Lamballe et Penthièvre aux XIe-XIIe siècles : entre mythes et réalité
Mercredi 20 janvier 2010, par
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Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, t. LXXXI, 2003, p. 6-17.Citer cet article
Stéphane Morin, Lamballe et Penthièvre aux XIe-XIIe siècles : entre mythes et réalité, 2010, en ligne sur Tudchentil.org, consulté le 4 décembre 2024,www.tudchentil.org/spip.php?article711.
Le thème Lamballe et Penthièvre aux XIe-XIIe siècles pourrait sembler convenu depuis la récente édition du manuscrit de Maître Cornillet, dont le titre a d’ailleurs inspiré celui de cette étude [1]. Selon cet érudit local, qui travaillait sous la Restauration, Lamballe, dont la forteresse daterait de 991 [2], serait devenue en 1034 « la principale ville » du « comté de Penthièvre », et le serait restée depuis [3]. Si Maître Cornillet reste digne d’intérêts sur de nombreux points, il avait lui-même reconnu que son travail souffrait de l’état lacunaire des sources antérieures au XIVe siècle [4]. Dépendant de l’historiographie de l’époque, sa perception des périodes les plus anciennes peut relever autant de la légende que de reconstructions inspirées du Penthièvre du XIVe siècle. De même, les différents lignages contrôlant cette région entre le XIe et le XIVe sont-ils artificiellement réunis dans la prétendue « Première maison de Penthièvre » [5].
Cette première maison, celle des Comtes de Bretagne, souffrit énormément de cette confusion. Issus des comtes de Rennes gouvernant la Bretagne depuis la fin du Xe [6], le comte Eudes et ses descendants dominèrent un vaste territoire s’étendant sur les diocèses de Tréguier et Saint-Brieuc. Cousins de Guillaume de Normandie, la conquête de l’Angleterre leur offrit l’occasion d’étendre leur puissance jusqu’aux frontières de l’Ecosse. Ces princes territoriaux participèrent activement aux grands conflits politiques de l’Occident chrétien, jusqu’à la spoliation d’Henri d’Avaugour par Pierre Mauclerc au début du XIIIe siècle [7].
C’est à l’époque des Comtes de Bretagne que les actes de la pratique mentionnent pour la première fois Lamballe et Penthièvre. La priorité donnée à ces sources devrait donc permettre de saisir plus exactement l’origine de ces circonscriptions ainsi que les liens qui les unissaient à l’époque.
I – Lamballe : une fondation de la fin du XIe siècle.
A en croire les ouvrages anciens, trop souvent réédités, le passé glorieux de Lamballe remonterait à l’Antiquité. Elle aurait été la capitale des Ambiliates (Ambiliatii), peuple gaulois qui soutinrent les Vénètes contre les armées de Jules César [8]. De même en serait-il fait mention lorsque venant de Grande-Bretagne, le général romain Maxime débarqua sur le continent en 383 [9]. Enfin, en 873, 2000 Lamballais auraient rejoint les armées du roi breton Salomon III et de Charles le Chauve, lors du siège d’Angers : ils s’y seraient même distingués par leur talent de « gastadours », c’est-à-dire de « creuseurs de tranchées » [10]. Hélas, si les Ambiliates devaient occuper les bords d’un fleuve, il s’agirait plutôt de la Loire [11]. Si le débarquement de Maxime date bien de 383, il n’eut pas lieu en Armorique mais à l’embouchure du Rhin [12]. Enfin, si Salomon remplit son devoir de fidélité envers Charles le Chauve lors du siège d’Angers de 873, il n’y eut jamais qu’un seul roi breton à porter ce nom [13]. Il faut notamment reconnaître derrière ces divagations navrantes, l’influence du Père Albert Legrand et de Geoffroy de Monmouth, dont le premier souci n’était évidemment pas la rigueur scientifique [14].
Conscients de la faiblesse de ces sources, l’origine de Lamballe fut recherchée dans la toponymie. Une fois encore, les interprétations les plus fantaisistes se multiplièrent avant qu’une plus séduisante ne s’imposât [15]. Lamballe viendrait de termes bretons Lann et Pol, « l’ermitage de Paul », qui auraient évolué avec le temps en Lan-Pol, Lan-pal, Lampaul, puis Lambaul, Lambal, Lamballes, et enfin Lamballe [16]. Venu d’Angleterre, ce Paul se serait retiré dans un lieu que l’on situerait aujourd’hui près du Petit Lamballe [17]. Un premier Lamballe se serait développé autour de ce sanctuaire mais n’aurait pas survécu aux invasions scandinaves du Xe siècle. Un lieu-dit Les Saintes Palles en serait une des dernières traces [18].
Cette hypothèse présente une faiblesse majeure : elle ne repose sur aucune source du Haut Moyen-Age. Les variations du toponyme ne sont que des reconstructions à partir de documents postérieurs. Ainsi, la première mention de Lamballe ne date-t-elle que de la fin du XIe siècle. La forme la plus ancienne est Lambala (1084) [19], elle est rapidement concurrencée par Lambaulum [20] et Lambalum [21], voire Lamballia [22]. Il n’apparaît dans les actes touchant Lamballe aucune forme primitive du type Lan – Pol [23]. De plus, cette traduction systématique du vieux breton Lann par « ermitage » est aujourd’hui discutée, or, c’est ici le seul argument justifiant l’existence d’un anachorète du nom de Paul [24].
Les sources diplomatiques semblent dès lors le seul recours face à cette profusion d’hypothèses invérifiables. En l’occurrence, Lamballe apparaît pour la première fois dans les textes à l’occasion de la fondation du prieuré Saint-Martin en 1084, entre le 24 février et le 30 mars [25] : le comte Geoffroy Boterel I, fils aîné du comte Eudes, y cédait à l’abbaye de Marmoutier une terre près de Lamballe pour y construire un bourg, une église et les bâtiments des moines [26]. A l’époque, il s’agissait, pour la noblesse, d’un geste de piété naturelle lié parfois au souci de constituer une nécropole familiale. Par l’apport de cette aura sacrée, le prieuré renforçait le prestige de la demeure seigneuriale et contribuait au développement de sa force d’attraction [27].
Car ces fondations répondaient aussi à des préoccupations plus temporelles. Etroitement lié à l’affirmation de l’autorité, le bourg était un élément essentiel de la seigneurie châtelaine : l’association du château, du prieuré et du bourg symbolisait les trois fonctions traditionnelles. L’ensemble regroupait les trois ordres de la société, cette trilogie manifestait leur complémentarité et donc l’unité et l’harmonie de la société [28]. On comprend dès lors très bien le choix de Geoffroy Boterel I en faveur de Marmoutier. L’abbaye ligérienne bénéficiait de l’expérience et des possibilités économiques suffisantes pour assurer le succès de l’agglomération naissante. La charte notice relatant la première installation du prieuré révèle le résultat encourageant de cette politique. Le comte Geoffroy y confirmait ses donations précédentes et les complétait par de nouvelles. Le bourg des moines s’étendait désormais entre le Gouessant et les fortifications comtales.
La forteresse, dans son état d’alors, était visiblement récente : sous Geoffroy Boterel I, elle était encore trop exiguë pour y accueillir un marché. Pourtant, il ne faudrait pas croire que ce château ait été érigé ex nihilo. En fait, Lamballe était le résultat d’un déplacement de site castral. Les actes de la pratique distinguent en effet le nouveau Lamballe du vieux Lamballe [29]. Il faut reconnaître dans le premier le site actuel dont il ne reste plus que la collégiale se dressant sur la colline escarpée qui lui servait d’assiette. Soumises à de nombreuses modifications dès la fin du XIIe siècles, démantelées en 1420 puis en 1626, les constructions antérieures à la guerre de Succession sont inconnues [30]. Quant au vieux Lamballe, il devait se trouver au sud-ouest, près du Petit Lamballe et du moulin Saint-Lazare [31]. Le comte Eudes, père du premier Geoffroy Boterel, y possédait un plessis. Il s’agissait généralement d’un enclos délimité par une haie ou une palissade, à l’intérieur duquel pouvait se trouver une résidence [32]. A la fin du XIe, cet enclos n’était plus adapté à l’évolution politique de la région. Après la mort de son père vers 1077, Geoffroy Boterel I avait repris la lutte contre l’autorité ducale [33]. Il devenait dès lors nécessaire de protéger la principauté d’une invasion éventuelle, venant de l’est notamment, puisque Geoffroy Boterel I revendiquait le contrôle de Dol.
De nombreux facteurs faisaient de Lamballe l’endroit idéal pour l’établissement d’une puissante forteresse. Tout d’abord, le site était bien défendu naturellement. Avant le XIIIe siècle, beaucoup de grands châteaux bretons choisissaient des espaces de dimension importante, isolés par un escarpement marqué et sur lesquels l’intervention de l’homme se bornait à quelques aménagements défensifs assez limités. Les sites les plus courants correspondaient à des éperons, des sommets de collines, des rochers ou des îlots, ici une colline escarpée surplombant une zone marécageuse traversée par le Gouessant [34].
Outre les qualités défensives offertes par la topographie, l’importance stratégique du site n’était pas non plus négligeable. Situé au croisement de deux voies romaines, le château contrôlait le franchissement du Gouessant. Les conséquences économiques étaient évidentes, notamment grâce à la domestication de l’eau et l’utilisation de son énergie.
Cette situation privilégiée laisserait supposer une occupation ancienne des lieux [35]. Si la ville actuelle se développa dans le dernier quart du XIe siècle, autour du château comtal, ce dernier s’établit probablement à proximité de populations préexistantes. En effet, les châteaux de l’époque s’implantaient rarement dans des lieux isolés [36]. En l’occurrence, la toponymie et certaines découvertes archéologiques semblent révéler l’ancienneté de Maroué [37]. Le territoire de Lamballe n’en est qu’un démembrement tardif, lié à l’implantation du château. Ce peuplement primitif pourrait s’expliquer non par une paroisse gallo-romaine mais plutôt par la présence toute proche de la forêt de Lanmeur [38]. Ce vaste territoire boisé, encore qualifié de foresta à la fin du XIIe, était d’origine publique : il dérogeait au droit commun et échappait au réseau paroissial. C’était une réserve de chasse et de pêche dont la jouissance était attribuée aux détenteurs de l’autorité publique. En ce sens, le toponyme Maroué viendrait peut-être d’un terme gaulois désignant une « grande clairière » [39], comme d’ailleurs la commune voisine de Noyal tirerait son nom d’un « nouveau défrichement ».
Devenue résidence comtale à la fin du XIe siècle, le succès de la nouvelle ville ne se démentira pas. Pour la mémoire commune, elle demeure « la capitale du Penthièvre ». Pourtant, si ce titre peut se comprendre pour le XIVe, il est peut-être plus contestable pour le XIe-XIIe.
II – Comté de Penthièvre ou comté de Lamballe ?
Qu’est-ce que le Penthièvre ? Après réflexion, ce nom paraît si évocateur que l’on ne sait pas toujours très bien à quelle réalité il se rapporte. Qu’il s’agisse du duché-Pairie du XVIe, de l’apanage du XIVe, du domaine du comte Eudes au XIe voire d’un pagus minor du VIe, le Penthièvre traverse les siècles sans se laisser saisir [40].
Cette confusion ne date pas d’hier. Elle s’explique notamment par le caractère lacunaire des sources anciennes [41]. Pour combler leur méconnaissance du XIe, les érudits se sont inspirés d’une géographie féodale postérieure, essentiellement celle du XIVe. C’est ainsi qu’Eudes passe pour être le premier comte de Penthièvre, bien qu’il n’ait jamais porté ce titre [42]. De même, la principauté des Comtes de Bretagne sera qualifiée « d’apanage de Penthièvre » dont l’étendue variera au gré des auteurs. Pour Le Baud, finalement assez vague, le duc Alain III concéda à son frère Eudes la Domnonée, conservant les sièges épiscopaux et la « supériorité » [43]. Dom Morice, précisant la version de son prédécesseur, déclarait : « Eudon eut pour sa part les diocèses de St-Malo, de Dol, de St-Brieuc et de Tréguier. Alain n’eut que ceux de Vannes et de Rennes, mais en récompense, il se réserva la propriété des grandes villes qui étoient dans le partage de son frère et la souveraineté sur tout le reste » [44]. Lamare [45], évoquant « le comté de Penthièvre » dont Eudes aurait été « l’un des fondateurs » envisage, quant à lui, un « Penthièvre primitif » constitué du « littoral du comté de Rennes jusqu’au Gouët ». Les successeurs de ce comte y auraient ajouté bientôt « les seigneuries de Moncontour et de Guingamp [46] et, pendant quelques temps, la très ancienne seigneurie de Goëllo(…) » [47].
Intégrant la construction de Le Baud, Arthur de la Borderie imagina une géographie féodale de la Bretagne fondée sur le Livre des Osts et les aveux conservés pour la période moderne dans les archives de la chambre des comptes de Nantes [48]. Pour lui, les baillies citées en 1294 « représentaient exactement les grands comtés de la Bretagne du XIe siècle » [49]. Ainsi, les baillies de Tréguier (Tréguer) et de Penthièvre correspondaient-elles aux « deux comtés composant le vaste apanage de Penthièvre » [50] : le comté de Penthièvre comprenait approximativement « tout le territoire gallo de l’évêché de Saint-Brieuc » [51]. Quant à celui de Tréguier, il recouvrait le diocèse de Tréguier et toute la seigneurie de Goëlo [52]. Cette méthode aboutissait à une vision monolithique des circonscriptions territoriales, supposées inchangées depuis le début XIe jusqu’aux Temps modernes [53]. Or, un réexamen des sources anciennes ne semble pas confirmer cette théorie.
La Borderie considérait les comtés de Tréguier et de Penthièvre comme des démembrements de l’antique Domnonée. Son argumentation reposait essentiellement sur la vie courte de Saint Tugdual selon laquelle le fondateur de Tréguier aurait traversé au VIe siècle les pays de Tréher, de Goelou et de Penteur. Mais, contrairement à ce que pensait l’érudit, ce texte hagiographique ne date que de la seconde moitié du XIe [54] ; il atteste cependant pour la première fois de l’existence de circonscriptions territoriales, dont la nature et l’étendue restent encore à préciser [55].
Les pays de Tréguier et de Penthièvre ne semblent pas correspondre dès l’origine à un ressort comtal. En effet, le premier acte officiel faisant allusion à l’un d’eux date seulement de 1144 : le comte Geoffroy Boterel II y précise que sa puissance s’exerce en Penthièvre [56] (dominante in Pentavro), mais il porte ailleurs le titre de comte de Lamballe [57]. De même, est-il fait mention à la même époque des comtes de Guingamp [58], et non pas de Tréguier. Il paraît dès lors plus correct de parler, au milieu du XIIe, des comtés de Guingamp et de Lamballe et d’oublier ceux de Tréguier et de Penthièvre, si chers à La Borderie, mais inconnus des actes de la pratique.
Ce parallèle entre Lamballe et Guingamp mérite d’être souligné : il s’agit des sièges d’un pouvoir exclusivement comtal. Or, dans la Bretagne de l’époque carolingienne, seules les villes épiscopales étaient sièges de comté dans la mesure où elles succédaient à des sièges de cités (civitates) du Bas-Empire [59]. Le respect de ce principe aurait logiquement imposé l’existence des comtes de Tréguier et de Saint-Brieuc, à la place respective de ceux de Guingamp et de Lamballe. La récente élévation de Saint-Brieuc et Tréguier à la dignité de cité épiscopale doit expliquer cette exception. Il s’agissait à l’origine, pour Tréguier d’un monastère qui ne devint chef-lieu d’évêché qu’au Xe siècle ; le cas de Saint-Brieuc étant encore moins clair. L’espace de temps séparant ces érections de la période où le comte Eudes assura son emprise dans ces régions ne fut pas assez long pour permettre une superposition des autorités comtale et épiscopale comparable à celles qu’offraient à la même époque les villes de Nantes ou de Rennes [60].
Sous le principat d’Eudes, une même puissance comtale s’exerçait sur les deux diocèses. Le titre de comte se rattachait alors à l’origine dynastique du lignage, issu de la famille ducale. Ainsi Eudes et ses fils se prétendent-ils le plus souvent comtes de Bretagne (comites Britaniae) voire plus simplement comtes (comites). Mais avec le temps, leurs descendants vont moins affirmer la dignité de leur pouvoir pour le rattacher à un ressort territorial précis : ils se disent dès lors comtes de Lamballe ou comtes de Guingamp.
Ce n’est probablement pas un hasard si cette évolution se manifesta au milieu du XIIe siècle. En effet, c’est à cette époque que le lignage des Comtes de Bretagne se scinda. A la fin du XIe siècle, le dernier fils d’Eudes encore vivant, Etienne réunissait dans sa main les domaines bretons et anglais de la famille. En 1123, il partagea ses terres entre ses trois fils. L’aîné, Geoffroy Boterel II, reçut Lamballe, le deuxième Richmond dans le Yorkshire, le dernier Guingamp. Après la mort du comte Etienne vers 1136, ses fils précisèrent dans leur titulature le territoire qu’ils dominaient désormais de façon autonome. Contrairement aux conceptions de La Borderie faisant de Lamballe et Guingamp des comtés anciens, autonomes à l’origine, et réunis seulement lors de la naissance de la principauté des Comtes de Bretagne, il s’agit en fait de comtés récents nés de la subdivision tardive de cette même principauté.
L’analyse des sources diplomatiques, éclairée par les recherches archéologiques récentes, semble ainsi établir que Lamballe naquit, à la fin du XIe siècle, de la volonté des comtes de Bretagne d’organiser militairement et économiquement l’est de leur domaine. Le succès de cette politique et les aléas des successions firent de cette cité le centre d’un nouveau comté, à l’instar de Guingamp pour le Trégor.
A la lecture de ces conclusions, certains regretteront sans doute le clinquant de la « vérité légendaire », et crieront peut-être à la trahison de « l’identité bretonne » mais ce serait oublier ce mot célèbre de Fénelon : « Le bon historien n’est d’aucun temps ni d’aucun pays : quoiqu’il aime sa patrie, il ne la flatte jamais en rien ». Qu’on ne voit pas dans cette attitude une quelconque insensibilité mais tout simplement la conviction que la vérité historique est bien plus enrichissante et merveilleuse. L’histoire de Lamballe mérite d’être progressivement débarrassée de ses oripeaux.
Résumé
Contredisant l’historiographie ancienne, l’analyse des sources diplomatiques, éclairée par de nouvelles recherches archéologiques, semble établir que Lamballe naquit, non sous l’Antiquité mais à la fin du XIe siècle, de la volonté des comtes de Bretagne d’organiser militairement et économiquement l’est de leur domaine. Le succès de cette politique et les aléas des successions firent de cette cité le centre d’un nouveau comté, à l’instar de Guingamp pour le Trégor.
[1] François Claude Cornillet dit Maître Cornillet, Essais historiques sur Lamballe et Penthièvre avec diverses pièces pour servir de preuves et une description statistique et historique des communes voisines de Lamballe, Lamballe, 1823, édité sous le titre Lamballe et Penthièvre, Plouagat, GP Impression, 1993. Ce manuscrit anonyme, déposé à la bibliothèque municipale de Lamballe, ne fut identifié qu’en 1985 par Daniel de la Motte-Rouge.
[2] François Claude Cornillet, Lamballe et Penthièvre, op. cit., p. 22.
[3] Op. cit., p. 23-24.
[4] Op. cit., p. 13.
[5] Op. cit., p. 23-60.
[6] Cf. Annexe no 1.
[7] Stéphane Morin, La place de Guingamp dans la Bretagne des XIe-XIIIe siècles, Association Bretonne, Tome CIX, 2000, p. 309-322
[8] César, La guerre des Gaules, texte établi et traduit par L.-A. Constant, Paris, Les Belles Lettres, coll. des universités de France, 1958, Tome I, III, 9 : Socios sibi ad id bellum Osismos, Lexovios, Namnetes, Ambiliatos, Morinos, Diablintes, Menapios adsciscunt ; auxilia ex Britannia, quae contra eas regiones posita est, arcessunt.
[9] Jean Martray, La vie des Lamballais depuis l’an 1000 au fil des ans, Saint-Brieuc, Les Presses Bretonnes, 1974, p. 13. L’énigmatique « légende de Saint Clavien », évoquée par cet auteur, ne serait-elle pas née d’une regrettable confusion avec Louis-François Jehan de Saint-Clavien, auteur notamment de La Bretagne. Esquisses pittoresques et archéologiques. Origines celtiques et nouvelles interprétations des monuments, vues ethnographiques, druidisme et traditions primitives (Tours, Cattier, 1863) ?
[10] Constant Dutemple, Histoire de Lamballe, Saint-Brieuc, 1918, 2 volumes, Tome I, p. 14-15.
[11] Une seule classe de manuscrit donnerait la leçon AMBILIATI, les meilleurs portant AMBIANI, soit les Ambiens établis autour d’Amiens. La commission de topographie des Gaules adopta cette leçon, rayant les Ambiliates de la liste des peuples gaulois. D’autres spécialistes suggérèrent plutôt de rapprocher les Ambiliates des Ambibares, dont le nom indiquerait un établissement de part et d’autre d’une rivière (César, La guerre des Gaules, op. cit., Tome II, VII, LXXV). Selon les conclusions plus récentes de Jean Hiernard, les Ambiliates auraient été rattachés dès César à celui des Pictons pour récompenser ces derniers de leur attitude favorable lors des soulèvements armoricains de 56. Les Ambiliati auraient gardé la rive gauche de la Loire et en particulier de l’estuaire, zone très importante stratégiquement et commercialement. Ceci expliquerait la présence de deux agglomérations jumelles et certainement rivales de part et d’autre de la Loire à l’époque gallo-romaine : Nantes au nord en Lyonnaise, Rezé au sud en Aquitaine, cf. Jean Hiernard, Poitou et Vendée avant les Romains : une enquête numismatique, Annuaire de la société d’Emulation de la Vendée, 126, 1979, p. 45-111.
[12] Emilienne Demougeot, Les invasions germaniques et la rupture des relations entre la Bretagne et la Gaule, dans Le Moyen Age, Tome LXVIII, 1962, p. 1-50.
[13] André Chédeville, Hubert Guillotel, La Bretagne des Saints et des Rois, Rennes, Editions Ouest-France, 1984, p. 298, 320.
[14] Les auteurs des Anciens évêchés considéraient déjà Albert Le Grand comme « le plus naïf des hagiographes », Anciens évêchés de Bretagne, Saint-Brieuc, Paris, éd. Jules-Henri Geslin de Bourgogne, Anatole de Barthélémy, 1855-1879, Tome I, Introduction, p. LIV. Sur Geoffroy de Monmouth, cf. notamment A. Chauou, L’idéologie Plantagenêt. Royauté arthurienne et monarchie politique dans l’espace Plantagenêt (XIIe-XIIIe siècle), Rennes, PUR, 2001, et Martin Aurell, L’Empire des Plantagenêt 1154-1224, Paris, Perrin, coll. Pour l’Histoire, 2002. La fable du débarquement de Maxime en Armorique eut ses heures de gloire au XVIIIe siècle. Elle fut d’autant plus diffusée et embellie que la Maison de Rohan prétendait descendre de Conan Mériadec, à qui, selon Geoffroy de Monmouth, le général romain donna la Bretagne avec le titre de roi, cf. André Chédeville dans André Chédeville, Hubert Guillotel, op. cit., p. 25.
[15] L’interprétation de Monsieur Jean Martray mériterait peut-être d’être signalée : Lan – Balan : domaine – genêt. Le toponyme de Lamballe viendrait d’une description de la flore locale. A l’appui de cela, remarquons que le sceau du prieur de Saint-Martin, il est vrai du XIVe, pourrait représenter un genêt. Cf. Les Amis du Vieux Lamballe et du Penthièvre, Mémoires 1981, Année 1982, Tome IX, p. 34.
[16] Jean Martray, op. cit., p. 12-13.
[17] Les Amis du Vieux Lamballe et du Penthièvre, op. cit., p. 36 ; Bernard Tanguy, Dictionnaire des noms de communes, trèves et paroisses des Côtes d’Armor, Douarnenez, Armen – Le Chasse-Marée, 1992, p. 101-102.
[18] Ibidem. La terre de Saint-Pal est effectivement mentionnée dans un acte de Saint-Martin de Lamballe daté de 1121, mais il s’agit très probablement d’un faux, peut-être du XVIIe. Cf. Anciens évêchés de Bretagne, op. cit., Tome IV, Chapitre V, no VII, p. 306, note 1 et p. 307, note 1.
[19] Ancien évêchés de Bretagne, op. cit., Tome IV, Chapitre V, no I, II, XII, XIV, XX.
[20] Ibidem., no III, V, VI, VIII.
[21] Ibidem., no IV, VII, X.
[22] Ibidem., no VII. A partir du XIIIe siècle, cette dernière forme semble s’imposer, au prix toutefois d’un de ses l. Ibidem., no XIII, XV, XVI, XVII, XVIII, XIX, XXI.
[23] Il faut toutefois noter la mention d’une chapelle Lanna Pauli dans un acte de 1152. Il ne faut sans doute pas y voir une résurgence du Haut Moyen Age mais plutôt la traduction en latin d’une forme bretonne, comme ce fut le cas pour Monasteriolum Rubeum, transposition de l’actuel Moustéru. A l’époque, l’abbaye Saint-Melaine de Rennes cherchait à s’implanter dans le diocèse de Saint-Pol de Léon. Lanna Pauli serait un hommage à Saint Paul Aurélien, comme le pense Bernard Tanguy (Cf. Bernard Tanguy, Dictionnaire des noms de communes, trèves et paroisses des Côtes d’Armor, ibidem), mais purement circonstanciel. D’ailleurs, cette forme tardive n’apparaît qu’à cette seule occasion dans les actes concernant Lamballe.
[24] Hubert Guillotel, Le poids historiographique de La Borderie, Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 2002, Tome LXXX, p. 343-359.
[25] La présence de l’abbé de Marmoutier Bernard suppose que ce dernier a succédé à Barthélémy, inhumé le 24 février 1084, cf. Dom Edmond Martène, Histoire de l’abbaye de Marmoutier, Tome I, p. 443 cité par Les Amis du vieux Lamballe, op. cit., p. 39-40. La fondation de Saint-Martin de Lamballe est sans doute postérieure à cette date, car on imagine mal Bernard, même élu du vivant de son prédécesseur, quitter Marmoutier avant la mort de ce dernier. Dès lors, si l’acte porte la date de 1083, c’est que les moines ont utilisé le style de Pâques. Or, en 1084, cette fête tombait le 31 mars ce qui signifie que la donation lui est antérieure.
[26] Anciens évêchés de Bretagne, op. cit., Tome IV, no I, p. 300 : juxta Lambalam terram ad burgum faciendum, et ad ecclesiam faciendam, et ad officinas monachorum faciendas…. Pour une description de Saint-Martin de Lamballe, cf. André Mussat, Lamballe, Congrès archéologique de France, CVIIe session, Paris, Société Française d’Archéologie, 1950, p. 34-55 ; Marc Déceneux, La Bretagne romane, Rennes, Ouest-France, Coll. Références, 1998, p. 55.
[27] Daniel Pichot, Le village éclaté, habitat et société dans les campagnes de l’Ouest au Moyen-Age, Rennes, PUR, Coll. Histoire, 2002, p. 138.
[28] Daniel Pichot, op. cit., p. 148.
[29] Anciens évêchés de Bretagne, op. cit., Tome IV, no II, p. 301 : dedit Deo et Beato Martino per manum ejus veterem Lambalam, et montem Boeti ; et medietariam Gauffredi comitis de Sancto Airando, et totam illam terram que est inter novam Lambalam et aquam que vocatur Goissan...
[30] Christophe Amiot, Lignages et châteaux en Bretagne avant 1350, Thèse pour l’obtention du doctorat en Histoire (dactylographiée), Université de Rennes 2, 1999, Tome I, p. 210-211. (cf. Annexe no 2). Nous ne pouvons que reconnaître notre dette envers Messieurs Amiot et Brand’Honneur (Michel Brand’Honneur, Manoirs et châteaux dans le comté de Rennes, Habitat à motte et société chevaleresque (XIe-XIIe siècles), Rennes, PUR, Coll. Histoire, 2001), dont les travaux incontournables et les conseils avisés nous ont guidé dans les méandres de la castellogie bretonne. Nous leur exprimons ici toute notre gratitude.
[31] L’invocation de Saint Lazare suggère l’implantation d’une léproserie.
[32] François-Olivier Touati (dir.), Vocabulaire historique du Moyen-Age (Occident, Byzance, Islam), Paris, La Boutique de l’Histoire, 2000.
[33] Hubert Guillotel, Les actes des ducs de Bretagne (944-1148), thèse pour le doctorat en droit présentée et soutenue publiquement le 4 juillet 1973, Université de droit, d’économie et de sciences sociales de Paris [Paris II], ouvrage dactylographié, no 91.
[34] Christophe Amiot, op. cit., Tome II, p. 560.
[35] Christophe Amiot, op. cit., Tome II, p. 536 : « Pour d’autres, comme par exemple Châteaulin, et Lamballe, c’est la conjonction d’un site particulier et d’un croisement de voies anciennes qui constitue l’argument d’une occupation antique ». (cf. Annexe no 3).
[36] Christophe Amiot, op. cit., Tome II, p. 540-541.
[37] Bernard Tanguy, Dictionnaire…, op. cit., p. 143.
[38] Erwan Vallerie, Communes bretonnes et paroisse d’Armorique, Maulévrier, Beltan, coll. Les bibliophiles de Bretagne, 1986, p. 164, contra Bernard Tanguy, Dictionnaire…, op. cit., p. 144. Sur Lanmeur, cf. Paul Henry, Lanmor et La Hunaudaye. Recherches autour de la naissance d’un château médiéval, des origines au XIIIe siècle, Thèse pour l’obtention du Doctorat en Histoire (dactylographiée), Université de Haute Bretagne – Rennes 2, 1999, 2 vol. La lecture de cette thèse passionnante nous a été très profitable pour la rédaction de cet article. Nous remercions son auteur d’avoir eu la gentillesse de nous prêter le seul exemplaire à sa disposition.
[39] Pour certains auteurs, Maroué viendrait d’un mot celtique, ma roué, qui voudrait dire « mon Roi ! ». Monsieur Louis Fourchon nous paraît avisé de rester prudent sur cette interprétation qu’il rapporte, Louis Fourchon, Maroué, pages d’histoire, Quintin, 2001, p. 15.
[40] Stéphane Morin, La place de Guingamp dans la Bretagne des XIe-XIIe siècles, op. cit., p. 313-314.
[41] L’enquête en faveur d’Henri d’Avaugour nous montre qu’il était déjà difficile en 1235 d’établir une carte précise des possessions d’Eudes et de ses descendants, cf. Arthur de la Borderie, Nouveau recueil d’actes inédits des ducs et princes de Bretagne (XIIIe et XIVe siècles), Rennes, Imprimerie Eugène Prost, 1902, p. 9-33.
[42] Le titre « de Penthièvre » n’aurait été porté par les descendants des Comtes de Bretagne qu’à partir XIIIe siècle, cf. Katherine S.B. Keats-Rohan, William I and The Breton Contingent in the non-Norman Conquest, Anglo-Norman Studies XIII, Woodbridge, The Boydell Press, 1991, pp. 158-172, particulièrement p. 160.
[43] « car adoncils se departirent d’ensemble, & bailla Allain audit Eudon le pais de Donnonenses retenant toutesfois à luy comme aisné fils les citez & la supériorité. Mais Eudon voulant avoir esgalle partie du règne vendica lesdites citez, & print & occupa Dol & Alethenses qu’il s’efforça garder & défendre contre Allain par la puissance de ses chevaliers. », Pierre Le Baud, Histoire de Bretagne avec les chroniques des maisons de Vitré et de Laval, Paris, 1638, p. 150.
[44] Dom Hyacinthe Morice, Histoire de Bretagne, op. cit., Tome I, Livre II, pp. 70-71.
[45] Jules Lamare, Histoire de la ville de Saint-Brieuc, Saint-Brieuc 1884, rééd. Marseille, Laffitte Reprints, 1975, pp. 22-23.
[46] Pour Le Baud au contraire, Guingamp était une cité faisant dès l’origine partie intégrante du domaine concédé par le duc à son frère, Pierre Le Baud, Histoire de Bretagne…, op. cit., p. 151.
[47] Ibidem.
[48] Hubert Guillotel, Le poids historiographique de La Borderie, op. cit., p. 9.
[49] Arthur de la Borderie, op. cit., Tome III, p. 52.
[50] Ibidem.
[51] Arthur de la Borderie, op. cit., Tome III, p. 55.
[52] Arthur de la Borderie, op. cit., Tome III, p. 54.
[53] Hubert Guillotel, Le poids historiographique…, ibidem.
[54] Hubert Guillotel, Le dossier hagiographique de l’érection du siège de Tréguier, dans Bretagne et pays celtiques. Langues, histoire, civilisation. Mélanges offerts à la mémoire de Léon Fleuriot, Saint-Brieuc - Rennes, 1992, p. 213-226.
[55] D’une part, si l’hagiographe rassemble Tréher, Gouelou et Penteur sous la même qualification de pagus, il ne distingue pas les pagi majores des pagi minores (A titre de comparaison, sur l’importance de cette distinction en Cornouaille, cf. Joëlle Quaghebeur, La Cornouaille du XIIe au XIIIe siècle, Mémoire, pouvoirs, noblesse, Quimper, Société archéologique du Finistère, 2001, p. 140-141. Rapidement épuisé, ce bel ouvrage a été réédité aux PUR dès 2002). D’autre part, l’éventuelle mention du Gouelou dès le IXe siècle ne signifie pas que ce pagus ait conservé les mêmes délimitations à travers les siècles. Ainsi, l’archidiaconé de Goëlo peut-il avoir hérité au XIIIe du nom de l’ancien pagus sans s’identifier à lui.
[56] Anciens évêchés de Bretagne, op. cit., Tome IV, Chapitre V, no X, p. 310. Cette simple mention ne définit pas précisément ce que représente le Penthièvre à l’époque, l’existence d’un archidiaconé de Penthièvre n’étant certifiée qu’à partir de 1202, Auguste Longnon, Pouillés de la province de Tours, Paris, 1905, p. LXXIX.
[57] Anciens évêchés de Bretagne, op. cit., Tome IV, Chapitre V, no VII, p. 306, no XI, p. 311.
[58] Hubert Guillotel, Les origines de Guingamp, sa place dans la géographie féodale bretonne, Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, Tome LVI, 1979, p. 81-100, p. 99.
[59] Hubert Guillotel, Les origines de Guingamp…, op. cit., p. 83.
[60] Hubert Guillotel, Les origines de Guingamp…, op. cit., p. 98-99.