A propos de la terre de Querlouët
Mardi 2 mai 2017, texte saisi par
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Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Clairambault 1066, fol. 140.Citer cet article
Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Clairambault 1066, fol. 140, 2017, en ligne sur Tudchentil.org, consulté le 11 octobre 2024,www.tudchentil.org/spip.php?article275.
La dame présidente de la Coquerie a presenté une requeste à S. A. R. dans laquelle elle se plaint du sieur de Brilhac, premier président : mais en voyant cette requeste, on peut aisément juger qu’elle n’a eu d’autre intention que de l’attaquer sans raison.
Il est vray que la damoiselle de Querloüet heritiere dans l’estat maternel du sieur de la Haye-Saint Hilaire son neveu, se trouva par son deceds proprietaire de la terre de Querloüet.
Dans le dessein qu’elle eut d’abreger le benefice d’inventaire, elle prit la resolution de vendre cette terre.
Elle pria le sieur de Brilhac premier président et duquel elle étoit alliée, de trouver bon qu’elle la luy vendit avec une faculté de remeré.
Il y consentit, la damoiselle de Querloüet envoya sa procuration au sieur Guesdon.
Le contrat se fit devant notaires pour la somme de seize mil livres. Le sieur de Brilhac sçachant que le benefice d’inventaire se poursuivoit à Fougeres, que tous les creanciers s’y étoient presentez, y envoya son contrat avec ordre de le signifier aux creanciers, et de leur donner assignation devant le juge, pour le voir homologuer ou surencherir, s’ils le jugeoient à propos.
La dame presidente de la Coquerie en eut communication, et ny elle, ny les creanciers n’ayant point opposé ny encheri le contrat, la terre fut adjugée en leur presence au sieur de Brilhac ; elle en convient elle-même par sa requeste.
Après l’homologation faite devant le juge de Fougeres, le sieur de Brilhac s’appropria devant le juge de Carhaix, tous les creanciers y furent encore appellez, et la sentence d’appropriement qui est ce qu’on appelle à Paris un decret, intervint sans aucune opposition de la dame presidente.
Le sieur de Brilhac consigna ensuite les seize mil francs prix de son contrat entre les mains du receveur des consignations.
Si les choses en estoient demeurées là, il est certain qu’on ne pouvoit rien objecter au sieur de Brilhac premier president.
Il faut donc voir si ce qui s’est passé dans la suite, a changé quelque chose, c’est ce qu’on espere qui ne se trouvera pas.
Deux ans après l’appropriement, la damoiselle de Querlouet envoya sa procuration au sieur de la Villeguerin, avocat general du parlement de Bretagne, afin d’exercer sa faculté de remeré sur le sieur de Brilhac.
Cela s’executa pendant les Etats de Saint-Brieux, et cette même terre fut revendue au sieur de Rocquefeuil quarante neuf mil livres.
Il remboursa sur cette somme au sieur de Brilhac les seize mil francs qu’il avoit consignez, et en retira une copie de la quittance de consignation : le reste est encore dû à ma damoiselle de Querlouet. Qu’a fait en tout cela le sieur de Brilhac premier president ? On ne peut l’accuser de profiter en rien de ce marché ; il est assez connu pour en estre incapable.
La dame presidente de la Cocquerie peut-elle dire qu’elle n’a pas osé s’opposer ny surencherir par l’apprehension du credit du sieur de Brilhac ? Sa timidité a bien cessé, puisque’lle ne craint pas de donner contre luy à S. A. R. une requeste aussi injurieuse ; et qu’on ne peut pas soupçonner avoir esté donnée à une autre intention, puisqu’elle ne conclud à rien par cette requeste.
Et en effet, dès qu’elle a eu connoissance de tout ce qui s’est passé ; qu’elle a eu communication du contrat ; qu’elle a consenti à l’homologation, et qu’elle n’a formé aucune opposition à l’appropriement ou au decret, que pourroit-elle valablement proposer ? Ne luy est-il pas indifferent que la terre soit passée du sieur de Brilhac à la demoiselle de Querlouet, et ensuite au sieur de Rocquefeuil, ou qu’elle fust restée au sieur de Brilhac ?
Dans ce dernier cas il est certain qu’il n’y avoit rien à luy objecter, et on ne le peut aussi peu dans ce dernier.
Ce seroit renverser les principes les plus solides de la sûreté publique.
La dame presidente de la Cocquerie se plaint encore que le sieur de Brilhac a signé un arrest qui empêche qu’on ne fasse l’ordre des seize mil francs consignez jusqu’à ce que le compte de la succession beneficiaire du pere n’ait esté rendu.
Le sieur de Brilhac premier president n’a de part à cet arrest que de l’avoir signé après le rapporteur qui avoit fait le rapport de la requeste.
Les motifs en parurent justes quand il fut rendu. S’il blesse la dame presidente, elle y peut former opposition, c’est même ce qu’elle a fait ; on a déjà plaidé sur cette opposition depuis que le sieur de Brilhac est à Paris, c’est une voye naturelle.
Pourquoy quand elle a pris la regle de la Justice, affecter de s’en écarter pour prendre une voye extraordinaire ? Si ce n’est pour se donner la liberté de dire des injures au sieur de Brilhac, en disant en l’air que ce n’est pas le premier arrest qu’il ait rendu, dont on se soit plaint.
Les juges seroient bien à plaindre eux-mêmes, si on écoutoit tous ceux qui ne sont pas contents des arrests qui se rendent.
Le sieur de Brilhac n’est pas obligé de connoitre tous ceux qui presentent des requestes au Parlement, ny de sçavoir s’ils sont creanciers ou ne le sont pas : c’est aux parties à discuter leurs droits, à contester les unes avec les autres, et c’est aux juges à decider ces contestations.
Toute la procedure dont se plaint la dame presidente n’est d’aucune consequence pour le sieur de Brilhac ; il ne trouve point mauvais que la dame presidente fasse retracter cet arrest en faisant decider son opposition. Les liaisons qu’elle veut luy donner avec un receveur des consignations, les interests qu’elle avance qu’il a avec luy dans les Fermes, tout cela jetté sans fondement dans sa requeste, et absolument contre la verité, n’y est placé que comme des ornements qui ne meritent pas de réponses, mais qui pourroient estre de justes motifs de demander des reparations, si le sieur de Brilhac n’estoit pas au-dessus de tout ce que peut dire la dame, qu’il respecte autant que son rang merite de l’être.