La « sainteté » de Charles de Blois, ou l’échec d’une entreprise de canonisation politique
Jeudi 25 mars 2010, par
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Britannia Monastica, t. 10, 2006, p. 21–41.Citer cet article
Laurent Héry, La « sainteté » de Charles de Blois, ou l’échec d’une entreprise de canonisation politique, 2010, en ligne sur Tudchentil.org, consulté le 10 octobre 2024,www.tudchentil.org/spip.php?article719.
L’histoire, souvent, s’écrit dans le sang des batailles : celle qui se déroule sous les murs d’Auray, le 29 septembre 1364, en témoigne. Cette rencontre, où s’alignent les troupes des deux prétendants à la succession de Bretagne, bien décidés à s’en remettre au sort des armes pour trancher leur querelle, est en effet décisive : elle scelle la victoire de Jean de Montfort et met fin à la guerre civile qui ensanglantait depuis vingt-trois ans le duché [1]. Le parti des Penthièvre, anéanti par la mort de son chef, sort ruiné de l’affrontement. Cette bataille est un tournant. Chroniqueurs et historiens, qu’ils soient presque contemporains des faits ou plus tardifs, saisissent pleinement la portée de l’événement et s’en emparent [2]. L’écho de la journée d’Auray, réfléchi par l’historiographie bretonne du Moyen Age finissant, résonne encore au XVIIIe siècle dans la littérature péninsulaire.
En 1749, un religieux profès de la chartreuse d’Auray, resté anonyme, consacre ainsi une large part de sa chronique versifiée au récit de la bataille et à son dénouement [3]. Il évoque notamment en ces termes le sort du vaincu : « Le corps de Charles de Blois fut trouvé couvert d’une haire et ceint d’une corde […]. Le corps de cet illustre et infortuné prince fut porté a Guincamp et enterré dans l’eglise des Cordeliers. On avoit commencé a Rome de proceder a sa canonisation ; des justes raisons de prudence et de paix firent avorter cette procedure [4] ». Ce passage, extrait de notes en prose que le chartreux anonyme avait jointes à son « poème historisé [5] », dévoile une vision partisane des faits : la Chronique d’Auray, qui rappelle l’émoi suscité dans le camp du vainqueur par la possible canonisation du comte de Penthièvre et le soulagement devant l’oubli où semblait finalement être tombée la procédure, s’inscrit en effet dans la tradition de l’historiographie montfortiste [6].
Le souvenir du climat de l’immédiat après-guerre, près de quatre siècles plus tard, ne s’est donc pas éteint : cet extrait restitue l’atmosphère incertaine d’une époque où Jean IV, désireux d’établir son pouvoir et de panser les plaies, devait contrer les manœuvres du parti blésiste qui voulait faire un saint de son maître occis [7]. C’est naturellement dans la propre famille du prince défunt que se recrutent alors les plus ardents défenseurs de cette cause : Louis d’Anjou y tient le premier rang.
Louis d’Anjou et la « sainteté » de Charles de Blois
Sainteté familiale et stratégie politique : la religion au service de l’ambition
Louis de France, fils et frère de roi [8], est un prince ambitieux et l’action qu’il mène n’est pas dénuée d’intérêts. Le duc d’Anjou, également comte du Maine [9], a en effet plusieurs bonnes raisons de prendre fait et cause pour la canonisation du vaincu d’Auray. La première répond à un souci de solidarité familiale : Louis est en réalité un proche parent du prince défunt, non seulement parce que son père, Jean le Bon, était un cousin du comte de Penthièvre, mais aussi –et surtout– parce qu’il est devenu son gendre en épousant, en 1360, Marie de Blois, comtesse d’Angoulême et vicomtesse de Limoges [10]. Cette union l’amène, après le trépas du duc breton, à poursuivre la défense des intérêts de Jeanne de Penthièvre et à prendre la tête du parti défait. Le prince angevin sait en outre combien il peut être prestigieux de compter un saint dans sa famille : son beau-père lui-même n’hésitait pas à rappeler qu’il appartenait à une dynastie sacrée [11]. A une époque où lignée, pouvoir, et sacré sont presque synonymes, Louis cherche très certainement –en défendant le souvenir du comte de Penthièvre et en œuvrant pour sa canonisation– à capter une part de son éventuelle gloire céleste et à en tirer quelque avantage politique. Les efforts qu’il déploie servent donc une stratégie.
Concrètement, Louis d’Anjou peut espérer transformer cette entreprise « religieuse » en arme de déstabilisation du régime en place en Bretagne : faire de Charles de Blois un saint reviendrait à jeter le discrédit sur Jean IV, son adversaire victorieux, en le faisant apparaître aux yeux d’une partie de l’opinion péninsulaire sous les traits du sacrilège et de l’usurpateur. Le prince angevin dispose là d’un moyen lui permettant de ternir l’image du duc régnant et de saper son autorité, sans pour autant remettre directement en cause les clauses du traité de Guérande (12 avril 1365) dont le roi Charles V, son frère, s’était porté garant, et qui obligeait Jeanne de Penthièvre à renoncer à ses prétentions sur le trône ducal [12]. Les espoirs de Louis d’Anjou se fondent aussi sur la fragilité du pouvoir de Montfort : le nouveau maître du duché, afin d’asseoir la paix, doit rallier ses anciens adversaires et s’assurer leur fidélité. La tâche est ardue : les réconciliations apparentes ne peuvent complètement faire taire les rancœurs et les rancunes nées des luttes passées [13]. Elles peuvent, comme en attestent certains miracles attribués à Charles de Blois, être aisément ravivées [14]. Jean IV, enfin, n’a pas encore d’hoir légitime : s’il venait à disparaître, le duché –en vertu du traité– reviendrait aux Penthièvre [15]. Habile construction : au moment du procès de canonisation, deux des trois fils du duc défunt –Jean et Guy– sont otages en Angleterre [16] et le dernier, Henri, est encore très jeune. L’époux de Marie de Blois peut dans ces conditions tirer son épingle du jeu en se présentant dans l’immédiat, non pas comme un héritier, mais tout au moins comme un prétendant potentiel et temporaire au pouvoir.
Louis d’Anjou ne limite toutefois pas ses convoitises au seul duché atlantique. L’intérêt que cet ambitieux prince des lis porte aux affaires bretonnes relève, en effet, d’un plus vaste dessein : en 1368, le gendre du vaincu d’Auray, déjà maître de l’Anjou et du Maine, reçoit des mains de Charles V le duché de Touraine [17]. Isabelle d’Avaugour lui abandonne ensuite ses droits sur Talmont, Les Sables-d’Olonne, Ré et Oléron, tandis qu’Amaury de Craon et sa sœur Isabelle lui cèdent, en 1371, Sablé et Précigné [18]. Louis d’Anjou mène, en ces années, une véritable politique d’expansion territoriale. Ses visées bretonnes s’inscrivent dans cette logique : le duché s’affiche comme une pièce maîtresse d’un jeu où se lisent clairement les prétentions du prince angevin, avant que les horizons méditerranéens lourds de promesses ne viennent le détourner des rives du Ponant [19]. L’enjeu est donc de taille pour Louis : on comprend mieux ainsi l’importance des moyens qu’il met en œuvre pour parvenir à ses fins et tenter d’obtenir la canonisation de son beau-père.
Les moyens d’action : l’argent et les réseaux d’influence
L’implication de Louis d’Anjou dans l’affaire est, dès les débuts, déterminante. Peut-être même est-il le principal instigateur du culte éclos à Guingamp, sur le tombeau de Charles de Blois. Les faits qui survinrent en 1366 dans cette cité tendraient d’ailleurs à le prouver : cette année-là, en effet, les habitants étonnés virent affluer vers le sépulcre du comte de Penthièvre de jeunes pèlerins originaires « des régions de Blois ou de France » –c’est-à-dire des zones que contrôlent le prince angevin et ses proches [20]. A-t-on sciemment guidé ces enfants vers le tombeau de l’ancien duc ? Rien ne permet de l’affirmer avec certitude, mais tout le laisse supposer [21]. La venue de ces groupes d’adolescents agit finalement comme un révélateur : la sainteté du vaincu d’Auray éclate au grand jour. Sa sépulture devient, à partir de ce moment, l’épicentre d’un culte promis à un certain essor : la foule des croyants s’y presse et des miracles s’y produisent [22]. Ces pèlerinages d’enfants, dont la spontanéité est sujette à caution, jouent donc un rôle primordial : ils donnent une large publicité à une dévotion restée jusqu’alors quasiment ignorée [23] et participent, à ce titre, d’une savante orchestration politico-religieuse portant très certainement l’empreinte de Louis d’Anjou. La suite des événements ne démentit pas le zèle de ce prince du sang : il s’engage financièrement pour promouvoir la cause de son défunt beau-père et use habilement de son influence au sein des meilleurs réseaux.
La marque du prince angevin est ainsi visible tout au long du procès de canonisation. Le lieu où se déroule l’enquête, et le choix des commissaires chargés de la mener, sont déjà très significatifs de son emprise sur cette affaire : c’est à Angers, capitale de son duché, que sont interrogés les témoins entre le 9 septembre et le 18 décembre 1371 [24] ; quant aux délégués pontificaux, l’un –Louis de Thézard, évêque de Bayeux– est conseiller de Charles V [25], tandis que les deux autres –Gérard du Puy, abbé de Marmoutier, près de Tours, et Jean de La Bernichère, abbé de Saint-Aubin d’Angers [26]– exercent dans des régions qu’il contrôle. Autre signe de la forte implication de Louis d’Anjou : l’argent. Ses finances sont largement mises à contribution. Ainsi, le 29 août 1371, à quelques jours de l’ouverture des interrogatoires, il ordonne aux gens de ses comptes d’octroyer au frère Raoul de Kerguiniou, son procureur, mille francs d’or pour faire progresser l’enquête de canonisation, « laquelle sans chevance ne puet estre faite ne poursuie [27] ». Le 22 novembre 1371, le gendre du comte de Penthièvre leur demande de verser mille deux cents francs, « comptez eux ce quil a eu par dela », à l’évêque de Bayeux qui veut « delessier de entendre ou fait à lui commis sur la Canonization […] parce que il ne puet estre payé de ce que nous li avons ordonné prendre & avoir pour ses gaiges ». Le 30 novembre Louis d’Anjou, craignant que le prélat ne mette ses menaces à exécution et compromette ainsi le bon déroulement de l’enquête, tance les gens de ses finances et ordonne : « vous li ferez aussi incontinent & sans aucun deffaut, quelque chevance qu’il s’en doie faire, par quoy ledit Eveque deffault de ce n’ait cause de delesser ledit fait : car plus fortement ne pourrions estre corrouciez de chose du monde, & si nous en prendrions à vous sur corps & sur biens [28] ». En janvier 1372, enfin, Raoul de Kerguiniou perçoit sept cent francs [29].
Louis d’Anjou, dont l’entregent fait merveille, sait aussi s’attirer très tôt le soutien d’influents personnages : ils n’hésitent pas à plaider la cause de Charles de Blois auprès du souverain pontife, en le pressant d’agir. Urbain V, dans la bulle du 17 août 1369 décrétant l’ouverture d’une enquête en canonisation, n’omet d’ailleurs pas de rappeler que « des nobles et d’autres gens du royaume de France » l’ont sollicité à cet effet [30]. Une fois les travaux des commissaires apostoliques achevés à Angers, c’est encore au roi de France qu’on s’adresse : Charles V, sur la requête de Jeanne de Penthièvre, écrit au pape Grégoire XI, afin qu’il fasse diligemment avancer la suite de la procédure [31]. Cette pression manifeste qu’exerce le duc d’Anjou sur les sphères avignonnaises, directement ou par l’intermédiaire de ses proches, se fait de nouveau ressentir lors de la présentation des actes du procès –au cours de l’été 1372– devant les cardinaux chargés d’en faire l’examen : à cette date, Simon de Renou, ancien abbé de Saint-Nicolas d’Angers [32], devenu archevêque de Tours (1363-1379) et métropolitain des évêques bretons, se trouve à la Curie. D’autres clercs angevins, tant réguliers que séculiers, y sont alors également actifs : les sources signalent ainsi la présence de Guillaume de Cordey, du monastère de Saint-Aubin, de l’abbé du monastère de Toussaint et d’un prêtre nommé Nicolas Donitian [33]. Sans doute ces hommes agissent-ils, là encore, sur les instances du gendre de Charles de Blois soucieux de faire triompher sa cause.
Le duc d’Anjou tient donc à mettre tous les atouts de son côté pour assurer la gloire posthume du vaincu d’Auray : son apport financier, ses interventions insistantes auprès des grands du royaume et l’entrisme de ses délégués à Avignon en témoignent. Cette opiniâtreté se justifie : la canonisation de son beau-père, tout en lui ouvrant d’évidentes perspectives politiques, serait aussi aux yeux du prince la récompense légitime des efforts qu’il n’a cessé de consentir pour qu’un membre de sa famille puisse être, une nouvelle fois, admis dans le canon des saints. Louis d’Anjou ne mène pas seul ce combat : il peut notamment compter sur l’aide intéressée du puissant ordre franciscain.
L’implication franciscaine : les frères mineurs, relais actifs d’un culte naissant
La mobilisation et ses limites : de la promotion à la transgression
Les disciples de saint François, se montrant reconnaissants de l’affection toute particulière que le duc défunt éprouvait pour leur ordre [34], sont en effet très largement mobilisés : ils s’emploient, avec la meilleure énergie, à assurer la promotion du culte de Charles de Blois. Ce sont naturellement les cordeliers de Guingamp qui font preuve du plus grand zèle : ils sont fermement conscients que la présence, dans l’église conventuelle, du corps d’un possible saint peut apporter à leur établissement un surcroît de prestige et –du même coup– de substantiels revenus.
Les frères mineurs de la cité se fixent alors plusieurs tâches. Leur premier travail consiste à accumuler les preuves de la « sainteté » du comte de Penthièvre : à ce titre ils décident, dès le 6 juin 1367, de faire consigner les témoignages des miraculés venant à Guingamp remercier leur protecteur céleste pour les grâces obtenues. Des notaires requis exprès s’emploient ainsi quatre années et cinq mois durant à enregistrer les récits des manifestations surnaturelles attribuées au prince défunt. Les tabellions composent, de cette manière, une sorte de pré-enquête pouvant se révéler fort utile en cas d’ouverture d’un procès officiel [35]. Les cordeliers accordent une telle importance à ce travail de collecte qu’ils organisent une cérémonie, avec toute la solennité voulue, lorsque vient le moment de clore l’enregistrement des dépositions : le point d’orgue est atteint quand Alain Guézennec, le gardien du couvent, présente à la foule émue des fidèles les recueils contenant les précieux témoignages de la « sainteté » du vaincu d’Auray [36]. Les frères mineurs font également rédiger, à la demande de certains miraculés redoutant l’incrédulité de leur entourage, des lettres certifiant l’authenticité des prodiges dont ils ont bénéficié [37] : ces attestations, destinées à convaincre les tièdes, servent la renommée du duc défunt en établissant l’efficace de sa virtus.
Les franciscains guingampais sont donc bien résolus à promouvoir le culte de Charles de Blois et ils le prouvent de différentes façons. Leur détermination s’exprime entre autres par la publicité dont ils entourent les miracles qu’accomplit le prince breton : ils sonnent les cloches, lorsqu’un tel phénomène se produit sur le tombeau, pour alerter la population et la faire accourir (témoin CL), disent des messes pour les miraculés (tém. CXL), accueillent avec bienveillance les pèlerins venus jusqu’au sépulcre pour y célébrer les mérites de l’intercesseur et publier de nouveaux prodiges [38]. Les cordeliers, pour mieux démontrer la réalité des pouvoirs protecteurs et thaumaturgiques du comte de Penthièvre, suspendent aussi dans leur église de nombreux ex-voto : les béquilles des paralytiques guéris (tém. CXLV) côtoient les linges des ressuscités ou les fers des captifs délivrés (tém. CXXV). Mais le zèle des franciscains peut les entraîner encore plus loin : un témoin interrogé en 1371 par les commissaires pontificaux se souvient d’une femme qu’on avait menottée, en raison de la folie furieuse dont elle était atteinte, et qui ne fut libérée de ses liens et de son mal qu’après avoir été aspergée d’eau bénite par un frère mineur guingampais. Dans ce cas précis, le cordelier joue un rôle capital en prenant directement part au processus miraculaire : il s’impose comme un intermédiaire entre le saint et la malade [39]. Un bref d’Urbain V, daté du 15 septembre 1368, nous apprend enfin que les disciples bretons du poverello –ainsi que d’autres religieux mendiants du duché– ont pris l’habitude de distribuer aux pèlerins des enseignes à l’effigie de Charles de Blois et qu’ils n’hésitent pas à proclamer dans leurs sermons qu’il est saint et martyr de la justice, allant même jusqu’à célébrer son jour anniversaire « comme à un saint approuvé par l’Église ». Le pape condamne ces pratiques : les franciscains, en agissant de la sorte, donnent en effet au culte à peine éclos les apparences de la légalité alors que le sacré collège –qui n’a pour l’heure été saisi d’aucune procédure– ne s’est pas encore officiellement prononcé sur le devenir posthume du vaincu d’Auray [40].
Les cordeliers ne s’effraient pas de transgresser les règles canoniques pour assurer au mieux la promotion de cette nouvelle dévotion et les faits semblent leur donner raison [41]. Cette tactique porte en effet rapidement ses fruits : les frères mineurs du couvent de Guingamp, relayés par les autres maisons de leur ordre, parviennent à propager le culte de Charles de Blois et à convaincre de nombreux croyants d’avoir recours à cet intercesseur. Des portraits du comte de Penthièvre ornent, dès 1368, les murs des établissements d’Angers et de Blois [42] tandis qu’une chapelle attenante à l’église conventuelle lui est dédiée, en 1370, à Périgueux [43]. L’audace franciscaine bute toutefois sur quelques écueils : certains ecclésiastiques, circonspects, s’inquiètent de voir leurs fidèles invoquer un personnage dont la « sainteté » reste toujours à prouver et refusent aussi de s’associer à une entreprise aux ressorts trop exclusivement politiques [44]. Ils craignent sans doute de fâcher le pouvoir montfortiste. Leur prudence se comprend : les griefs formulés par Urbain V, dans son bref, s’inspirent directement des plaintes que Jean IV, exaspéré par les pratiques mendiantes, avait adressées à la Curie [45]. L’ardeur des frères mineurs se heurte donc à certaines oppositions : ces limites, cependant, n’entravent pas suffisamment leur action et ne les dissuadent pas d’exalter les mérites du duc défunt. L’un de ces cordeliers, notamment, montre un dévouement tout particulier à la cause et joue un rôle capital : Raoul de Kerguiniou.
L’action capitale de Raoul de Kerguiniou : un homme « abille, souffisant et diligent »
Ce franciscain, prieur du couvent de Guingamp, est le procureur attitré du duc d’Anjou et de son épouse Marie de Blois, ainsi que de Jeanne de Penthièvre et de ses deux fils aînés [46]. Hormis les clauses d’usage où il explique que, pour mener à bien les démarches relatives à la canonisation, il faut un homme « abille, souffisant et diligent », le prince angevin ne précise pas, dans la lettre du 8 juillet 1371 nommant Raoul de Kerguiniou à ce poste, les raisons exactes d’un tel choix. Louis rappelle seulement que le cordelier a « très diligeaument poursuy le dit fait au temps passé [47] ». A ce titre, la lecture du procès d’Angers nous apporte d’utiles compléments et montre que Raoul de Kerguiniou a su effectivement faire preuve très tôt de son attachement à la cause du prince défunt. Les événements qui y sont relatés nous éclairent sur ses agissements.
Au début du mois de février 1368 la ville de Dinan connaît une certaine effervescence : Jean IV s’y est installé pour quelques jours afin d’accueillir la noblesse bretonne convoquée là par ses soins. Le mardi 1er, le duc régnant, outré de voir dans l’église du couvent des franciscains –chez qui il loge– un portrait de Charles de Blois arborant les armes de Bretagne, ordonne de passer à la chaux l’image litigieuse [48]. Mais le jeudi 3 février, à l’issue de l’office de prime, Raoul de Kerguiniou qui se trouve justement dans les lieux –simple coïncidence ?– en compagnie du frère Payen de Kelen, un autre franciscain guingampais, s’approche du maître-autel et signale à son acolyte un miracle : du sang coule du portrait blanchi ! La foule aussitôt accourue s’exclame : « Voyez ! L’image du sieur Charles suinte le sang. Personne ne peut douter de sa sainteté [49]. » Ce prodige, dans lequel les montfortistes ne voient qu’une évidente supercherie, tombe à point nommé pour le clan blésiste : c’est un véritable camouflet pour Jean IV et un défi à son autorité. La présence, à Dinan, de Raoul de Kerguiniou et de son compagnon n’a sans doute rien de fortuit... Une tradition dont il n’est par ailleurs nullement fait mention dans le procès de canonisation de 1371 nous renseigne encore sur les raisons qui poussèrent Louis d’Anjou à choisir cet homme : elle rapporte que c’est lui qui recueillît le corps du comte de Penthièvre, à l’issue de la bataille d’Auray, pour le ramener au couvent de Guingamp [50]. Louis d’Anjou –si cela est vrai– peut donc être certain de trouver en Raoul de Kerguiniou, qu’il appelle dans sa lettre de procuration son « cher et bon amy », l’un des plus loyaux défenseurs de la cause du prince breton.
Les démarches conjuguées du prince angevin et de son procureur s’avèrent d’ailleurs particulièrement efficaces puisqu’elles amènent Urbain V à ordonner, le 17 août 1369, l’ouverture de l’enquête en canonisation et à nommer les commissaires chargés de la conduire –décisions confirmées, après quelques retards, par la bulle du 22 octobre 1370. Le souverain pontife se range donc aux arguments des partisans du comte de Penthièvre alors qu’il avait peu de temps auparavant, conformément aux doléances de Jean IV, fustigé les pratiques abusives des religieux mendiants. La mort d’Urbain V, le 19 décembre 1370, ne fait en rien tomber l’affaire dans l’oubli : le 16 janvier 1371, deux semaines seulement après son élection sur le trône de saint Pierre, Grégoire XI –qui était jusqu’alors archidiacre d’Angers [51]– entérine la décision de son prédécesseur [52]. Le procès aura bien lieu. Dès lors s’ouvre une nouvelle étape pour les promoteurs de la cause blésiste : Louis d’Anjou assigne pour mission à Raoul de Kerguiniou de « pourchasser, querre et assembler les tesmoings à déposer sur les miracles, vie et gouvernement de nostre dit père, et les dits tesmoings, un ou pluseurs amener et présenter par devant les commissaires de nostre Saint Père, pour leur déposition faire comme il appartendra [53] ». Grâce aux actes notariés rédigés et conservés à Guingamp, la sélection et la convocation des personnes dont la déposition pouvait avoir quelque valeur a dû s’opérer rapidement. Mais ce corpus déjà constitué ne suffit pas à contenter notre cordelier zelé, d’autant que les bourgeois guingampais s’abstiennent de gagner l’Anjou [54]. Il poursuit donc ses investigations afin de produire des preuves supplémentaires. Ainsi, le dimanche 16 novembre 1371, il se rend à Lamballe avec Alain Raoul, official de l’archidiaconat de Tréguier, pour inciter d’éventuels témoins à prendre le chemin d’Angers : vingt-quatre personnalités de la ville, dûment sollicitées, déclinent l’invitation [55]. Cet échec ne décourage pas le cordelier : à son retour en Anjou, l’enquête arrivant à son terme faute de nouveaux témoignages, il supplie les trois commissaires de gagner Guingamp ou Pontorson pour entendre plus de deux cents « prélats, barons, chevaliers et d’autres » et Raoul de Kerguiniou, plein d’ardeur, « ne tenait pas à renoncer à leur comparution [56] ». Les délégués de la Curie, pour qui l’enquête est close, s’y refusent. Le franciscain rapporte toutefois de son séjour en Bretagne une dernière pièce à verser au dossier : un nouveau récit de miracle. Le lundi 10 novembre 1371 il avait assigné trois personnes de Plestin pour leur demander de raconter en détail une résurrection survenue un an et demi auparavant. Ce prodige fut consigné devant notaire, à Guingamp, sur les instances de Raoul de Kerguiniou : il présenta cet ultime élément aux délégués de la Curie [57].
Une fois l’enquête achevée il reste au cordelier zélé, comme le lui ordonnent Jeanne de Penthièvre et Louis d’Anjou, à « poursuyvre l’information faicte par les ditz commissaires, par devant nostre dit Sainct Père, et par devant touz autres où mestier sera et où il appartendra et généralement à faire, procurer et poursuir l’effect entièrement de la canonization [58] ». Il s’agit donc de mener l’affaire à son terme logique et d’obtenir l’inscription de Charles de Blois au martyrologe. C’est aussi cet objectif que le gardien et le couvent des cordeliers de Guingamp lui avaient fixé, le 5 novembre 1371, lorsqu’ils l’avaient à leur tour choisi comme procureur [59]. Raoul s’attelle à cette tâche avec acharnement : il est ainsi présent à Avignon au cours de l’été 1372 pour la réception des actes du procès d’Angers ; il est là notamment entre le 1er juillet et le 7 août, puis le 30 août, pour contrer les manœuvres d’un certain « maître Jean » –délégué de Jean IV– qui fait son possible pour empêcher la clôture de l’enquête [60]. Raoul de Kerguiniou a certainement bon espoir de voir ses démarches aboutir puisqu’il a à ses côtés, à la Curie, d’autres cordeliers : outre un mineur nommé Jean Morel –sans doute issu du couvent de Guingamp et peut-être parent de Pierre Morel, futur évêque de Tréguier [61]– il peut espérer compter sur François de Cardalhac, l’évêque de Cavaillon (1366-1388), dont le rôle est de recevoir les actes de l’enquête et de les présenter au souverain pontife en consistoire [62].
Raoul de Kerguiniou ne ménage donc pas sa peine, au fil des différentes phases de la procédure, pour faire triompher la cause de Charles de Blois. Mais c’est en fait l’ordre franciscain dans son entier qui s’investit dans cette entreprise. Le cordelier breton sait pouvoir compter sur l’appui de ses frères, qu’ils se chargent de la logistique –le couvent des cordeliers, à Angers, héberge la commission apostolique et reçoit les témoins– ou qu’ils l’aident, par leurs témoignages [63], à prouver la « sainteté » du duc défunt. Les disciples du poverello ne sont cependant pas les seuls religieux qu’intéresse la canonisation du comte de Penthièvre : certains membres du clergé, restés fidèles au parti blésiste, rallient le combat mené par Louis d’Anjou. D’autres, au contraire, s’y opposent. Beaucoup enfin, ballotés dans les incertitudes de l’immédiat après-guerre, louvoient en quête d’une meilleure allure afin de franchir sans encombre ce mauvais cap.
Le clergé face à des choix politiques : les fidélités mises à l’épreuve
L’attitude des autres ordres religieux : tous blésistes ?
Le rôle éminent joué par les cordeliers ne doit pas faire oublier que des dominicains ont également contribué à la promotion du culte de Charles de Blois. Un acte notarié rédigé à Guingamp le 1er juin 1369 en témoigne : une certaine Pétronille, guérie d’une forte fièvre, précise ainsi lors de sa déposition qu’elle s’est vouée à l’ancien duc sur les conseils avisés d’un frère prêcheur [64]. Un écuyer interrogé en 1371 apporte une autre pièce au dossier : il raconte comment un jacobin, de passage à Périgueux, incita un frère mineur de cette cité –qu’une goutte tenace handicapait– à invoquer le vaincu d’Auray. Pour remercier le thaumaturge du miracle qu’il venait d’accomplir, le cordelier fit reconstruire une chapelle attenante à l’église conventuelle et y fit peindre un portrait du prince défunt avec les armes de Bretagne : il put compter, pour financer les travaux, sur l’apport d’aumônes et l’aide providentielle d’amis. La réalisation fut semble-t-il assez rapide puisque l’édifice, vers le mois d’octobre 1370, était déjà achevé et renfermait de nombreux ex-voto [65]. Le séjour de Louis d’Anjou à Périgueux, en juillet 1370, n’y est peut-être pas totalement étranger [66]. Les dominicains de la ville ne sont pas en reste puisque les murs de leur église conventuelle s’ornent aussi d’un portrait du comte de Penthièvre [67]. D’autres indices prouvent encore l’implication des frères prêcheurs : l’un d’eux est présent, dans l’église des cordeliers de Guingamp, lors de l’enregistrement d’un miracle et un autre témoigne durant l’enquête angevine [68]. Rappelons enfin que les disciples de saint Dominique sont concernés au même titre que ceux du petit pauvre d’Assise par le bref d’Urbain V, du 15 septembre 1368, fustigeant les pratiques des religieux mendiants [69].
Tous ces témoignages démontrent l’engagement réel de nombreux frères prêcheurs en faveur du culte blésiste mais ils ne prouvent nullement que l’ordre dominicain, dans son entier, aquiesce à ce choix. L’attitude du prieur des jacobins de Guingamp est, à ce sujet, significative : ce dernier, dans une lettre adressée aux commissaires pontificaux, reconnaît les bienfaits dont Charles de Blois a couvert son couvent mais précise toutefois qu’il loue sa prodigalité afin de ne pas être taxé d’ingratitude [70]. Son enthousiasme relativement mesuré doit nous faire comprendre que les dominicains ne sont pas unanimement dévoués à la cause du comte de Penthièvre. Ceux qui décident de rallier le combat mené par Louis d’Anjou et d’œuvrer de concert avec les franciscains, dépassant ainsi les réticences de leur ordre, ont certainement des motivations très diverses : certains, convaincus de l’efficience des pouvoirs protecteurs et thaumaturgiques du prince défunt, adhèrent sans doute au culte naissant en espérant offrir à la vénération des fidèles un élu conforme aux exigences de la spiritualité mendiante alors que d’autres font un choix essentiellement politique. On retiendra, parmi ceux qu’animent surtout des considérations partisanes, la figure d’Éven Bégaignon. Ce dominicain, évêque de Tréguier (1362-1371) et blésiste convaincu [71], joue un rôle déterminant dans l’essor de la nouvelle dévotion. C’est en sa présence, le 6 juin 1367, que les tabellions guingampais procèdent au premier enregistrement d’un prodige : il décide, à cette occasion, d’accorder quarante jours d’indulgence « à ceux qui prieraient Dieu pour Charles de Blois et pour la révélation et la multiplication de ses miracles » [72]. L’évêque, comme pour montrer l’exemple, témoigne lui-même, le 1er août 1367, d’une guérison qu’il avait obtenue le 19 juillet précédent par l’intercession du comte de Penthièvre [73]. Éven Bégaigon se fait partout l’avocat du prince défunt : il exalte, jusqu’à la Curie, les mérites de l’ancien duc et parvient à convaincre d’autres jacobins de l’efficace de sa virtus. C’est en effet après avoir écouté l’évêque de Tréguier –comme l’affirme l’écuyer entendu à Angers– qu’un frère prêcheur, lors de son passage à Périgueux, recommanda au franciscain goutteux d’invoquer le vaincu d’Auray. De nombreux dominicains, tel Éven Bégaignon, contribuent donc à l’essor du culte : ils prouvent de cette façon leur fidélité au parti blésiste et épaulent, dans ce combat commun, les frères mineurs. Leur engagement partisan permet aussi de nuancer l’idée d’un clivage mendiant –cordeliers contre jacobins– recoupant exactement l’opposition Blois/Montfort [74]. La situation est en effet plus complexe : les choix politiques individuels transcendent parfois la rivalité entre les ordres.
Les religieux mendiants ne sont toutefois pas les seuls à s’intéresser au devenir posthume du comte de Penthièvre. Les chanoines réguliers de saint Augustin, implantés à Guingamp depuis le XIIe siècle, ne peuvent rester indifférents à l’effervescence qui règne dans la cité : ils s’associent donc au culte naissant. Jean, l’abbé du monastère de Sainte-Croix, est ainsi cité à deux reprises comme témoin par les tabellions guingampais. Les actes notariés nous révèlent en effet qu’il assiste, le 6 janvier 1369, à l’enregistrement d’un miracle [75]. Ils signalent également sa présence, quelques mois plus tard, dans l’église des frères mineurs : il fait alors partie des personnes interrogées au sujet de la résurrection d’une fillette [76]. Un autre chanoine régulier de saint Augustin (témoin XCIII), originaire de Blois, est quant à lui entendu par la commission apostolique réunie à Angers : il livre, à cette occasion, le récit d’un nouveau prodige imputé au duc défunt. Le culte éclos sur le tombeau du prince suscite aussi l’intérêt des prémontrés de Beauport : deux d’entre eux –Jean Allard et Olivier Alain– sont présents à Guingamp, dès le 3 août 1367, pour l’enregistrement de deux miracles [77]. Un autre chanoine de cette abbaye, Jean Fabre, est invité à apposer son seing –comme témoin– au bas de la procuration donnée à Raoul de Kerguiniou, le 5 novembre 1371, par les cordeliers guingampais [78]. Des cisterciens visitent également le sépulcre du vaincu d’Auray : Guillaume, l’abbé de Coëtmaloen, y entend le témoignage d’un miraculé, le 25 novembre 1368. L’abbé, accompagné d’un autre frère du monastère, avait déjà pu écouter –le 8 octobre précédent– l’exposé de trois phénomènes surnaturels [79].
Le culte blésiste, s’il sait s’attirer la sympathie de nombreux religieux, ne fait toutefois pas l’unanimité : les bénédictins, notamment, semblent plus partagés. Certains se tournent sans aucune hésitation vers le comte de Penthièvre et sollicitent son aide : c’est le cas de l’abbé du monastère de Blanche-Couronne, au diocèse de Nantes, qui se voue au duc défunt et guérit en trois jours d’une maladie grave [80]. D’autres font preuve d’un réel scepticisme : c’est le cas de Jean Louénan, du monastère de Saint-Gildas de Rhuys. Ce bénédictin refuse d’adhérer à la nouvelle dévotion : il ne croit pas à la « sainteté » de Charles de Blois et affirme au contraire que le duc « était damné en enfer [et] qu’il avait été méchant durant toute sa vie ». Il mécontente ainsi son supérieur, Dom Laurent, qui lui reproche la violence de ses propos. L’un des frères, irrité, attend qu’une punition divine fasse taire au plus vite le blasphémateur. Le miracle a lieu : Jean Louénan, frappé par une maladie soudaine, ne recouvre la santé qu’après avoir été voué au prince défunt. Une fois rétabli et repenti, il se rend sur le sépulcre guingampais, dûment encadré par l’abbé et par le frère qui en avait appelé au châtiment divin [81]. Le moine s’incline et reconnaît la « sainteté » du vaincu d’Auray à la grande satisfaction de son supérieur. Car Dom Laurent est acquis à la cause blésiste : un témoin interrogé par la commission apostolique, évoquant le sort d’un aveugle qui avait recouvré la vue sur le tombeau de l’ancien duc, se souvient en effet que le miraculé affirmait s’y être rendu sur les conseils de l’abbé de Saint-Gildas de Rhuys [82]. Le neveu de Dom Laurent, Jean Ernaud (témoin CLXXXV), partage cet engagement : il le prouve lors de l’enquête angevine en faisant le récit de plusieurs prodiges exaltant la virtus du comte de Penthièvre. Jean Ernaud est lui-même bénédictin : il est à la tête du prieuré de Freigné, dépendant de l’abbaye de Saint-Gildas des Bois, au diocèse de Nantes. Les événements survenus au monastère de Rhuys témoignent des dissensions qu’engendre, dans les temps difficiles de l’immédiat après-guerre, la renommée grandissante du prince thaumaturge. Le culte éclos à Guingamp rouvre des plaies : il ravive les querelles, au sein de certaines communautés, entre partisans et détracteurs de l’ancien duc. Des tensions similaires traversent l’épiscopat breton.
L’attitude du haut clergé : ralliements et reniements
Les promotions épiscopales dépendent pour beaucoup de la conjoncture politique : le Saint-Siège l’a prouvé, durant la guerre de Succession de Bretagne, en nommant des prélats favorables au parti blésiste [83]. Ces évêques, au lendemain d’Auray, se retrouvent dans une position peu confortable : certains, au loyalisme mouvant, s’attachent au nouveau duc quand d’autres, fidèles à leurs choix passés, affichent une franche hostilité. Le devenir posthume de Charles de Blois revêt, dans ce contexte, une réelle importance : les évêques, secondés par les chanoines des chapitres cathédraux, ne ménagent pas leurs efforts pour faire éclater la « sainteté » du prince défunt. C’est un enjeu capital pour ces prélats « politiques » [84] qui rallient le combat engagé par Louis d’Anjou. Nous avons déjà montré le rôle décisif joué par l’évêque de Tréguier, Éven Bégaignon, qui donne une impulsion au culte en assistant au premier enregistrement d’un miracle, le 6 juin 1367, et en octroyant ensuite des indulgences aux pèlerins. Il n’est pas le seul à agir. L’évêque de Saint-Malo, Guillaume Poulart (1359-1374), se rend sur le sépulcre guingampais dès le 24 juin 1367, trois semaines à peine après son homologue trégorrois : il entend à cette occasion le récit d’une résurrection [85]. Le prélat malouin est un fervent blésiste : son père, Pierre Poulart, était le trésorier du prince défunt. Sa venue à Guingamp s’inscrit dans une stratégie d’opposition vigoureuse au pouvoir montfortiste : Guillaume, en 1365, avait refusé de prêter l’hommage au nouveau maître du duché et s’était plaint au pape d’avoir à remplir ce rite [86]. Plus tard, en 1368, il ordonnera au gardien du couvent des cordeliers de Dinan de remettre en état le portrait de Charles de Blois que Jean IV avait fait passer à la chaux, tout en menaçant de faire une nouvelle fois appel au souverain pontife si jamais l’image miraculeuse venait à être détruite [87]. L’évêché de Saint-Brieuc dépêche aussi certains des siens à Guingamp : les actes notariés nous apprennent qu’un chanoine, Rolland Pollard, assiste en juillet 1368 à l’enregistrement d’un prodige ; ils signalent également la présence d’un autre chanoine briochin, Alain du Val, lors de la déposition d’un miraculé en avril 1369 [88]. Les évêques restés fidèles au parti blésiste se mobilisent donc très tôt pour assurer la promotion du culte éclos sur le tombeau du vaincu d’Auray et obtenir sa reconnaissance officielle. Ils reçoivent, dans leur combat, d’importants soutiens : Urbain V souligne en effet, dans la bulle du 17 août 1369, que « bon nombre de prélats et d’autres ecclésiastiques » du royaume de France sont intervenus pour lui demander l’ouverture d’une enquête sur la vie et les miracles du prince défunt [89]. Les évêques bretons, bien qu’ils souhaitent pour la plupart ardemment la canonisation de Charles de Blois, ne se déplacent pas en 1371 pour témoigner devant les commissaires pontificaux. Le successeur d’Éven Bégaignon sur le siège trégorrois, Jean Le Brun (1371-1378), ne se rend même pas à Angers alors que le culte du duc défunt est né et s’est développé dans son diocèse. Mais il s’agit ici d’un cas très particulier. Le prélat, sans doute mal à son aise, tente de se justifier dans une lettre qu’il adresse aux représentants du Saint-Siège : il prétexte que sa jambe gauche, malade, et des affaires urgentes le retiennent en Bretagne. Son attitude tient en fait à des considérations politiques : Jean Le Brun était l’aumônier du nouveau duc [90]. Ce sont surtout des chanoines qui interviennent lors du procès d’Angers. Les notaires recueillent ainsi les dépositions de Guillaume Bérenger, chanoine de Saint-Malo, et de Georges de Lesnen, chanoine de Nantes. Pierre de La Chapelle, archidiacre et chanoine de Tréguier vient témoigner en compagnie de son neveu et official, Alain Raoul, également recteur de Plouzévédé. Roland de Coestelles qui cumule des canonicats à Saint-Pol-de-Léon, Nantes et Saint-Pierre d’Angers est également interrogé par les tabellions. Ces hommes ont tous servi Charles de Blois [91]. Ils prouvent, en louant les mérites et les vertus de leur ancien maître, leur indéfectible fidélité.
Le clergé blésiste, une fois les interrogatoires achevés, poursuit ses efforts afin que l’ancien duc puisse être officiellement agrégé à la cohorte des saints. Les membres de l’épiscopat mènent ainsi de nombreuses démarches auprès de la Curie. Guillaume Poulart, l’évêque de Saint-Malo, écrit au pape afin qu’il considère avec bienveillance le dossier du comte de Penthièvre et procède à la canonisation. L’évêque de Saint-Pol-de-Léon, le 13 février 1372, formule la même requête. Ces deux prélats renouvelleront plus tard leur demande, rejoints par l’évêque de Rennes, Raoul de Tréal (1364-1383) [92]. Le dominicain Simon de Langres (1366-1382), qui devait à Jean IV sa nomination sur le siège nantais, ne s’associe évidemment pas à ces solliciteurs. De nombreux représentants du clergé breton sont encore présents à Avignon, au cours de l’été 1372, lors de la réception du texte de l’enquête in partibus : Alain Raoul s’y trouve et assiste aux débats en compagnie du doyen de Saint-Malo, Hugues de Keroulay, auditeur des causes du Sacré Palais et chanoine prébendé de Saint-Pierre d’Angers [93]. Geoffroy Le Marhec, évêque de Quimper (1357-1383) et blésiste convaincu, est là lui aussi avec un prêtre de son diocèse [94]. L’évêque de Saint-Brieuc, Hugues de Montrelais (1357-1375), ne reste pas inactif : il intervient auprès du souverain pontife pour réclamer la canonisation du duc défunt et se rend à Avignon en espérant accélérer ainsi la procédure. Mais les démarches du prélat paraîssent suspectes à Louis d’Anjou. L’évêque de Saint-Brieuc, il est vrai, ne s’est pas distingué par son loyalisme : après avoir servi Charles de Blois, il s’est tourné vers Jean IV qui l’a fait chancelier. Son opportunisme, à un moment où le pouvoir montfortiste semble en difficulté, l’amène à renouer avec le clan blésiste. Hugues de Montrelais doit, en raison de cette fidélité flottante, faire face aux accusations du prince angevin qui le soupçonne de retarder le dossier. L’évêque, que n’effraie aucun reniement, tente de se disculper le 22 octobre 1372 : « jurons & prometons comme dessus, que la canonizacion de Mons. Charles de sainte mémoire duc de Bretaigne, de laquelle le proces est comencez en court de Rome, ne empoicherons ne cex qui la vodront empoichier, ne conselerons, conforterons, ne aiderons, ne aucune faveur ne leur donrons [95] ». Le duc d’Anjou semble inquiet. Il a raison : la canonisation n’aura pas lieu.
L’échec : de l’enlisement à l’oubli
Tout a pourtant été fait pour que le comte de Penthièvre puisse intégrer le sanctoral. Louis d’Anjou n’a pas hésité, pour atteindre ce but, à mettre en œuvre d’importants moyens financiers. Il a largement mobilisé ses réseaux d’influence et usé avec efficacité de son entregent. Le prince des lis a pu compter sur le soutien sans faille des disciples du poverello et trouver chez l’un d’eux, Raoul de Kerguiniou, le dévouement et la volonté nécessaires à la réussite de cette entreprise au long cours. Enfin, le duc d’Anjou a su rassembler les partisans du comte de Penthièvre, désemparés au lendemain d’Auray, pour les mener dans un nouveau combat où les seules armes à brandir sont les vertus et les miracles d’un prince martyr. Les anciens serviteurs de la cause blésiste, dont la fidélité se régénère à l’idée d’une possible revanche, répondent en effet à l’appel et s’engagent hardiment : ils célèbrent les mérites de leur ancien maître et font l’éloge de sa virtus. Louis d’Anjou peut être satisfait : sa clientèle mise en branle, affiliés et affidés confondus, construit la « sainteté » du duc défunt. L’appui le plus précieux lui vient du haut clergé breton [96] : évêques, abbés et chanoines sont pour beaucoup dans l’éclosion et l’essor d’un culte qui sait aussi, après la venue providentielle de jeunes pèlerins sur le sépulcre guingampais, susciter l’engouement populaire. Le prince angevin, dans ses dernières démarches auprès de la Curie pour défendre un dossier sans relief mais somme toute recevable [97], obtient encore l’aide bienveillante des dignitaires ecclésiastiques. Cela pourtant n’a pas suffi.
L’entreprise de canonisation s’est en effet soldée par un échec : le vaincu d’Auray n’est pas un saint. Il faut, pour comprendre cet insuccès, rappeler que Louis d’Anjou était mû par des considérations stratégiques et que l’inscription de son beau-père au martyrologe devait d’abord servir ses vues sur la Bretagne en déstabilisant le pouvoir montfortiste : l’ambitieux prince des lis espérait, en contrôlant la péninsule, parachever sa politique « océane ». L’exil de Jean IV, en 1373, satisfait en partie à ses vœux [98] et la reconnaissance officielle du culte blésiste devient, dans ces conditions, moins urgente. Il faut également souligner que l’épiscopat breton, soucieux de ses prérogatives face au pouvoir ducal, avait eu maille à partir avec Jean IV [99] et que la « sainteté » alléguée de son ancien compétiteur pouvait lui être utile en cas de friction. L’apaisement des tensions, en l’absence du duc, ôte au culte de Charles de Blois son aspect corrosif et amène très certainement les prélats à moins s’y intéresser. La cause n’est pas abandonnée pour autant : l’action engagée suit simplement son cours sinueux dans les méandres de la bureaucratie avignonnaise où elle finit par s’enliser au désespoir des partisans les plus zélés. L’affaire connaît un dernier sursaut en 1376 : la canonisation semble alors sur le point d’aboutir quand Grégoire XI, quittant Avignon pour Rome, laisse en suspens la procédure [100].
Cet échec ne suffit pas à désarmer totalement les derniers tenants de la cause du prince breton : Jean Ier –duc de Lorraine et neveu du comte de Penthièvre par sa mère Marie de Blois– confirme en 1377, par testament, l’érection d’une chapelle en l’honneur de son oncle dans la collégiale Saint-Georges de Nancy [101]. C’est Charles de Blois qu’invoquent les compagnons bretons de Sylvestre Budes, lors de leur expédition italienne, et c’est à lui que Bertrand du Guesclin, dans son testament de 1380, recommande son âme. Louis d’Anjou, le 26 septembre 1383, promet aussi par testament de poursuivre les démarches pour la canonisation de son beau-père [102]. Jeanne de Montbason, vicomtesse de Châteaudun, demande quant à elle en 1394 qu’un pèlerinage soit fait, à sa mort, vers le sépulcre de « saint Charles » [103]. Louis II d’Anjou, dans son testament de 1410, fait don d’une chapelle de 500 livres tournois à l’église des frères mineurs de Guingamp où repose le corps du vaincu d’Auray [104]. En 1453 enfin, Guillaume de Bretagne, comte de Périgord, demande par testament à ses descendants d’œuvrer pour la béatification de leur aïeul [105]. L’espoir de le faire admettre dans le canon des saints s’efface ensuite et sa mémoire, entretenue seulement par quelques membres de sa famille, sombre peu à peu dans l’oubli [106].
[1] Sur la guerre de Succession de Bretagne, voir entre autres Histoire de la Bretagne et des pays celtiques, tome II, L’État breton, 1341-1532, Morlaix, 1987, p. 4-17.
[2] Si certains auteurs des XIVe et XVe siècles portent un regard distancié sur la bataille, se bornant à en décrire les différentes phases, d’autres –adoptant un style d’écriture plus militant– voient dans le dénouement du combat où périt Charles de Blois l’œuvre du courroux divin, preuve irréfutable des prétentions indues du parti des Penthièvre à la succession ducale, voir J.-C. Cassard, « Les chroniqueurs et historiens bretons face à la guerre de Succession », N.-Y. Tonnerre (dir.), Chroniqueurs et historiens de la Bretagne, Rennes, 2001, p. 57-75, spécialement p. 70.
[3] Ce texte, redécouvert par Dom François Plaine et exploité dans ses travaux (voir de cet auteur « La journée d’Auray d’après quelques documents nouveaux », Association bretonne, Congrès de Vannes, 1874, p. 83-102), a fait l’objet d’une édition récente : J.-M. Cauneau et D. Philippe, « La chronique d’Auray, 1749, un inédit sur la guerre de Succession de Bretagne », Bulletin et Mémoires de la Société Historique et Archéologique d’Ille-et-Vilaine, tome CIII, 2000, p. 23-66.
[4] Ibidem, p. 61-62. L’enquête de canonisation diligentée par le Saint-Siège s’est tenue à Angers entre le 9 septembre et le 18 décembre 1371 : 164 témoins ont été entendus par les commissaires pontificaux. Les instruments de ce procès ont été édités en 1921 par A. de Serent, Monuments du procès de canonisation du bienheureux Charles de Blois duc de Bretagne (1320-1364), Saint-Brieuc, 910 pages (désormais cités Monuments…). Une partie de ces témoignages est aujourd’hui plus aisément accessible car de nombreux extraits en ont été publiés par J.-C. Cassard, L’hermine ensanglantée. Naître et survivre en Bretagne au XIVe siècle, Morlaix, Skol Vreizh, no 47, 2000, 84 pages. La procédure, une fois l’enquête angevine achevée, a suivi pendant un temps son cours en Curie avant de s’éteindre en 1376 : voir A. Vauchez, « Canonisation et politique au XIVe siècle. Documents inédits des Archives du Vatican relatifs au procès de canonisation de Charles de Blois, duc de Bretagne (†1364) », Religion et société dans l’Occident médiéval, Bottega d’Erasmo, Turin, 1980, p. 237-260.
[5] Cf. J.-M. Cauneau et D. Philippe, « La chronique d’Auray… », art. cit., p. 27, spécialement note 13.
[6] Le sentiment national qu’exprimaient, dans leur fidélité dynastique et ducale, les historiographes bretons de la fin du Moyen Age (voir J. Kerhervé, « Aux origines d’un sentiment national. Les chroniqueurs bretons de la fin du Moyen Age », Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, tome CVIII, 1980, p. 165-206 et idem, « La naissance de l’histoire en Bretagne (milieu XIVe-fin XVIe siècle) », J. Balcou et Y. Le Gallo (dir.), Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne, Genève, 1987, tome I, p. 245-271) est ravivé par l’anonyme d’Auray. Son œuvre, par sa thématique, participe d’une défense de l’identité bretonne dans un siècle où la péninsule tente de résister à la centralisation monarchique et à l’assimilation politique : voir J.-M. Cauneau et D. Philippe, « La chronique d’Auray… », art. cit., p. 27-31.
[7] Sur cette période, voir Histoire de la Bretagne…, op. cit., p. 16.
[8] Louis est le deuxième fils né de l’union de Jean II le Bon, roi de France de 1350 à 1364, et de Bonne de Luxembourg. Il est le frère de Charles V, qui règne de 1364 à 1380.
[9] Louis est titulaire de l’apanage d’Anjou et du Maine depuis le mois d’octobre 1360, voir M.-R. Reynaud, « Maison d’Anjou et maison(s) de Bretagne (vers 1360-vers 1434) », J. Kerhervé et T. Daniel (dir.), 1491. La Bretagne, terre d’Europe, colloque international, Brest, 2-4 octobre 1991, Brest-Quimper, 1992, p. 179.
[10] F. Plaine, L’histoire du Bienheureux Charles de Blois, duc de Bretagne et vicomte de Limoges, à la suite des Monuments…, op. cit., p. 725.
[11] Charles de Blois, qui est un descendant de saint Louis, compte également saint Louis de Marseille dans sa parenté : il avait d’ailleurs fait ériger, chez les cordeliers de Guingamp, un autel en son honneur, cf. Monuments…, op. cit., témoin XVIII, p. 53-54. Cette appartenance à une lignée sacrée est l’un des éléments constitutifs de la « sainteté » du comte de Penthièvre, voir à ce sujet L. Héry, « La “sainteté” de Charles de Blois : vertus et virtus d’un duc de Bretagne », L. Lemoine et B. Merdrignac (dir.), Corona Monastica. Mélanges offerts au père Marc Simon, Britannia Monastica no8, Rennes, 2004, p. 361-362. Sur l’importance de la sainteté du lignage, voir A. Vauchez, « Beata stirps. Sainteté et lignage en Occident », G. Duby et J. Le Goff (dir.), Famille et parenté dans l’Occident médiéval, Rome, 1977, p. 397-406.
[12] J.-C. Cassard, Charles de Blois (1319-1364), duc de Bretagne et bienheureux, Brest, 1994, p. 94. Jean IV, parfaitement conscient de la menace que constitue la « sainteté » du comte de Penthièvre, s’oppose de façon incessante à l’entreprise de Louis d’Anjou en luttant contre le culte naissant et en multipliant, auprès de la Curie, les manœuvres dilatoires afin que son ancien adversaire ne soit pas inscrit au martyrologe : voir à ce propos L. Hery, « Le culte de Charles de Blois : résistances et réticences », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, tome 103, 1996, no 2, p. 40-46.
[13] J.-C. Cassard, Charles de Blois…, op. cit., p. 94.
[14] Le procès de canonisation se fait l’écho de ces rancunes et de nombreux prodiges témoignent de l’évidente dimension politique du culte rendu au vaincu d’Auray : les anciens partisans de Charles de Blois rappellent ainsi, lors de leurs invocations, qu’ils l’ont fidèlement servi dans son ost ou à sa cour tandis que les anciens adversaires du prince défunt n’hésitent pas à manifester leur incrédulité ou leur hostilité, avant d’être convaincus de gré ou de force par ses pouvoirs protecteurs et thaumaturgiques, voir à ce sujet L. Hery, « Le culte de Charles de Blois… », art. cit., p. 53-56. Sur le caractère éminemment politique de cette dévotion naissante, voir aussi J.-C. Cassard, « Les pèlerins à Charles de Blois. Un enjeu politique dans la Bretagne de l’immédiate après-guerre de Succession », P.-A. Sigal (dir.), L’image du pèlerin au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime, Rocamadour, 1994, p. 25-40.
[15] Idem, Charles de Blois…, op. cit., p. 121.
[16] Guy meurt en Angleterre au mois de janvier 1385 et Jean ne recouvre la liberté que le 19 novembre 1387, cf. Ibidem, p. 124-125.
[17] Charles V, le 18 avril 1368, concède la Touraine à titre héréditaire (puis seulement à vie à partir de 1370) à son frère Louis d’Anjou, cf. M.-R. Reynaud, Le temps des princes Louis II & Louis III d’Anjou-Provence, 1384-1434, Lyon, 2000, p. 22-23.
[18] Idem, « Maison d’Anjou et maison(s) de Bretagne… », art. cit., p. 180. Sur la politique territoriale « océane » de Louis d’Anjou, voir id., Le temps des princes…, op. cit., p. 26-27.
[19] Louis d’Anjou, dès 1376, s’est fait céder les droits sur l’Achaïe, la Morée et la Romanie : Henri, le plus jeune des fils de Charles de Blois, qui suit son beau-frère angevin dans l’aventure méditerranéenne, deviendra d’ailleurs « despote de Romanie ». En 1380, Louis est adopté par Jeanne Ière de Naples : de nouveaux horizons s’ouvrent encore à lui, comme le comté de Provence et le royaume de « Sicile », cf. Id., « Maison d’Anjou et maison(s) de Bretagne… », art. cit., p. 180.
[20] Le comté de Blois est entre les mains de Guy, le frère aîné du prince défunt, cf. J.-C. Cassard, « Les pèlerins… », art. cit., p. 28.
[21] Ces événements survenus en 1366 sont relatés dans plusieurs dépositions consignées lors du procès d’Angers, cf. Monuments…, op. cit., témoins CXXXIX, CXL, CXLI, CXLIV, CXLVI. Voir également l’analyse qui en est faite par J.-C. Cassard, « Les pèlerins… », art. cit., p. 28-30. Pour cet auteur l’implication du gendre de Charles de Blois ne fait aucun doute : « Il est bien évident que les fondements de l’opération sont politiques, résultant de la volonté de la maison de Blois et surtout, de Louis d’Anjou […] », idem, « Charles de Blois et Guingamp », Bulletin de l’Association Bretonne, tome CIX, 2000, p. 333.
[22] L’analyse des procès de canonisation révèle qu’à partir du milieu du XIIIe siècle la plupart des miracles imputés à des personnages sacrés se produisent loin de leurs tombeaux, cf. A. Vauchez, La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge d’après les procès de canonisation et les documents hagiographiques, Rome, École française de Rome, 1981, p. 522-524. Les prodiges attribués à Charles de Blois ne dérogent pas à cette règle : une étude précédente nous a permis d’établir que, sur 174 miracles localisables, 11 seulement s’opèrent sur le sépulcre guingampais, cf. L. Hery, Le culte des novi sancti bretons du XIVe siècle, mémoire de TER, Brest, 1994, p. 105. Le tombeau demeure néanmoins l’épicentre du culte dans la mesure où il accueille les pèlerinages propitiatoires et gratulatoires.
[23] Le culte, qui se limitait au départ au milieu restreint de l’aristocratie blésiste et ne rencontrait qu’un faible écho dans le reste de la population, s’épanouit largement après les pèlerinages d’enfants, voir à ce propos idem, « La “sainteté” de Charles de Blois… », art. cit., p. 363-366. La renommée du duc défunt s’étend et attire les fidèles : des montjoies se dressent, rapidement, aux principaux carrefours pour indiquer aux pèlerins la route du sanctuaire, cf. Monuments…, op. cit., témoin CXXXIX.
[24] Cf. supra, note 4.
[25] B.-A. Pocquet du Haut-Jusse, Les papes et les ducs de Bretagne. Essai sur les rapports du Saint-Siège avec un État, Paris, 1928, p. 359. Louis de Thézard, évêque de Bayeux depuis 1360, est transféré à Reims en 1374 : c’est Milon de Dormans, évêque d’Angers depuis le 3 mars 1371, qui lui succède sur le siège normand (très exactement le 16 juin 1374), cf. A. Baudrillart et R. Aubert (dir.), Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, Paris, tome VII, col. 30 ainsi que J.-M Matz et F. Comte, Fasti Ecclesiae Gallicanae. Répertoire prosopographique des évêques, dignitaires et chanoines de France de 1200 à 1500 – tome VII, Diocèse d’Angers, Turnhout, 2003, notice sur Milon de Dormans aux p. 172-174.
[26] Le choix de l’abbé de Saint-Aubin d’Angers s’explique aussi très certainement par les compétences juridiques dont il dispose : Jean de La Bernichère, titulaire de cet abbatiat de 1349 à 1375, est en effet docteur en décret et régent au Studium angevin, cf. J.-M. Matz, « Les moines et le droit. Enquête sur la culture juridique dans les abbayes du diocèse d’Angers à la fin du Moyen Âge », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, tome 112, 2005, no1, p. 92-93. Gérard du Puy, empêché, ne participa finalement pas à l’interrogatoire des témoins.
[27] P.-H. Morice, Preuves…, op. cit., tome I, col. 1667-1668.
[28] Ibidem, col. 1676-1678. Les finances angevines ne sont pas les seules à être sollicitées : Charles V avait déjà fait allouer la somme de mille francs à son conseiller, l’évêque de Bayeux, pour sa participation à l’enquête, cf. M. Jones, « Politics, Sanctity and the Breton State : The Case of the Blessed Charles de Blois, Duke of Brittany (d. 1364) », J.-R. Maddicott et D.-M. Palliser (dir.), The Medieval State. Essays Presented to James Campbell, Londres, 2000, p. 224, note 38.
[29] Ibidem, p. 225.
[30] Monuments…, op. cit., p. 3.
[31] P.-H. Morice, Preuves…, op. cit., tome II, col. 37.
[32] Simon de Renou est abbé de Saint-Nicolas de 1356 à 1363, cf. A. Baudrillart et R. Aubert (dir.), Dictionnaire…, op. cit., tome III, col. 90.
[33] La présence de ces hommes à Avignon durant l’été 1372 est mentionnée dans les actes édités par A. Vauchez, « Canonisation et politique… », art. cit., p. 252.
[34] Cette affection s’inscrit dans une tradition familiale : Philippe VI et les Valois dans leur ensemble étaient en effet redevables aux franciscains d’un miracle opéré par saint Louis de Marseille en faveur du futur Jean le Bon qui, dans son enfance, avait été guéri d’une grave maladie, cf. H. Martin, Les ordres mendiants en Bretagne (vers 1230-vers 1530). Pauvreté volontaire et prédication à la fin du Moyen Age, Rennes, 1975, p. 194. Mais l’attention que Charles de Blois porte aux disciples du poverello va encore plus loin : il se sent proche de leur spiritualité et avoue d’ailleurs son regret de n’avoir pu endosser l’habit franciscain, comme le souligne un témoin entendu lors du procès d’Angers, cf. Monuments…, op. cit., témoin XXXI, p. 106.
[35] Les instruments de cette pré-enquête ont été récemment édités et commentés par A. Bourges, Édition et commentaire historique de l’enquête inédite réalisée à Guingamp sur Charles de Blois (†1364), mémoire de TER, Brest, 2000, volume 1, p. 25 et 27 (transcription et traduction du ms. Collectorie, 434 A). Voir également la présentation de ce travail : idem, « L’enquête préliminaire du procès de canonisation de Charles de Blois à Guingamp : le pouvoir ducal sanctifié (1367-1371) », Britannia Monastica, no 7, 2003, p. 9-20.
[36] Ibidem, p. 19.
[37] Une folle, guérie de son mal sur le sépulcre de Charles de Blois, demande ainsi aux cordeliers de lui confier des lettres portant témoignage de ce miracle afin de les présenter, de retour chez elle, à son mari, cf. Monuments…, op. cit., témoin CXX, p. 288.
[38] Un clerc trégorrois, entendu lors du procès d’Angers, se souvient ainsi d’un jeune couple qui s’était rendu à Guingamp pour remercier Charles de Blois d’une guérison : les époux, ajoute-t-il, « racontaient ces choses à qui voulait les entendre et c’était pour cela qu’ils visitaient le tombeau » (« Et premissa asserebant dicti coniuges, ut dicit, coram omnibus hoc audire volentibus, et quod propter hoc, sepulchrum dicti domini visitabant. »), ibidem, témoin CXLII, p. 331.
[39] C’est un franciscain guingampais, le frère Payen de Kelen, qui relate ce prodige, cf. Ibid., témoin CXX, p. 288. Un autre membre de ce couvent, le frère Derien Le Bihan, nous livre une version des faits quelque peu différente : selon lui, la femme fut libérée de ses fers après s’être endormie sur le tombeau et ce n’est qu’ensuite qu’un cordelier l’aspergea d’eau bénite, cf. Ibid., témoin CXXV, p. 299-300. Dans ce second récit, le rôle du frère mineur est –volontairement ? – minimisé.
[40] Sur les différents reproches formulés par le souverain pontife à l’encontre des religieux mendiants de Bretagne, voir le texte du bref repris par B.-A. Pocquet du Haut-Jusse, Les papes et les ducs…, op. cit., p. 359. Les remarques d’Urbain V sont fondées, comme le prouvent certains faits mentionnés lors du procès d’Angers, cf. L. Hery, « Le culte de Charles de Blois… », art. cit., p. 47-48.
[41] L’attitude des franciscains bretons participe d’un mouvement général : les ordres mendiants, à l’époque, ne se privent pas de développer de nouveaux cultes sans l’aval du Saint-Siège, cf. A. Vauchez, La sainteté…, op. cit., p. 109-111.
[42] Les actes du procès de canonisation ne précisent pas quand ces portraits ont été réalisés : ils nous apprennent cependant qu’un miraculé (Raoul Meunier, témoin CLXVIII) signale avoir déposé une offrande devant l’image du couvent d’Angers le jour de la Saint-Hilaire 1368 et qu’un autre (Colin Boucher, tém. XCII) a fait de même, avant la Saint-Michel 1368, devant celle du couvent de Blois. Les actes signalent par ailleurs qu’un portrait de Charles de Blois est visible dans la cathédrale du Mans (tém. LXV et LXVI).
[43] Pour plus de précisions sur cette chapelle et sur les miracles que le comte de Penthièvre réalise à Périgueux, voir A. Vauchez, « Dévotion et vie quotidienne à Périgueux au temps de Charles V d’après un recueil de miracles de Charles de Blois », Villes, bonnes villes, cités et capitales. Mélanges offerts à Bernard Chevalier, Tours, 1989, p. 305-314.
[44] Voir à ce sujet L. Hery, « Le culte de Charles de Blois… », art. cit., p. 50-53.
[45] B.-A. Pocquet du Haut-Jusse, Les papes et les ducs…, op. cit., p. 359. Un cordelier du Mans reconnaît, lors du procès, qu’il s’est voué en secret à Charles de Blois –promettant de célébrer chaque mois une messe en son honneur, à condition qu’il soit canonisé– et qu’il a préféré attendre d’être guéri avant d’en avertir les autres frères du couvent, cf. Monuments…, op. cit., témoin XCVI, p. 246-247. Les réserves de ce franciscain, dont l’ordre est acquis à la cause du prince défunt, tiennent surtout aux menaces de Jean IV, voir à ce propos L. Hery, « Le culte de Charles de Blois… », art. cit., p. 51-53.
[46] Les lettres de procuration sont insérées dans les Monuments…, op. cit., p. 5-8. La première en date est celle de Marie de Blois, le 10 décembre 1370. Sur le rôle de Raoul de Kerguiniou, et des franciscains en général, voir une première approche dans P. Derrien, Le procès de canonisation du Bienheureux Charles de Blois : les mentalités et le sentiment religieux en Bretagne, Maine, Anjou au XIVe siècle, mémoire de TER, Rennes, 1971, p. 8-10.
[47] Monuments…, op. cit., p. 5. Louis d’Anjou reprend ici les termes déjà employés par Jeanne de Penthièvre dans sa lettre du 24 juin 1371, cf. Ibidem, p. 6.
[48] La déposition du frère Payen de Kelen nous donne quelques précisions sur ce portrait. Un cordelier de Dinan, Guillaume Breton, avait pris l’initiative de faire peindre sur le mur gauche de l’église, près du maître-autel, un arbre de vie retraçant l’existence du poverello. Charles de Blois avait alors demandé qu’on le représente sur cette oeuvre –à genoux et en armes– devant le saint d’Assise, cf. Ibid., témoin CXX, p. 86.
[49] Ibid., témoin CXIX, p. 283. Pour plus de précisions sur ce miracle de Dinan, voir H. Martin, Les ordres mendiants…, op. cit., p. 409-410 et L. Hery, « Le culte de Charles de Blois… », art. cit., p. 40-43.
[50] J.-C. Cassard, « Charles de Blois et Guingamp », art. cit., p. 332, note 31.
[51] J.-M Matz et F. Comte, Répertoire prosopographique…, op. cit., p. 133.
[52] Les trois bulles successives, ainsi qu’une lettre scellée d’Urbain V contenant les indications nécessaires pour procéder aux interrogatoires, furent confiées à Raoul de Kerguiniou afin qu’il les remette en main propre aux commissaires dès le début de l’enquête : ces bulles sont publiées dans les Monuments…, op. cit., p. 2-5.
[53] Ibidem, lettre de procuration de Louis d’Anjou, p. 5.
[54] Les bourgeois de Guingamp expliquent, dans la lettre qu’ils adressent aux commissaires pontificaux le 2 octobre 1371, les raisons qui les empêchent de se rendre à Angers : ce sont essentiellement des considérations politiques –en l’occurrence l’hostilité du pouvoir montfortiste– qui les retiennent réellement en Bretagne, cf. Ibid., op. cit., p. 448.
[55] Les bourgeois de Lamballe étaient invités à se présenter le 1er décembre devant la commission apostolique. Leur refus d’aller à Angers s’explique de la même manière que celui des bourgeois guingampais, cf. Ibid., p. 452-454.
[56] Ibid., p. 9.
[57] Ibid., p. 444. Il s’agit du dernier miracle enregistré à Guingamp.
[58] Ibid., p. 6-7.
[59] Ibid., p. 454.
[60] Sur le détail des débats de l’été 1372, voir A. Vauchez, « Canonisation et politique… », art. cit., p. 237-260. L’affrontement des délégués du duc d’Anjou et de Jean IV n’est pas forcément du goût de Grégoire XI : le souverain pontife, qui mène des négociations complexes pour faire libérer son frère Roger de Beaufort, souhaite plutôt ménager les différents partis afin d’obtenir satisfaction. Sur ces tractations, voir M. Jones, « Politics, Sanctity and the Breton State… », art. cit., p. 225-226 et B. Guillemain, La cour pontificale d’Avignon, 1309-1376, étude d’une société, Paris, 1966, p. 172-173.
[61] La présence de ce Johannes Morelli est signalée à plusieurs reprises lors de la réception de l’enquête angevine [voir à ce sujet les documents édités par A. Vauchez, « Canonisation et politique… », art. cit., p. 252, 254 et 258-259] or il s’avère qu’un Johannes Morelli est également mentionné comme frère mineur du couvent de Guingamp, cf. A. Bourges, Édition…, op. cit., vol. 1, p. 17 et 19. Un Jean Morel –sans doute est-ce le même homme– est aussi signalé comme témoin, lors de la relation d’un miracle, cf. Ibidem, p. 69 et 70. Peut-être ce franciscain est-il un proche de Pierre Morel ou Morell († 3 mai 1401), originaire de Guingamp, qui devint archidiacre de Tréguier après Pierre de La Chapelle puis évêque de Tréguier en 1385 : on sait en effet que Pierre Morel avait un frère nommé Jehan, voir à ce sujet S. Ropartz, Pierre Morell, bourgeois de Guingamp et évêque de Tréguier, Guingamp, 1862, p. 15 et 68. La famille Morel ou Morell est bien implantée à Guingamp : l’un des notaires requis par les frères mineurs pour consigner les récits de miracles se nomme Pierre Morel le jeune, recteur de l’église paroissiale de Pluzunet, sans doute lié à cet autre Pierre Morel, sénéchal, présent le 5 avril 1369 lors de l’enregistrement du témoignage d’un miraculé. Les actes de l’enquête angevine mentionnent aussi un Alain Morel et un Guillaume Morel, cf. Monuments…, op. cit., passim.
[62] A. Vauchez, « Canonisation et politique… », art. cit., p. 249, note 2.
[63] Cinq franciscains sont interrogés, en 1371, par les commissaires apostoliques : trois sont du couvent de Guingamp (témoins XVII/CXX, XVIII/CXXV, XXXIV/CXXVI), l’un est Quimpérois (tém. XXXIII) et le dernier est du Mans (tém. VI/XCVI).
[64] Monuments…, op. cit., p. 428.
[65] Nous tenons ces informations de Jean du Fournet, un écuyer du diocèse de Dol. Interrogé sur les moyens dont disposait le cordelier, notre témoin précise : « Ce n’est pas avec ses biens personnels, puisqu’il n’en possédait pas, que le frère en question a fait bâtir cette chapelle, mais avec ceux de ses amis et grâce aux aumônes qu’on lui a faites » (« de bonis amicorum suorum et de elemosinis sibi factas »), ibidem, témoin CXVII, p. 279. Ce témoignage peut être complété par celui d’un autre écuyer, originaire de Nantes, Guillaume de Marieul (témoin CXVI).
[66] Nous savons en effet que Louis d’Anjou s’est rendu à Périgueux avec Bertrand du Guesclin en juillet 1370. Le recueil des miracles de Périgueux mentionne d’ailleurs sa présence mais le récit du prodige auquel il est lié s’avère trop lacunaire pour qu’on sache le rôle précis joué par ce prince, voir A. Vauchez, « Dévotion… », art. cit., p. 311 et p. 314, note 8 ainsi que ses remarques sur la construction de la chapelle aux p. 306-307.
[67] Ibidem, p. 306. Les jacobins de Guingamp disposent également, dans leur église, d’un portrait de Charles de Blois : le duc s’était fait représenter à genoux et en armes devant les saints de l’ordre dominicain, cf. Monuments…, op. cit., témoin XVIII, p. 53. Cette peinture est, finalement, le pendant de celle du couvent des cordeliers de Dinan évoquée plus haut.
[68] Le premier de ces jacobins s’appelle Yves Guillebot, cf. A. Bourges, Édition…, op. cit., vol. 1, p. 41 et 43 et le second, originaire de Nantes, se nomme Geoffroy Rabin, cf. Monuments…, op. cit., témoin XXX/CVIII, p. 428.
[69] Ces reproches s’adressent d’ailleurs aussi aux carmes et aux ermites de saint Augustin comme le souligne B.-A. Pocquet du Haut-Jusse, Les papes et les ducs…, op. cit., p. 359. Le zèle de ces ordres mendiants est peut-être plus modéré : en effet, c’est un ermite de saint Augustin, Thomas Tessilin, qui prend la parole le 16 novembre 1371 pour excuser les vingt-quatre personnalités de Lamballe refusant d’aller témoigner à Angers devant la commission apostolique, cf. Monuments…, op. cit., p. 452-454.
[70] Lettre du 3 octobre 1371, cf. Ibidem, p. 449.
[71] Pour plus de précisions sur la carrière de ce prélat, docteur en théologie et pénitencier apostolique, voir A. Bigaignon, « une figure éminente du Panthéon breton : Éven Begaignon, évêque de Tréguier (XIVe siècle) », Bulletin de la Société d’Émulation des Côtes-d’Armor, t. CXX, 1992, p. 39-41 et R. Couffon, « Un catalogue des évêques de Tréguier rédigé au XVe siècle », Bulletin de la Société d’Émulation des Côtes-du-Nord, tome LXI, 1929, p. 58-59.
[72] « Et tunc, hoc miraculo a nobis audito, concessibus omnibus vere penitentibus et confessis qui orarent Deum pro eo et pro miraculis, sic ita esset revellandis et magnificandis , XL dies indulgentie », A. Bourges, Édition…, op. cit., vol. 1, p. 26 et 28.
[73] Ibidem, p. 29 et 31.
[74] Nous souscrivons ici aux conclusions formulées par A. Bourges, « L’enquête… », art. cit., p. 15-16. Sur le clivage au sein des ordres mendiants durant la guerre de Succession de Bretagne, voir H. Martin, Les ordres mendiants…, op. cit., p. 408-412.
[75] A. Bourges, Édition…, op. cit., vol. 1, p. 113 et 115.
[76] La petite fille, âgée d’environ deux ans, s’était noyée dans le Trieux : c’est le prieur de l’abbaye qui avait retiré le corps de l’eau. L’abbé, suivi du prieur et d’un autre chanoine avait ensuite accompagné les parents jusqu’au couvent des cordeliers pour y faire le récit du prodige. Quatre personnes sont entendues, lors du procès d’Angers, au sujet de ce miracle : témoins CXLV, CXLVI, CL, CLI.
[77] A. Bourges, Édition…, op. cit., vol. 1, p. 49-50 et 51-52.
[78] Monuments…, op. cit., p. 454.
[79] Sur ces différents prodiges, ibidem, passim et A. Bourges, Édition…, op. cit., vol. 1, p. 109 et 112.
[80] Ibidem, p. 108 et 111.
[81] Un autre bénédictin, le prieur de Batz, est présent à Guingamp pour certifier devant notaire l’authenticité des faits qui se sont déroulés à l’abbaye de Saint-Gildas de Rhuys, cf. Monuments…, op. cit., instrument du 10 juin 1368, p. 437. sur ce miracle voir aussi l’instrument du 12 juin 1368, p. 415-417 et les dépositions des témoins CXLVI, CXLVII, CLXXXV.
[82] Ibidem, témoin CXXVI, p. 301.
[83] Sur ces promotions et, plus généralement, sur l’attitude du Saint-Siège vis-à-vis des ducs au cours de la guerre de Succession de Bretagne et dans les années qui suivirent, voir B.-A. Pocquet du Haut-Jusse, Les papes et les ducs…, op. cit., passim.
[84] Nous empruntons cette expression à J.-P. Leguay et H. Martin, Fastes et malheurs de la Bretagne ducale (1213-1532), Rennes, 1982, p. 145.
[85] A. Bourges, Édition…, op. cit., vol. 1, p. 29 et 31-32.
[86] Sur les rapports conflictuels entre Jean IV et l’évêque de Saint-Malo, voir B.-A. Pocquet du Haut-Jusse, Les papes et les ducs…, op. cit., p. 377-378 et M. Jones, « Malo au riche duc ? : events at St-Malo in 1384 reviewed », P. Lardin et J.-L. Roch (dir.), La ville médiévale en deçà et au-delà de ses murs. Mélanges Jean-Pierre Leguay, Rouen, 2000, p. 229-242.
[87] Monuments…, op. cit., témoin CXX, p. 287.
[88] Sur la présence d’Alain du Val, voir ibidem, témoin CLXXVII et instrument du 10 avril 1369. La présence de Rolland Pollard est quant à elle mentionnée dans A. Bourges, Édition…, op. cit., vol. 1, p. 33 et 35.
[89] Monuments…, op. cit., p. 3. L’intervention de ces ecclésiastiques du royaume de France révèle, une fois de plus, le rôle essentiel qu’a joué Charles V.
[90] La lettre de Jean Le Brun date du 15 novembre 1371, ibidem, p. 450-452. Sur ce prélat, voir R. Couffon, « Un catalogue… », art. cit., p. 59-60.
[91] Pour plus de précisions sur les carrières de ces hommes et le rôle qu’ils ont joué à la cour de Charles de Blois, voir M. Jones, Recueil des Actes de Charles de Blois et Jeanne de Penthièvre, duc et duchesse de Bretagne (1341-1364) suivi des Actes de Jeanne de Penthièvre (1364-1384), Rennes, 1996, 295 pages.
[92] Sur ces démarches, voir A. Vauchez, « Canonisation et politique… », art. cit., p. 243. L’abbé et les religieux du Mont-Saint-Michel s’adressent aussi au Saint-Siège pour demander la canonisation de Charles de Blois, cf. B.-A. Pocquet du Haut-Jusse, Les papes et les ducs…, op. cit., p. 360.
[93] Il détient ce canonicat de 1364 à 1378. Il paraît délicat de placer Hugues de Keroulay parmi les partisans fidèles de la cause blésiste, même si les charges qu’il exerce à Saint-Malo, près de Guillaume Poulart, et à Angers le font graviter dans cette sphère. Sa présence à Avignon s’explique avant tout par sa fonction d’auditeur des causes. La suite de sa carrière l’amènera d’ailleurs à servir Jean IV, comme conseiller et ambassadeur. Sur cet ecclésiastique, qui deviendra évêque de Tréguier en 1383, voir J.-M Matz et F. Comte, Répertoire prosopographique…, op. cit., p. 256-257 et R. Couffon, « Un catalogue… », art. cit., p. 61. Il succède à son frère, Jean de Keroulay, comme doyen de Saint-Malo : Jean, au moment du procès, est archidiacre de Nantes, cf. J.-L. Deuffic « Universitaires bretons au Moyen Age : Jean de Keroullay », Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, tome CXII, 1983/2, p. 53.
[94] Ce prêtre se nomme Guillaume Lupi. Un autre prêtre, du diocèse de Saint-Brieuc, est également présent : Guillaume de Mileis, appelé aussi Melleriis / Milleriis / Millernis, mais il y a peut-être ici une confusion entre Briocensis diocensis et Baiocensis diocesis car d’autres sources mentionnent un Guillaume de Milleriis, du diocèse de Bayeux, cf. P. Gasnault, M. Hayez, A.-M. Hayez, Lettres communes d’Urbain V (1362-1370), Paris-Rome, tome VI, no 18991, p. 74-75. Sur la carrière de Geoffroy le Marhec et son engagement blésiste, voir B. Stéphan, Le haut clergé de l’évêché de Cornouaille aux XIVe et XVe siècles, mémoire de TER, Brest, 1992, vol. 1, p. 22-24. Tous les ecclésiastiques que nous venons de citer sont mentionnés dans les documents édités par A. Vauchez, « Canonisation et politique… », art. cit., p. 237-260.
[95] P.-H. Morice, Preuves…, op. cit., tome I, col. 50. L’ambition dont Hugues de Montrelais fait preuve trouve sa récompense en 1375, lorsqu’il devient cardinal. Sur la carrière de ce prélat, voir R. Couffon, « Un catalogue… », art. cit., p. 57-58.
[96] Cela ne doit pas nous faire oublier que le bas clergé est lui-même très actif : de très nombreux prêtres assistent, comme témoins, à l’enregistrement des miracles. Un acte rédigé à Guingamp le 14 septembre 1368 nous apprend par ailleurs qu’un recteur du diocèse de Quimper s’est joint aux parents d’un enfant moribond pour le vouer au comte de Penthièvre, cf. Monuments…, op. cit., p. 423.
[97] Voir à ce sujet L. Héry, « La “sainteté”… », art. cit., p. 366-367.
[98] Louis d’Anjou, après l’exil de Jean IV et la saisie du duché, est nommé lieutenant-général en Bretagne par son frère Charles V, cf. P.-H. Morice, Preuves…, op. cit., tome II, col. 78.
[99] M. Jones, « Politics, Sanctity and the Breton State… », art. cit., p. 226-227.
[100] Grégoire XI, par la bulle du 13 février 1376, demande à ses commissaires de passer outre à certains de vices de forme que comportait l’enquête afin de pouvoir procéder à la canonisation, mais le 13 septembre suivant le pape quitte Avignon pour la Ville Éternelle et la procédure tombe dans l’oubli. Sur ces vices de forme et sur les péripéties de 1376, voir A. Vauchez, « Canonisation et politique… », art. cit., p. 237-248. La canonisation, contrairement à ce qui a pu parfois être avancé, n’a jamais été prononcée : voir à ce propos L. Hery, « Le culte de Charles de Blois… », art. cit., p. 46, note 30.
[101] B.-A. Pocquet du Haut-Jusse, « Comptes rendus », Annales de Bretagne, no 59, p. 145.
[102] Pour les testaments de Bertrand du Guesclin et de Louis d’Anjou, cf. Ibidem, p. 145. Le fils du comte de Penthièvre, Henri de Blois, était présent à Tarente quand le duc d’Anjou fit son testament, cf. M.-R. Reynaud, « Maison d’Anjou et maison(s) de Bretagne… », art. cit., p. 180-181. Sur l’invocation des compagnons de Sylvestre Budes, voir J.-C. Cassard, « Les Gestes des Bretons en Italie ou le voyage sans la découverte », J. Kerhervé et T. Daniel (dir.), 1491. La Bretagne, terre d’Europe…, op. cit., p. 105.
[103] L. Fontenelle, Historiographie de Charles de Blois duc de Bretagne (1341-1364), étude du XIVe au XXe siècle, mémoire de TER, Rennes, 1992, p. 27.
[104] M.-R. Reynaud, « Maison d’Anjou et maison(s) de Bretagne… », art. cit., p. 185.
[105] B. de Gaiffier, Analecta Bollandiana, no 71, 1953, p. 249-251.
[106] Charles de Blois ne sort de l’oubli qu’à la fin du XIXe siècle, à la suite des démarches de Dom François Plaine qui obtient en 1904 sa béatification. Sur l’action de Plaine, voir P. Guigon, « Dom François Plaine et l’âme du Trégor », Association bretonne, tome CIX, 2000, p. 337-356 et idem, « Dom François Plaine, bénédictin et historien breton (1833-1900) », N.-Y. Tonnerre (dir.), Chroniqueurs…, op. cit., p. 166-170.