la puissante dynastie brito-romaine des Marci Aurelii, maîtresse de la région [73].
Mythologie familiale et saints tutélaires
Dans son précieux Armorial Breton, paru en 1667, Guy Le Borgne écrit au sujet des Du Chastel [74] :
De cette maison estoient issus ces Tanguys du Chastel, heros de leur siecle, tant renommez dans nos chroniques pour leur grande prouesse, et qui ont esté honorez de si belles charges tant sous nos anciens ducs, que roys de France…(…) Et encore pour une singuliere marque de la gloire de cette maison, elle se vante aussi avec verité d’avoir produit deux saints et vertueux personnages sous le nom de saint Tanguy et sainte Haude, qui selon la commune approbation de l’Eglise leonnoise jouyssent de la gloiredes bien-heureux.
Ce témoignage constitue donc le terminus a quo de l’appropriation par les Du Chastel de l’histoire de saint Tanguy, lequel était ainsi venu rejoindre, dans la mémoire du lignage, les autres héros de la mythologie familiale, désignés collectivement (avec la marque du pluriel) comme les « Tanguys ».
Le premier de ces héros, après sa participation, au début de la guerre de succession du duché, à un coup de main qui lui permit, de concert avec Gautier de Mauny, de s’emparer en 1342 de plusieurs partisans de Charles de Blois, dont Hervé de Léon, seigneur de Noyon, s’illustra à la bataille de la Roche-Derrien en 1347 et à celle de Mauron en 1352 dans les rangs montfortistes. Le second Tanguy, arrière-petit-fils du précédent, qui fut chambellan du duc d’Orléans, puis prévôt de Paris et enfin sénéchal de Beaucaire, mourut fort âgé en 1458 [75]. Fait prisonnier lors de la bataille de Dartmouth où son frère aîné, Guillaume, avait perdu la vie, Tanguy du Chastel avait connu une longue captivité en Angleterre. De retour en France, il s’est immortalisé en parvenant à soustraire le dauphin (futur Charles VII) aux violences des troupes bourguignonnes en 1418 ; sa participation à l’assassinat de Jean sans Peur l’année suivante au pont de Montereau, en réponse à celui du duc d’Orléans en 1407, s’inscrit, bien au delà d’une réflexion politique ou stratégique, dans une logique de vendetta qui était familière aux Du Chastel [76]. Le troisième Tanguy, neveu du second, fut gouverneur du Roussillon et mourut au siège de Bouchain en 1477 : il avait exercé les charges et offices de conseiller et chambellan du roi Charles VII, puis de Grand-Ecuyer de France ; revenu en Bretagne après la mort de ce prince en 1461, Tanguy du Chastel, marié en 1462 à l’héritière de la vicomté de la Bellière, devint la même année conseiller et chambellan de François II. Le duc en fit peu après son Grand-Maître d’Hôtel et pour mieux se l’attacher le créa banneret en 1465.
Or, c’est au moment du retour en Bretagne de Tanguy du Chastel, son grand oncle, que l’héritier des Du Chastel reçut le nom de Tanguy, réservé jusque là aux cadets, à l’exception notable du premier d’entre eux. Il s’agissait d’un véritable tournant, devant permettre à la branche aînée de ce lignage de s’approprier l’héritage symbolique dont le nom Tanguy était chargé. Dans ces conditions, l’auteur de la vita de saint Tanguy, telle qu’elle figurait dans le manuscrit détenu en 1472 par le grand père d’Albert Le Grand, s’est efforcé de donner un sens à des éléments disparates au profit de la famille Du Chastel, qui de surcroît envisageait à l’époque de se doter d’un sanctuaire dynastique (Kersaint). L’hagiographe s’est servi de quelques maigres indications, qu’il a assez adroitement reliées à la legenda de sainte Haude et sur lesquelles il a amplement brodé dans la seconde partie de l’ouvrage : ainsi en est-il du toponyme Coat-Tanguy, manoir situé à proximité du petit prieuré du Relecq[-Kerhuon], alors en la paroisse de Guipavas [77] ; et de la mention de plusieurs membres de la famille Du Chastel en qualité de donateurs à l’abbaye Saint-Mathieu au XIVe ou au XVe siècle [78]. L’apport des traditions orales (dont plusieurs sans doute étaient venues des Kermavan, véritables dépositaires du culte de saint Tanguy) est plus difficile à appréhender, mais il paraît avéré : la désignation miraculeuse de l’endroit, pourtant jugé inadéquat, où fut bâtie l’abbaye Saint-Mathieu de Fine-Terre ; l’étymologie, d’ailleurs hasardeuse, du nom de la seigneurie de Coatélez en Le Drénec, dont les détenteurs pourraient avoir bien été les fondateurs du prieuré de Bréventec ; la longue procession aux flambeaux qui accompagne la dépouille mortelle du saint jusqu’à sa dernière demeure et que la tempête ne parvient pas à souffler ; — ces détails, qu’ils se rapportent ou non à saint Tanguy, et quel que soit leur degré d’originalité, peuvent avoir été communiqués oralement à l’hagiographe.
Seule paraît pouvoir être attribuée à Albert Le Grand l’identification fallacieuse du petit prieuré du Relecq[-Kerhuon], alors en la paroisse de Guipavas, dont aurait eu la charge saint Tanguy et qui dépendait en 1173 de l’abbaye de Daoulas, avec la maison cistercienne du Relec, en Plounéour-Ménez, fondée en 1132 sur les ruines d’un prétendu monastère de Gerber, dont frère Albert indique qu’il avait été établi par saint Paul Aurélien et confié par lui à saint Tanguy [79]. Il est important de souligner que le Dominicain n’a pas mentionné parmi ses sources la « vieille chronique de Bretagne, écrite à la main » et le « vieil légendaire, aussi manuscrit sur vellin », qui étaient conservés à l’abbaye Saint-Mathieu-de-Fine-Terre : sans doute ces ouvrages étaient-ils muets sur saint Tanguy, pour être plus anciens que la compilation tardive dont Albert Le Grand nous a transmis l’essentiel.
Comme il se voit au travers des vestiges des biographies de sainte Azénor et saint Budoc, de sainte Haude et de saint Rioc, l’une des caractéristiques les plus nettes de l’hagiographie bretonne tardive est sa propension au merveilleux romanesque. Ces textes entretenaient entre eux des relations serrées, assez difficiles à démêler. En tout état de cause, le traitement d’un récit profane pour le rendre plus conforme au modèle hagiographique est la marque d’un auteur qui poursuit un but précis : s’approprier le récit en question, singulièrement dans ses aspects les plus déroutants, pour mieux le domestiquer ; puis l’utiliser au travers de la prédication, à des fins d’édification. Combinant la légende locale du roi de Brest avec des motifs hagiographiques récurrents (la femme injustement calomniée, la navigation miraculeuse, la céphalophorie), des mythes ancrés au plus profond de l’inconscient des populations (divinité solaire, serpent tutélaire, sacrifices humains), des réminiscences historiques (pèlerinages à Jérusalem, métropole de Dol, fondations d’abbayes), des personnages typiques (marâtres malfaisantes, pères autoritaires, maris jaloux) et des considérations topiques (la violence des hommes, la duplicité des femmes, l’innocence des enfants), les hagiographes concernés, aux XIIIe et XIVe siècles, ont su habilement mettre en scène des personnages attachants et pittoresques dont la destinée tragique suscitait l’intérêt et l’émotion du public. A partir du XVe siècle, soit la fin de la période qui nous intéresse, on assiste en plusieurs occasions à une véritable captation de la tradition hagiographique au profit de familles de l’aristocratie bretonne : une telle approche ne constitue pas une véritable innovation, car depuis longtemps, sinon même depuis les origines, la dimension politique n’était jamais absente du système de pensée des hagiographes ; mais elle a définitivement stérilisé un genre littéraire déjà largement obsolète, dont la vita de saint Tanguy peut être considérée sans doute comme l’expression la plus tardive.
[1] Dom G. A. Lobineau, Vies des saints de Bretagne, Rennes, 1725, p. 119.
[2] A. Le Grand, Vies des saints de la Bretagne armorique, 3e édition [avec des notes de D.-L. Miorcec de Kerdanet], Brest-Paris, 1837, p. 763-773.
[3] Le généalogiste et héraldiste Vulson de la Colombière écrit en 1644 que « la maison de Kergournadech est une des plus anciennes de toute la Bretagne et a toujours esté mise pour l’une des quatre premières de l’Evesché de Léon, ou elle est située, avec celles de Penhoet, du Chastel et de Kerman, toutes illustres ». Ce « clan » familial apparaît constitué vers le milieu du XVe siècle : François du Chastel avait épousé en 1434 Jeanne de Kermavan, et sa sœur, Marguerite du Chastel, avait épousé Tanguy de Kermavan, le frère de Jeanne ; la plus jeune sœur de François et Marguerite, Méance du Chastel, épousa en 1454 Olivier de Kergournadec’h. La vaillance des Du Chastel était proverbiale dès cette époque : il y est fait référence de façon explicite dans le texte de l’épitaphe de Guillaume du Chastel, mort au siège de Pontoise en 1441. Quant aux Kergournadec’h, Vulson de la Colombière dit avoir vu « une enqueste faite en l’an 1434, dans laquelle les gentils-hommes du pays tesmoignent avoir ouy dire et tenir par tradition que depuis celuy-là [l’ancêtre légendaire, venu combattre un dragon aux côtés de saint Paul Aurélien] jusques au temps de ladite enqueste tous les seigneurs de cette maison avoient toujours esté chevaliers et y avoit un proverbe en breton qui disoit qu’avant qu’il y eut Monsieur ou seigneur en aucune autre maison, il y avoit un chevalier à Kergournadech ». A partir du début du XVe siècle, et de manière systématique sous le règne du duc Pierre II, la noblesse bretonne a été organisée autour des neuf baronnies et des fiefs bannerets, organisation qui a favorisé l’émergence du « clan » en question, dont les lignages constitutifs se voyaient reconnaître une forme de prééminence sur le reste de la noblesse léonarde ; de même en ont agi avec eux les vicomtes de Rohan, dans leur fief de Léon. Notons au surplus que des traditions tardives associaient la famille de Kermavan avec saint Ténénan ; mais les fragments conservés de la vita de ce dernier sont muets sur le sujet. En revanche, les premiers vers de l’hymne de l’octave de la fête de saint Paul Aurélien démarquaient l’orgueilleuse devise des Kergournadec’h et consacraient l’ancienneté de cette famille.
[4] Une nouvelle illustration vient d’en être récemment donnée à propos de la Vie de saint Ké, dont le modèle allégué par l’hagiographe morlaisien a été manifestement utilisé par l’auteur d’une pièce de théâtre en cornique, Beunans Ke, composée à la même époque que Beunans Meriasek, soit la charnière des XVe-XVIe siècles, sans doute à Glasney, College, dont les chanoines percevaient les dîmes de la paroisse de Kea.
[5] Dom G.A. Lobineau, Histoire de Bretagne, t. 2 [Preuves], Paris, 1707.
[6] Dom H. Morice, Mémoires pour servir de Preuves à l’histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, t. 1, Paris, 1742.
[7] Cartulaire de Landévennec, publié par R.-F. Le Men et E. Ernault, Paris, 1886.
[8] Cartulaire de l’abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, publié par L. Maître et P. de Berthou, 2e édition, Paris, 1902.
[9] Cartulaire de l’Eglise de Quimper, publié par le chanoine P. Peyron, Quimper, 1909.
[10] A. de la Borderie, Recueil d’actes inédits des ducs et princes de Bretagne (XIe, XIIe, XIIIe siècles), Rennes, 1888 ; Nouveau recueil d’actes inédits des ducs et princes de Bretagne (XIIIe et XIVe siècles), Rennes, 1902.
[11] M. Jones, Recueil des actes de Jean IV, duc de Bretagne, t.1, Rennes, 1980, t. 2, Rennes, 1983 et t. 3 (supplément), Rennes, 2001 ; Recueil des actes de Charles de Blois et Jeanne de Penthièvre, duc et duchesse de Bretagne (1341-1364), suivi des actes de Jeanne de Penthièvre (1364-1384), Rennes, 1996.
[12] M. Jones et J. Everard, The Charters of duchess Constance of Brittany and her family (1171-1221), Woodbridge, 1999.
[13] Les actes des ducs de Bretagne (944-1148), thèse devant paraître sous le titre Recueil des actes des rois et ducs de Bretagne. 851-1148 dans la Collection des chartes et diplômes relatifs à l’histoire de France publiés par les soins de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Série des actes des grands feudataires.
[14] J. Quaghebeur, La Cornouaille du IXe au XIIe siècle. Mémoire, pouvoirs, noblesse, 1ère édition, Quimper, 2001.
[15] H. Guillotel, « Les vicomtes de Léon sont-ils les fondateurs de l’abbaye de Saint-Mathieu ? », dans Tanguy (B.) et Cloître (M.-C.) [éd.], Saint-Mathieu de Fine-Terre à travers les âges. Actes du colloque des 23 et 24 septembre 1994, [Brest-Plougonvelin], 1995, p. 134-139.
[16] A. Le Grand, Vies des saints…, p. 37, 319, 322, 381, 409, 525, 533, 608, 622, 640, 664, 719, 773, 814, etc.
[17] Bulletin de la Société académique de Brest, t. 15 (1890), p. 113-147 et t. 17 (1892), p. 147-257.
[18] Etudes sur la Bretagne et les pays celtiques. Mélanges offerts à Yves Le Gallo, Brest, 1987, p. 463-473.
[19] Ouvrage publié sous la direction de M.-T. Cloître, Brest, 2000, p.30-32.
[20] B. Tanguy, « Saint-Mathieu. Le haut Moyen Âge : légende et histoire », dans Saint-Mathieu de Fine-Terre à travers les âges…, p. 34-43.
[21] G. Guénolé, Une famille bretonne au Moyen Âge : les Du Chastel (XIVe-XVe siècles), dactylographié, Bibliothèque du CRBC, Brest.
[22] J.-Y. Besselièvre, M. Créac’h, A.-H. Kerbiriou, L. Chauris, Le château fort de Trémazan. Architecture, Légende, Histoire, [s.l.], 1999 (ouvrage honoré d’une préface de J. Mesqui et illustré par P. Aubibert).
[23] A.-Y. Bourgès, « Archéologie du Mythe : hagiographie du bas Moyen Âge et origines fabuleuses de quelques lignages de la noblesse bretonne », dans Kreiz 4, Etudes sur la Bretagne et les pays celtiques, Brest, 1995, p. 5-28.
[24] P. Kernévez, Les fortifications féodales du Finistère. Mottes, enceintes et châteaux, [s.l.], 1997 (Patrimoine archéologique de Bretagne).
[25] Idem, p. 98-99.
[26] Id., p. 160, 50-51 et 63-64.
[27] Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France, des Pairs, Grands Officiers de la Couronne et de la maison du Roy, et des anciens Barons du royaume…, le tout dressé sur titres originaux… par le P. Anselme, augustin déchaussé ; continuée par M. Du Fourny. Revue, corrigé et augmentée par les soins du P. Ange et du P. Simplicien, augustins déchaussez, 3e édition, t. 8, Paris, 1733, p. 356-364.
[28] Sur le sérieux des travaux de Chérin, voir H. Jougla de Morénas, Noblesse 38, Paris, 1938, p. 149-150 et Le second Ordre, Paris, 1947, p. 159-161.
[29] Bulletin de la Société académique de Brest, t. 19 (1894), p. 293-428 ; le mémoire généalogique de Chérin corrigé par l’abbé du Chastel figure aux p. 311-328.
[30] Idem, p. 312.
[31] Histoire généalogique et chronologique…, p. 357.
[32] Cette généalogie, conservée à la Bibliothèque nationale de France, est signalée dans Guy Autret, seigneur de Missirien, correspondant de Pierre D’Hozier en Basse-Bretagne (1635-1660). Lettres inédites recueillies et publiées par M. le comte de Rosmorduc, Saint-Brieuc, 1899, p. 199 : « Généalogie des seigneurs du Chastel et de Mezle, remontant à Bernard du Chastel, vivant en 1284 ».
[33] A. de la Borderie, Recueil d’actes…, p. 250-251.
[34] Idem…, p. 261-263.
[35] Dom Morice, Preuves, t. 1, col. 1063-1064.
[36] G. Guénolé, Une famille bretonne…, p. 14.
[37] O. de Poli, « Bretagne. L’assise du comte Geoffroy (1185). Croisés bretons (1248) », dans Annuaire du Conseil héraldique de France, 1ère année (1888), p. 112-124.
[38] A. Mousset, « Nicolas Delvincourt et le Nobiliaire de Bretagne », dans Annales de Bretagne, t. 29, n° 3 (1914), p. 479-498.
[39] Dom Morice, Preuves, t. 1, col. 463.
[40] A. de la Borderie, Recueil d’actes…, p. 291.
[41] F. Dolbeau, « Vie latine de sainte Ame, composée au XIe siècle par Etienne, abbé de Saint-Urbain », dans Analecta Bollandiana, t. 105 (1987), p. 25-63.
[42] A. de la Borderie, Recueil d’actes…, p. 263-264 et 272-274.
[43] Comte Beugnot, Les Olim, t. 3, Paris, 1848, p. 1012-1014.
[44] B. Tanguy, « Saint-Mathieu. Le haut Moyen Âge : légende et histoire », p. 42-43.
[45] A. de la Borderie, Nouveau recueil d’actes…, p. 15, n. 7.
[46] Abbé Anger, « Cartulaire de l’abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt », dans Bulletin et mémoires de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, t. 35 (1906), p. 380.
[47] S’il ne s’agit pas d’une rencontre fortuite, la mention d’un certain Herveus filius Algomari, témoin dans un acte passé en 1123 au profit de l’abbaye Saint-Nicolas d’Angers par un noble de Cordemais qui confirme les donations antérieures faites par les ducs Hoël et Alain Fergent (Dom Morice, Preuves, t. 1, col. 428-429), autorise à faire remonter la filiation du lignage des Haelgomarc’h-Hervé-Bernard de deux générations supplémentaires, en y intégrant au passage un nommé Inisan, fils d’Haelgomarc’h, mentionné vers 1130 dans un acte du Cartulaire de Quimperlé, p. 164-166, et peut-être aussi, comme le suggère J. Quaghebeur, Bernard dit Brito, ou encore « de Moëlan », qui fut évêque de Quimper de 1159 à 1167.
[48] J. Quaghebeur, La Cornouaille…, p. 424.
[49] M. Jones et J. Everard, The Charters of duchess Constance of Brittany..., p. 47, 54, 55.
[50] Idem, p. 60.
[51] J. Quaghebeur, La Cornouaille…, p. 425.
[52] Dom Morice, Preuves, t. 1, col. 911.
[53] Ms. Rennes, archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 1 F 1003, p. 102 et 196. Voir édition et traduction par Gw. Le Duc, « L’évêché mythique de Brest », dans Les débuts de l’organisation religieuse de la Bretagne armoricaine, s.l. [Landévennec], 1994 (Britannia Monastica, 3), respectivement p. 189 et 179-181.
[54] Voir par exemple la qualité de civitas principalis attribuée à Brest dans les mêmes termes par les deux textes.
[55] Ms. Rennes, archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 1 F 1003, p. 196. Voir édition et traduction par Gw. Le Duc, « L’évêché mythique de Brest », p. 179-181.
[56] J.-L. Deuffic, Nécrologe de Landévennec, s.L. [Daoulas], 1983 (Britannia Christiana, Bibliothèque liturgique bretonne, 3/1), p. 3 : Ouragona regina de Brest habet ad obitum suum v. l. percipiendas apud Landeg. Videlicet super domo veteri regis xii. den. de super domo nova regis xii. den., etc ; p. 6 : VI nonas julii, obierunt … et Ouragona regina de Brest familiaris nostra.
[57] C’est le titre que lui a donné le copiste du ms. Paris, Bibliothèque nationale de France, fonds latin, n° 6003, du XVe siècle.
[58] La légende arthurienne — Le Graal et le Table ronde [édition établie sous la direction de D. Régnier-Bohler], Paris, 1989, p. 500.
[59] Histoire généalogique et chronologique…, p. 358.
[60] F. Duine, La métropole de Bretagne. Chronique de Dol composée au 11e siècle et catalogues des dignitaires jusqu’à la Révolution, Paris, 1916, p. 43.
[61] Idem, p. 59-60.
[62] A. Le Grand, Vies des saints…, p. 29-33.
[63] B. Tanguy, « Le roi de Brest », p. 468.
[64] Idem, p. 469.
[65] A. Le Grand, Les Vies des saints…, p. 33.
[66] Idem, p. 298.
[67] Outre Honorius, on trouve Galonus, seigneur de Trémazan, lequel avait épousé Florence, la fille du « prince » de Brest, dont étaient nés Haude et Gurguy, Gurguidus, ce dernier assimilé dans la seconde partie du texte à saint Tanguy, Tanguidus.
[68] … Ut in ejus passionali relatum est decollata a fratre memoratur post caput abscisum trunco corpore cucurrisse et illud utrisque palmulis in collem unde deciderat, revexisse : C. H. Talbot, « The Life of Saint Wulsin of Sherborne, by Goscelin », dans Revue bénédictine, t. 69 (1959), p. 84. Cet ouvrage a disparu, mais on en connaît le résumé fait par John of Tynemouth au XIVe siècle (BHL 4613) : C. Hortsman, Nova legenda Anglie, as Collected by John of Tynemouth, John Capgrave and Others… New Reedited with Fresh Material from Ms and Printed Sources, t. 2, Oxford, 1901, p. 98-99 ; résumé dont s’est servi Nicholas Roscarrock au début du XVIIe siècle : N. Orme, Nicholas Roscarrock’s Lives of the Saints : Cornwall and Devon, s.l. [Exeter], 1992, p. 81-82, 138, 143-144, 171.
[69] A. Le Grand, Vies des saints…, p. 297.
[70] B. Tanguy, « Saint-Mathieu. Le haut Moyen Âge : légende et histoire », p. 36.
[71] Idem, p. 42.
[72] A. de La Borderie, « L’historia britannica avant Geoffroi de Monmouth et la Vie inédite de saint Goëznou », dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. 9 (1882), p. 228 : l’auteur de la vita de saint Goëznou donne le terme pengonet, glosé canica capita. La lecture Pengouet proposée par A. de La Borderie nous avait conduit à supposer qu’il pouvait s’agir du toponyme Penhoat, « le bout du bois », nom d’un village de Gouesnou (Fin.) : voir note suivante.
[73] A.-Y. Bourgès, « Commor entre le mythe et l’histoire : profil d’un “chef” breton du VIe siècle », dans Mémoires de la société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. 74 (1996), p. 424-426. A l’époque de la rédaction de cet article, nous avions reproché à l’hagiographe d’avoir donné une étymologie fallacieuse du mot Pengouet ; en fait c’est la lecture Pengouet qui est fallacieuse et la glose de l’hagiographe (canica capita) s’applique parfaitement au mot Pengonet : voir note précédente.
[74] Guy Le Borgne, Armorial breton, Rennes, 1667 ; reprint 2001, p. 46.
[75] Nous devons cette information à la vigilante attention du Professeur Michael Jones, que nous remercions bien vivement de cette précision.
[76] Soucieux de venger la mort de son frère aîné Guillaume, tué au combat à Dartmouth, Olivier du Chastel défit et tua le comte de Beaumont, commandant la flotte anglaise qui, en août 1404, avait débarqué près de Guérande et pillait la côte.
[77] B. Tanguy, « Saint-Mathieu. Le haut Moyen Âge : légende et histoire », p. 41.
[78] H. Guillotel, « Les vicomtes de Léon sont-ils les fondateurs de l’abbaye de Saint-Mathieu ? », dans Saint-Mathieu de Fine-Terre. Actes du colloque…, p. 133.
[79] Il faut faire remarquer à cette occasion que, parmi les témoins d’un acte donné en 1166 par Bernard, évêque de Quimper, en faveur de l’abbaye de Quimperlé figure un certain Tanguy monacho de Relec : ce moine était-il connu d’Albert Le Grand qui a cru, ou qui a voulu, reconnaître en lui le saint homonyme ? En tout cas, le nom Gerber, inconnu par ailleurs, peut parfaitement se rapporter à la forêt, depuis disparue, qui s’étendait là où fut établie l’abbaye cistercienne, sans pour autant impliquer qu’il y ait eu antérieurement sur le site un monastère qui portait ce nom.