Tudchentil

Les sources sur les gentilshommes bretons

L'histoire de Keroulas

Du Moyen Âge à nos jours

Par la famille de Keroulas.

Depuis le Moyen-Âge, le berceau de la famille de Keroulas se trouve au manoir de Keroulas à Brélès, en Pays de Léon. Plus de 6 siècles et près de 20 générations plus tard, cette belle demeure du XVIIe siècle est toujours la résidence de descendants de la famille.

Le manoir de Keroulas conserve de précieuses archives dont les plus anciennes datent de la fin des années 1300. Elles ont permis de remonter aux périodes les plus reculées de l’histoire familiale.

Le nom de famille de Keroulas s’est éteint en Pays de Léon au XVIIIe siècle. Les Keroulas d’aujourd’hui descendent de Ronan Mathurin de Keroulas (1730-1810) qui s’installe vers 1764 au manoir de Tal ar Roz au Juch près de Douarnenez. Sa nombreuse postérité estimée à plus de 5.000 personnes a surtout essaimé au Juch et dans les communes environnantes.

Ce beau livre illustré, travail collectif de plusieurs enfants de la famille, vous invite à plonger dans la destinée des Keroulas, à suivre son évolution au fil des siècles et à découvrir de nombreux épisodes parfois très surprenants.

Le livre est en vente chez l’éditeur aux éditions Récits au prix de 35 €.

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Photo A. de la Pinsonnais (2009).

Les faux États de Bretagne de 1315 et les premiers États de Bretagne

Jeudi 26 août 2010, texte saisi par Bertrand Yeurc’h.

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Barthélémy-Ambroise-Marie Pocquet du Haut-Jussé, Bibliothèque de l’École des chartes, t. 86, 1925, p. 388-406.

Citer cet article

Barthélémy-Ambroise-Marie Pocquet du Haut-Jussé, Bibliothèque de l’École des chartes, t. 86, 1925, p. 388-406, 2010, en ligne sur Tudchentil.org, consulté le 18 mars 2024,
www.tudchentil.org/spip.php?article724.

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Les faux États de Bretagne de 1315 et les premiers États de Bretagne
183.5 kio.

[p. 388] Dans son Histoire de Bretagne, M. de La Borderie place l’entrée du « Tiers » aux États de Bretagne en 1315. Cette date lui est fournie par une sorte de procès-verbal d’une déclaration ou plutôt d’une reconnaissance de souveraineté délivrée par les neuf évêques de Bretagne au Duc, lors d’une assemblée des « Trois États », qui aurait été réunie à Rennes, le jeudi après Misericordia Domini, c’est-à-dire le 10 avril 1315. Cet acte a été cité, depuis, par de nombreux historiens  [1], sans qu’ils aient exprimé aucun doute sur son authenticité. Avant La Borderie, il avait été utilisé et publié par Dom Lobineau et Dom Morice. Avant eux encore, Bertrand d’Argentré en avait fait état et en avait cité un fragment  [2]. On ne trouve pas de témoignages plus anciens. Ni Pierre Le Baud, chroniqueur si scrupuleux, ni Alain Bouchart, tous deux contemporains de la duchesse Anne, n’en parlent. Rien non plus chez Fauteur du Chronicon Briocense, écrivant à la fin du xive siècle et si entiché cependant de tout ce qui peut rehausser la grandeur ducale.

[p. 389] Ce silence aurait dû inspirer des inquiétudes, je ne relève cependant parmi les historiens qu’une voix discordante : l’érudit abbé Travers, mort en 1750, mais dont l’Histoire de Nantes n’a été publiée qu’en 1836, « incline à croire supposé » l’acte de 1315 à cause de la diversité des dates rapportées par les différentes copies et parce que le sceau lui paraît suspect  [3].

L’opinion de Travers ayant passé inaperçue et l’acte de 1315, toujours invoqué, servant de base, d’une part, à l’histoire des Etats de Bretagne et, de l’autre, à celle des rapports entre ducs et évêques bretons, je crois nécessaire de revenir sur la question et d’exposer par des arguments nouveaux pourquoi je rejette cet acte comme apocryphe.

L’acte critiqué contient des anomalies d’ordre historique et diplomatique. Historiquement il est en contradiction avec les notions que l’on possède par ailleurs. En voici le contenu : les neuf évêques de Bretagne, présents aux États, reconnaissent la pleine souveraineté que le Duc possède sur eux, et particulièrement qu’ils lui doivent obéissance quant à leur temporel, que la régale de leurs sièges vacants appartient au Duc, qu’ils doivent assister aux États du duché, que le Parlement général du duché est juge d’appel des cours temporelles ecclésiastiques et que du Parlement l’on ne peut appeler qu’au Saint-Siège.

On est d’abord étonné que le ressort du Parlement du roi soit aussi lestement passé sous silence. On possède, pour la période qui s’étend du règne de Philippe le Hardi à l’ouverture de la guerre de Cent ans, et qui fut pour les légistes un âge d’or, d’assez nombreux textes relatifs aux abus commis en cette matière par les gens du Roi. Plusieurs fois le souverain y met bon ordre, mais jamais le principe même du ressort n’est mis en question par le Duc dans les deux cas de faux jugement et de déni de justice  [4].

Les évêques l’auraient encore bien moins osé. A cette époque, en effet, les gens du Roi, toujours passionnés pour étendre le rayon de sa justice, avaient entrepris par divers [p. 390] moyens d’attirer à sa cour, sans passer par celle du Duc, les causes pendantes devant les tribunaux épiscopaux. Ils invoquaient assez peu la sauvegarde générale  [5], parce qu’elle était contredite par ce fait patent que les revenus des évêchés vacants étaient perçus par le Duc et non par le Roi  [6]. Mais ils usaient des sauvegardes spéciales et des avoueries nouvelles. Au début de 1313, le Parlement de Paris envoya un commissaire qui, sous prétexte de faire une enquête, était chargé de provoquer de la part des évoques et ecclésiastiques bretons ces avoueries au Roi qui attribuaient juridiction à sa cour  [7]. Très peu de temps avant les prétendus États de 1315, Louis X, obligé par les circonstances à de larges concessions, maintenait le principe du ressort et, sur la question de la garde des églises, consentait seulement à une enquête. Le duc Jean III, par une déclaration plus ou moins spontanée des évêques, aurait-il voulu répondre d’avance à cette enquête ? C’est peut-être ce que le faussaire a voulu faire croire, mais c’est ce que Jean III n’aurait pu obtenir de son épiscopat, même en présence des « Trois États ».

Examinons, en effet, l’attitude des évêques bretons en face de la politique royale. Ce fut en général une connivence bien naturelle à une époque où les évêques devaient plus fréquemment leurs sièges à la recommandation du Roi qu’à celle du Duc. On ne manque de renseignements sur presque aucun des neuf prélats qui siégeaient en 1315. Les dépositions de deux d’entre eux, lors de l’enquête de 1313 précitée, nous ont été conservées : l’évêque de Saint-Brieuc se reconnut en la garde du Roi et, de même que l’évêque de Tréguier, affirma ne dépendre en rien du pouvoir ducal. L’évêque de Saint-Brieuc Alain de Lamballe ne pouvait agir autrement, étant conseiller au Parlement du Roi. On présume que ni Raoul Rousselet, président au Parlement du Roi, placé par lui sur le siège de Saint-Malo, enquêteur-réformateur royal en 1316, ni Jean du Bois, évêque de Dol, avocat au même Parlement, [p. 391] ne pouvaient professer des opinions différentes  [8]. Deux autres des prélats de 1315 refusèrent ouvertement, dans la suite de leur carrière, de reconnaître la souveraineté temporelle du Duc, ceux de Léon et de Nantes. Celui de Vannes se montre aussi attaché à l’indépendance de ses régaires  [9]. Il était d’ailleurs en procès avec le duc Jean III, à titre d’exécuteur du testament d’Arthur II, son père, mort en 1312  [10]. L’évêque de Rennes, Alain de Châteaugiron, exécuteur testamentaire du feu duc Jean II, aïeul de Jean III, paraît avoir été, dans le règlement litigieux de cette succession, favorable à Jean III  [11]. Quant à l’évêque de Quimper Alain Morel, il est le seul sur lequel on ne soit pas renseigné suffisamment. On reconnaîtra qu’un épiscopat ainsi composé n’a pas pu sans invraisemblance s’abandonner à la soumission complète et unanime que suppose l’acte de 1315.

Cet acte attribue, d’autre part, au Saint-Siège une juridiction suprême sur le Parlement de Bretagne. Or, présentée sous cette forme, cette idée est insolite à la date où on la place. Elle ne prendra, naissance qu’un siècle plus tard, lorsque, à la suite du concile de Baie, les ducs chercheront à transformer l’obédience religieuse en obéissance politique. On la trouve en pleine floraison en 1455  [12].

Enfin, dans l’acte de 1315, le Duc reçoit à plusieurs reprises le titre de prince. Or, cette prétention à la principauté est tout à fait étrangère à la chancellerie du modeste Jean III. Elle n’apparaîtra qu’à la fin du xive siècle, sous le règne de Jean IV. C’est le vainqueur d’Auray qui, après sa restauration en 1379, réveillera par la politique et la littérature les souvenirs de l’antique principauté et royauté de la Bretagne  [13]. [p. 392] C’est son sénéchal de Nantes qui répondra aux gens du Roi que « le Duc est Roi en son pays  [14] ».

L’examen diplomatique de l’acte de 1315 ne peut être poussé très loin parce que l’original est perdu et que nous manquons de termes de comparaison, les actes émanés de Jean III étant excessivement rares. Néanmoins, les quelques observations qu’il suggère ne font que confirmer la suspicion que les circonstances historiques font naître à son sujet.

Le Trésor des chartes des ducs à Nantes conserve cinq exemplaires de ce fameux acte. Deux d’entre eux ont servi aux Bénédictins pour l’établissement de leur texte. Ce sont des copies terminées par la formule : Collatio facta est, sans aucune indication sur la date de la copie, le nom ni l’autorité du copiste. Elles étaient cotées, dans l’ancien inventaire de Bourgneuf, N. B. 14 et F. B. 18 [15]. Le même inventaire en signale trois autres copies sous les cotes A. A. 8, N. C. 26 et R. B. 21. La première est incluse dans un vidimus du 15 octobre 1462  [16]. La seconde est aujourd’hui perdue. L’inventaire de Bourgneuf, qui fut rédigé en 1578, donne à l’analyse la date du jour saint Grégoire 1399  [17], mais c’est probablement une erreur : l’instrument analysé contenait plusieurs actes, notamment des aveux et serments de fidélité d’évêques de Nantes au Duc. Or, on connaît par ailleurs l’un de ces aveux qui est daté lui aussi du jour saint Grégoire 1399  [18]. On présume que l’archiviste a donné à l’ensemble la date qui ne convenait qu’à l’une des parties. L’abbé Travers avait connu un sixième exemplaire « dans les registres de la Chambre des comptes, au premier Livre noir, folio 26 recto, sous cette [p. 393] date : le jeudi après l’Epiphanie, l’an de Nostre Seigneur mil trois cent quinze ». Epiphanie peut ici n’être qu’une bévue de copiste au lieu de Misericordia Domini, version des autres textes  [19]. On peut ajouter un septième exemplaire figurant dans un recueil de pièces composé par les gens du Duc à l’appui de leurs dires sur la question du ressort et de la régale. La plus récente de ces pièces est du 17 janvier 1450, la compilation d’après l’écriture n’est postérieure que de peu d’années  [20]. On retiendra ces dates du milieu du xve siècle, car je suppose que le faux acte de 1315 a été fabriqué à cette époque.

Ce qui est un contresens diplomatique, c’est que cet acte, émané des évêques bretons et très grave pour eux, est ou plutôt était revêtu, pour tout signe de validation, du sceau du Duc. Il se termine par ces lignes : « Et apparoist avoir esté scellé en queue simple en cire vermoille d’un ecu en échiquier à un quartier d’hermines. » C’est qu’il était plus facile de contrefaire le sceau ducal que de contrefaire les sceaux de neuf évêques oubliés depuis longtemps. Et cependant là encore le faussaire a fait un faux pas. Le duc Jean III, qui régnait en 1315, ne portait plus, comme son père Arthur II : échiqueté d’or et d’azur, qui est Dreux, au franc quartier d’hermines, qui est la brisure bretonne inaugurée par Pierre Mauclerc ; Jean III portait : d’hermines plein. Ici, je dois entrer dans quelques détails. M. de La Borderie, en effet, a écrit : « Jean III, à partir de 1318, expulsa de son sceau et de son blason tout ce qui était Dreux, c’est-à-dire l’échiqueté, pour garder exclusivement ce qui était breton, c’est-à-dire les hermines qui, désormais, remplirent l’écusson tout entier  [21] », et cela en haine de Yolande de Dreux, sa belle-mère, seconde femme de son père. Que cette haine ait été la cause de ce changement, je l’accorde, mais justement c’est dès l’avènement de Jean III, en 1312, qu’elle se manifesta le plus violemment, lorsque celui-ci prétendit faire annuler par le Saint-Siège le second mariage de son père pour parenté, affinité et clandestinité, et faire déclarer illégitimes les enfants qui en étaient issus. La Borderie eût dû s’en tenir à la prudence de Dom Lobineau et dire seulement que le premier [p. 394] acte connu de lui et muni du nouveau sceau portait la date du 7 août 1318  [22]. Or, La Nicollière-Teijeiro a publié un acte de Jean III, du « lundi après la fête saint Nicolas mil treis cenz et seze ans », dont il décrit ainsi le sceau : « Sceau en cire brune dont il ne reste que l’écu d’hermines plein par 4, 3, 2 et 1  [23] ». En outre, cet acte, pas plus que celui de 1318, ne contenant l’annonce d’un changement de sceau, on est fondé à croire qu’il n’était pas le premier à être revêtu du nouveau sceau. En revanche, je signale une longue formule de Robin du Chastel, garde du sceau des contrats de Penthièvre, pour expliquer qu’il a apposé sur un acte de 1311, donc du temps du duc Arthur II, le sceau de Jean III, en août 1313  [24]. Cette précaution vise peut-être, outre le changement de nom, le changement des armes. Ce qui est plus important, c’est le témoignage de Pierre Hévin, érudit attentif non moins que grave jurisconsulte : « J’ay observé, dit-il, sur grand nombre de titres qui m’ont passé par les mains, que ce fut environ 1310 que Jean III prist les pleines armes de Bretagne... C’est une pierre de touche asseurée pour juger de la vérité des titres et sceaux. » Si Hévin dit : « environ 1310 », c’est sans doute que le dernier acte connu de lui et portant l’échiqueté d’Arthur II (mort le 27 août 1312) était de 1310 ou antérieur à 1310, mais ce qui est sûr c’est qu’il a connu un acte de Jean III « de l’an 1312 », qu’il cite à plusieurs reprises, acte concernant les seigneurs du Bordage, dont il avait consulté les archives  [25].

Cette question du changement d’armoiries a été obscurcie par un passage souvent cité du Chronicon Briocense, où l’auteur s’exprime ainsi dans un paragraphe consacré au duc Jean II (1285-1305) : Iste Johannes noluit portare arma comitatus Drocensis, quando factus fuit dux, sed ipsa reliquit et plana arma Britanniae, id est herminas planas assumpsit  [26]. Que Jean II ait porté : d’hermines plein, c’est une erreur reconnue, mais ce qu’on n’a pas expliqué c’est la cause de cette erreur. Voici ce que je propose : le tombeau de Jean II, aux Carmes de Ploërmel, montrait son écusson qui porte : d’hermines plein. Pourquoi ? Parce que ce tombeau fut élevé par les soins de Jean III, son petit-fils, qui, désirant reposer auprès de son aïeul, ne voulut pas afficher entre eux deux une différence d’armes  [27]. L’auteur du Chronicon, à la fin du xive siècle, aura donc tout naturellement attribué l’innovation à Jean II, au lieu de Jean III, mais il ne se trompe pas en disant que ce changement s’opéra à l’avènement d’un duc quando factus fuit dux.

L’examen diplomatique de l’acte de 1315 nous amène à relever la formule finale : « Et partant en ont esté cestes présentes baillées à mondit seigneur et regestrées en sondit Parlement tenu en la cité de Rennes o solemnité de trois Estatz... ainsi signé : Par la cour dudit Parlement, presenz les trois Estaz, Rouxeau ». Ce soi-disant Rouxeau, appelé respectueusement « greffier des États » par Dom Morice, attire mon attention. Je retrouve, en effet, son nom dans un acte que le savant bénédictin publie sous ce titre : « Acte supposé pour l’origine des armes de la maison de Derval. » II débute ainsi : « Arthur, par la grâce de Dieu, duc et prince de Bretaigne, soeant en nostre général Parlement, o la solempnité de nos trois Estaz... », et se termine ainsi : « ... le lundi prouchain après la feste saint Marc l’an de grâce 1302 et enregestrées en [p. 396] nostredit Parlement. Ainsi signé : Par la court et conseil de Parlement, présans et assentans les Estats, Rouxeau. Approbata in consilio. Et apiert estre scellé d’un sceau à un escu eschiqueté à un cartier d’ermine  [28]. » La fausseté criante de cette pièce a été démontrée par le P. du Paz  [29]. A ses arguments péremptoires, on peut ajouter que la formule « par la grâce de Dieu » ne fut pas adoptée par les ducs avant 1417  [30]. Mais ce qui nous intéresse c’est que la date de fabrication du faux acte de 1302, frère du faux acte de 1315, peut être déterminée avec assez de précision. Il fut, en effet, composé pour rehausser l’éclat de la maison de Derval et lui conférer un titre exceptionnel au moment où le duc Pierre II la choisit avec les maisons de Malestroit et de Quintin pour compléter le collège des neuf barons de Bretagne, destinés à faire pendant aux neuf évêques. La Borderie a parfaitement élucidé cette curieuse imposture  [31]. Le duc fit croire qu’il restaurait un état de choses antique, alors qu’il créait de toutes pièces ces neuf barons, à l’instar des douze pairs de France et des neuf preux, pour ajouter à sa couronne un caractère monarchique de plus. Cette institution est de 1451. Or, avant cette date, tous les vassaux immédiats du Duc étaient barons. Ceux qui se virent, par l’ordonnance de Pierre II, privés de ce titre protestèrent énergiquement, et sans doute leur protestation n’attendit pas le fait accompli pour s’élever. C’est pour y répondre que le sire de Derval présenta à la chancellerie ducale cette fausse charte d’Arthur II, qui faisait de lui le très proche parent de la maison régnante. Les lettres de Pierre II qui érigèrent Derval en baronnie (19 mai 1451) contiennent une allusion claire, quoique non remarquée jusqu’ici, à la charte d’Arthur : « Sçavoir faisons que nous, bien certains du degré, parenté et lignaige dont nostre très cher et très amé nepveu, cousin et féal Jehan, sire de Derval et de Chasteaugiron,... nous atteint, lequel est extroit et consanguin proche de nostre maison avecques de tous les comtes, barons et grans seigneurs de nostre pays  [32]. » On peut donc [p. 397] considérer la fausse charte de 1302 comme fabriquée peu avant le 19 mai 1451.

Le faux acte de 1315 est, selon moi, du même auteur. L’acte de 1302 est si évidemment faux que la chancellerie ducale aurait refusé d’en faire état, s’il n’avait été fabriqué avec sa connivence, peut-être même par un de ses scribes. Que celui-ci ait si mal connu la diplomatique des anciens ducs, ce n’est pas très étonnant, car les originaux des chartes étant délivrés aux parties, le Trésor des chartes, M. Blanchard l’a remarqué, n’en possédait qu’un petit nombre. Les faussaires étaient malheureusement moins rares, comme le prouvent plusieurs constitutions ducales, sévères pour le crime de « faussonnerie  [33] ». Les deux faux étant présumés du même père, on peut retrouver les circonstances historiques qui ont déterminé l’éclosion de celui de 1315.

C’est au milieu du xve siècle qu’éclata l’un des conflits les plus graves et les plus violents qui aient mis aux prises le pouvoir ducal avec un évêque breton. L’évêque de Nantes Guillaume de Malestroit prétendit, en 1452, se soustraire à la juridiction du Parlement de Bretagne et du Parlement de Paris pour ne dépendre que du pape. Le duc y répondit par une enquête sur ses « droits royaux ». Les dépositions qui furent alors recueillies présentent un air de parenté avec l’acte de 1315  [34]. Un peu plus tard, quand le connétable de Richemont, sous le nom d’Arthur III, succéda à son neveu (1457, 22 septembre), Guillaume lui refusa l’hommage. Puis son successeur (29 mars 1462) Amaury d’Acigné le refusa à son tour au Duc, alors François II. Ce qui envenima la querelle c’est que Louis XI, succédant sur ces entrefaites à son père, s’y intéressa passionnément, prenant parti contre le Duc. Une commission royale, présidée par le comte du Maine, essaya de juger le débat, mais, réunie à Tours en novembre 1463, elle dut s’ajourner au mois de septembre de l’année [p. 398] suivante. « Ce fut une année d’escarmouches... une guerre de notes, de menaces, de paroles imprudentes, de provocations agressives ; le Duc écrivait beaucoup  [35]... » Devant les commissaires, le procureur du Roi soutenait que les évêques de Nantes étaient exempts de la juridiction ducale et que leurs grands jours ne ressortissaient point au Parlement ducal, mais au seul Parlement de Paris  [36]. C’est pour couper court à ces attaques et pour fermer la bouche au prélat que la chancellerie ducale, à la suite d’une enquête dont le résultat ne nous est pas connu  [37], aurait fait composer par un de ses clercs le faux qui nous occupe et qui proclamait péremptoirement, par la voix des neuf évêques de la province, que chacun d’eux devait reconnaître la souveraineté politique et judiciaire du Duc  [38].

Avec l’acte de 1315 disparaissent les États de la même date dont ils étaient le seul témoin. Il reste à indiquer brièvement les conséquences qui en résultent, et à quelle date on peut fixer l’entrée du « Tiers » aux États de Bretagne.

Les Bénédictins l’avaient placée en 1309, trompés sans doute par l’analyse du document, qui atteste la réunion d’un [p. 399] Parlement général à cette date  [39]. La Borderie, qui a consulté le texte même, n’y a vu ni la présence des « Trois États » ni l’assistance du Tiers, mais néanmoins il y croit parce que, selon l’hypothèse de Dom Lobineau, cette assemblée aurait eu pour but de délibérer sur la bulle pontificale du 27 juin 1309, qui abolissait le droit de tierçage  [40]. Cette décision du pape avait été prise après l’arrivée d’une ambassade composée, d’une part, des représentants ou procureurs des évoques et du clergé, d’autre part, des procureurs « du Duc, des barons, des nobles et du peuple, savoir : le fils aîné d’Arthur II, Pierre du Bail, clerc, et Guillaume de Baden, laïque  [41] », auxquels se joignirent des conseillers du Duc, barons et chevaliers. La Borderie en conclut que Guillaume de Baden était le mandataire spécial du peuple breton, c’est-à-dire du Tiers-État. Il est certain qu’à cette époque une commune au moins existait en Bretagne, celle de Saint-Malo, récemment formée avec l’appui du Duc. Il est certain, en outre, que dans plusieurs paroisses le vieux litige du tierçage avait été réglé par un accord transactionnel ou « composition commune » entre les recteurs et les paroissiens. En revanche, certaines objections se posent : le mot « peuple » n’est pas celui qui désigne les bourgeois des bonnes villes. Puis La Borderie a tort de voir dans les procureurs nommés des mandataires spéciaux : en effet, si Guillaume de Baden avait représenté le peuple et le fils aîné du Duc son père, il ne resterait qu’un simple clerc pour représenter les « barons et nobles ». Enfin, Guillaume de Baden, dont on fait un représentant du Tiers, n’avait pas de titres à cette fonction. Il appartenait à une famille de chevaliers et le devint bientôt lui-même ; il était au service du Duc comme « écuyer et sergent » dès 1305 et devint maître d’hôtel  [42] de Jean III, qui le récompensa par des terres de son dévouement. Sans pouvoir se prononcer définitivement, il est plus prudent d’admettre que ces procureurs furent désignés par une assemblée du genre des Parlements du duché, mais incomplète, puisque le clergé, qui était la partie adverse, n’y [p. 400] avait pas pris part. J’estime donc qu’en attendant la découverte d’un document plus explicite, on ne peut parler de l’entrée du Tiers aux États de 1309, ni même de sa participation à l’ambassade vers le pape  [43].

Si maintenant nous examinons une à une les prétendues sessions des Trois États réunies sous le règne de Jean III, nous constaterons qu’il n’en reste pas une seule. Je veux dire qu’à nulle d’entre elles n’assistent des représentants de la bourgeoisie ou du peuple :

En 1314 « Parlement » à Ploërmel  [44]. En 1315 « Parlement » à Quimperlé  [45]. En 1320 « Cour ducale » à Saint-Ronan-en-Léon  [46]. En 1330, 10 février, « Parlement général » à Nantes, « où le duc avait réuni une grande multitude de conseillers  [47] ». En 1332, 27 novembre, « Conseil et délibération en notre Parlement à Vannes, o nos conseillers notre Parlement tenant ». C’est sans doute la même session que vise une bulle du 13 août 1333 en ces termes : in parlamento publico prelatorum et baronum ducatus Britanniae  [48]. Enfin, on peut découvrir deux autres sessions en 1334 et en 1337 : la première serait attestée par le continuateur de Guillaume de Nangis, qui parle de l’opposition faite à certain projet de Jean III par aliguibus Britonibus. Cette allusion est transformée par Alain Bouchart en délibération des « prélats, barons et suppôts des Estats du pays ». Mais Bouchart, qui écrit à la fin du xve siècle, attribue au siècle précédent les institutions du sien. D’autre part, en 1337, le roi Philippe VI, à l’occasion du mariage de son neveu Charles de Blois avec l’héritière de Jean III, parle du « gré et consentement de plusieurs de ses amis [de Jeanne de Penthièvre] et de la greigneur partie des, gens du pays de Bretagne  [49] ».

II faut donc reconnaître que Jean III n’a rien innové. Son Parlement n’est autre que la vieille cour féodale plus ou moins élargie. Les prélats, évêques et abbés, les barons, ou vassaux directs du Duc, en forment l’élément essentiel. Sa fonction la plus habituelle est de rendre la justice. Mais parfois aussi il est appelé à délibérer sur quelque grave question politique, sur quelque constitution ducale qui, après son vote, deviendra une « assise », alors il s’étend et s’ouvre à tous les nobles du duché, c’est le Parlement général  [50].

Quant aux bourgeois, c’est pendant la période troublée que fut la guerre de Succession, et au moment le plus critique, qu’on les vit apparaître. Le premier, Jean de Montfort, tenta de les réunir. Ayant pris Nantes, sans attendre la sentence du Parlement de Paris, il convoqua, au témoignage de Jean le Bel, « tous les barons et les conseilliers des cités et du paiz ». Aucun ne vint, il est vrai, et Montfort se contenta des bourgeois de Nantes et du seul baron de Léon pour faire figure dans le Parlement, par lequel il voulait se faire reconnaître duc  [51].

Son adversaire, Jeanne de Penthièvre, fut plus heureuse. En 1352, à Dinan, onze villes répondirent à son appel et prirent part aux véritables États qui nommèrent une ambassade pour aller négocier avec le roi d’Angleterre : « Parmy l’avisement, conseil et assentement des prélats, chapitres, barons et autres nobles et des bourgeois et habitans de nos bonnes villes de notre duché de Bretagne... Et nous, bourgeois et habitanz desdites citez et villes, à nostre requeste, avons fait apposer à ces lettres les sceaux des contracts desdites villes  [52]. » Cette date de 1352 enlève aux États de [p. 402] Bretagne leur précocité et les ramène au même rang que ceux des autres provinces : « Les États provinciaux apparaissent, en effet, ici un peu avant, là un peu après le milieu du xive siècle  [53]. »

Mais remarquons que le mot « États » n’était pas encore prononcé, que cette convocation des Bourgeois, à Dinan, avait un caractère exceptionnel et qu’il est absolument erroné de croire qu’ils aient pris part à tous les Parlements généraux où leur présence n’est pas signalée. Rien n’autorise non plus à affirmer, comme on le fait couramment, que le « Parlement » n’était qu’une commission des États, semblable à la « Commission intermédiaire » du xviiie siècle. C’est ce que nous constatons en examinant les textes sur lesquels s’appuie l’histoire des États de Bretagne  [54].

Pendant le long règne de Jean IV (1364-1399), on ne trouve que trois sessions d’États. En avril 1380, un message adressé au Roi est scellé, outre les prélats, par deux barons « pour les barons et autres nobles et pour le commun de Bretagne ». Charles V s’empresse d’adresser sa réponse aux « prélats, clergé, barons, nobles hommes, villes et communes du pays de Bretagne », mais on ne peut savoir s’il reproduit fidèlement l’intitulé des lettres qu’il avait reçues  [55]. En 1389, on trouve à Nantes une assemblée plus sûrement authentique des « prélats, barons, chevaliers, écuyers et députés des chapitres et villes du duché  [56] ». En 1383, le comte d’Alençon, ayant fait appel d’une sentence du sénéchal de Rennes au Parlement de France, sans passer par le Parlement de Bretagne, Jean IV se plaignit et rappela au Roi que des lettres royaux d’un de ses prédécesseurs avaient accordé aux ducs quod hujusmodi applegiamenta de cetero nullatenus recipi [p. 403] permittemus  [57]. Le conseil du Roi répondit imprudemment que « aucuns pourroient dire que le Roy ne devroit avoir octroyé telles lettres au duc de Bretagne, qui touchent tout le pays, sans le consentement des barons, des prélats et des bonnes villes du pays ». Le duc répliqua en convoquant son Parlement général « des prélaz et des barons et d’aucunes villes du pays de Bretagne » (13-23 mai 1384, à Rennes), dont il fit valoir l’appui. Aussi réussit-il à faire céder le jeune roi alors sous le gouvernement du duc de Bourgogne. Les instructions remises aux ambassadeurs bretons envoyés en France à cette occasion contiennent quelques lignes sur le rôle du Parlement : pour juger les appels venant des cours ducales de Bretagne, le Duc, y dit-on, a accoutumé tenir le Parlement de Bretagne, de temps immémorial, « appelés les prélats, barons et autres des suffisants du pays », c’est-à-dire les sénéchaux et hommes de loi du conseil ducal ; d’autre part, la Bretagne ayant ses coutumes propres, toutes les fois qu’il en est débat ou qu’il est question de subside ou d’autre chose au profit du pays, le Duc convoque les « prélats, barons et commun dudit pays ». Ces instructions paraissent donc distinguer les sessions ordinaires, qui sont surtout judiciaires, et les sessions extraordinaires du Parlement, où se traitent les questions fiscales et politiques  [58]. Il en va de même de Guillaume de Saint-André quand il dit :

II [le duc] assembla prélatz et barons [p. 404]
Et les trois Estatz des Bretons ;
Et fit et tint maint Parlement
Où l’on faisoit maint jugement  [59]...

Ces institutions n’étaient encore qu’en voie de formation. Il est très remarquable, en effet, que le duc Jean IV, qui réunit, après la bataille d’Auray, un Parlement des « prélats et barons » à Vannes pour qu’ils lui accordassent un fouage sur leurs terres  [60], ne consulta pas les habitants des bonnes villes pour créer à la même époque des droits sur les « entrées et issues » de marchandises  [61]. Ils ne furent pas non plus réunis pour approuver le second traité de Guérande en 1381, mais les notables donnèrent leur ratification, chacun dans sa ville  [62].

Toutes les réunions du Parlement ou Parlement général sous Jean IV, en dehors des cas cités, furent les traditionnelles assises des prélats, barons et nobles  [63].

Le mot « États » n’avait pas toujours le sens que nous lui donnons. Quand Guillaume de Saint-André l’emploie, à propos de l’année 1381, c’est une rime à « prélats », et cela désigne les nobles de tous degrés par opposition aux grands barons. A cette époque se produisit, dans cette institution politico-judiciaire, un commencement de stabilisation : en 1382 apparaît le « Président de Bretagne » ou « Président en Parlement » ; en 1384 la plus ancienne session dont un procès-verbal, pour les affaires judiciaires, nous ait été conservé ; en 1398 on croit distinguer un corps de conseillers spécialement affectés aux questions judiciaires. Alors aussi le Parlement tend à se séparer du Grand Conseil ou, pour mieux dire, le Grand Conseil étant la réunion des prélats et barons délibérant sur toute question grave, au besoin plusieurs fois par an, et s’opposant au conseil ordinaire, qui suffit au Duc pour les affaires courantes, le Parlement n’est qu’un Grand Conseil plus solennel et dans lequel se traitent les affaires judiciaires. Il est en principe annuel, mais ce principe n’a pas toujours été respecté. Tous les nobles y prennent part. Enfin, plus large encore est le Parlement général, qui comporte convocation des trois Ordres. Il n’y a pas de séparation entre ces différents conseils, mais élargissement progressif, le plus large impliquant le plus étroit. Ainsi de même que le Parlement ordinaire a pour noyau le Grand Conseil, de même ce que j’appelle le [p. 406] Parlement général a pour noyau le Parlement ordinaire. Il faut d’ailleurs se garder d’introduire dans ces institutions une rigueur qui n’existait pas dans les faits. C’est au siècle suivant, sous Jean V, à partir de 1408, que le Parlement général prend le nom d’États, devient réellement une entité politique et l’un des rouages les plus considérables dans le gouvernement du duché  [64], développement qui s’explique par le progrès des villes à la même époque  [65].

B.-A. Pocquet du Haut-Jussé.

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Les faux États de Bretagne de 1315 et les premiers États de Bretagne

[1La Borderie, Histoire de Bretagne, t. III, p. 392 ; Marcel Planiol, la Très ?ancienne Coutume de Bretagne, p. 345, no 19 ; Ernest Texier, Étude sur la cour ? ducale et les origines du Parlement de Bretagne. Thèse de doctorat en droit, 1905, ?p. 89. La troisième partie a paru à part sous le titre : Des appels du Parlement de ? Paris au Parlement de Bretagne (Travaux juridiques de l’Université de Rennes, ?t. I, fasc. i, 1906, p. 128).

[2Dom Lobineau, Histoire de Bretagne, t. I, p. 298 ; t. II : Preuves, col. 464 ; ?Dom Morice, Histoire de Bretagne, t. I, p. 232 ; Preuves, t. I, col. 1252, et t. III, ?Préface, p. xv ; D’Argentré, Histoire de Bretagne, fol. 265.

[3Travers, Histoire civile, politique et religieuse de la ville et du comté de Nantes, t. I, p. 408.

[4Texier, ouvr. cité  ; D’Argentré, ouvr. cité, fol. 252.

[5On la trouve insinuée par un enquêteur royal en tête de son rapport sur la ?commune de Saint-Malo en 1308 : « Les evesques de Bretaigne ne leurs villes ?n’obéirent onques au duc de Bretaigne, ainchois convient d’obéir à nostre signeur ?le Roi. » La Borderie, ouvr. cité, t. III, p. 385.

[6Voir, entre autres, le compte (1306-1308) publié par La Borderie, Nouveau ? recueil d’actes inédits des ducs et princes de Bretagne, pièce XXVI, nos 62 et 92.

[7Archives nationales, J. 241 a, no 26.

[8Sur R. Rousselet, voir Mollat, la Collation des bénéfices ecclésiastiques sous ?les papes d’Avignon, p. 202 ; sur J. du Bois, Delachenal, Histoire des avocats au ?Parlement de Paris. On a même fait de Jean du Bois un avocat du Roi, à cause ?de son épitaphe : in parlamento Régis advocatus. Mais le tombeau étant en Bre ?tagne, il faut traduire : avocat au Parlement du Roi, par opposition au Parle ?ment, tout court, ce qui eût désigné le Parlement breton. Gallia christiana, ?t. XIV, col. 1056. Sur Alain de Lamballe, voir Lizerand, Clément V et Philippe ? le Bel, p. 134-137.

[9Gallia christiana, t. XIV, col. 929.

[10Mollat, Études et documents sur l’histoire de Bretagne, p. 43.

[11Ibid., p. 33.

[12Enquête à cette date. Dom Morice, Preuves, t. II, col. 1651.

[13Voir les réponses de Jean IV aux griefs du Roi, en 1394, « combien que le ?duché de Bretagne ait été autrefois royaume distinct sans connoissance de [p. 392] souverain ». Dom Morice, Preuves, t. II, col. 631. Voir aussi les instructions aux ambassadeurs bretons vers le Roi, sur les « droits royaux » du Duc, en 1384. Ibid., col. 458. L’auteur du Chronicon Briocense, contemporain de Jean IV, est, comme l’a montré M. P. de Berthou, imbu de ces idées et contribua à les propager. Dans une enquête instruite en 1392 sur les droits du Duc par les officiers de Jean IV un chevalier, âgé de quatre-vingts ans, déposa que son père, qui avait prêté hommage au duc Arthur III, mort en 1312, lui avait dit : « Beau fils, nos seigneurs les ducs sont princes et seigneurs souverains au duché de Bretagne... » Ibid., col. 595. Mais, au début du xive siècle, la chancellerie bretonne n’affichait pas ces prétentions.

[14Ibid., col. 633.

[15Actuellement E 59 et E 74 des archives de la Loire-Inférieure.

[16Ibid., E 56, n. 1.

[17Bourgneuf, N. C. 26.

[18Ibid., EC 15. Inventaire actuel, E 56.

[19Ouvr. cité, t. I, p. 408.

[20Bibl. nat., ms. français 5512, no 30.

[21Histoire de Bretagne, t. III, p. 402.

[22Dom Lobineau, Histoire de Bretagne, t. I, p. 302 ; Dom Morice, Preuves, ?t. I, col. 1281.

[23Études héraldiques, l’hermine, dans les Mémoires de la Société archéologique ?de Nantes, t. XXXII, 1893, p. 146. L’acte est tiré des archives de la Loire-Infé ?rieure, E, no 176. En 1316, la Saint-Nicolas était le lundi 6 décembre, l’acte ?serait donc du lundi 13.

[24Dom Morice, Ibid., col. 1236.

[25Pierre Hévin, Remarque XCVIII. Annotation où il est traité de l’assise du ?comte Geffroy, dans : les Arrêts du Parlement de Bretagne, livre autrefois célèbre ?et cité sous cette forme : Hévin sur Frain, t. II (1684), p. 545 et 546, 536 et 540. ?Hévin dit avec raison que Jean III porta l’échiqueté « pendant ses premières ? années », c’est-à-dire avant son avènement. C’est ce que prouvent des sceaux de ?Jean, vicomte de Limoges, fils aîné du duc Arthur (Douët d’Arcq, t. I, no 769, ?et t. II, no 4972), du 1er mai 1308 et du lundi 15 avril 1308 (et non 1300). D’après ? les numismates, Jean III conserva l’échiqueté dans ses monnaies. Dom Morice, ? Preuves, t. I, col. 979, cite un sceau de Jean III portant un écu chargé d’her ?mines ; il le date de 1310, ce qui est une erreur. Le sceau donne à Jean III le titre ?de comte de Richemont, que ce duc ne porta qu’à partir de 1334.

[26Dom Morice, Preuves, t. I, col. 41.

[27Voir P. de l’Isle du Dréneuc, les Tombeaux des ducs bretons, p. 20, ordon ?nance de paiement et quittance pour la grille du tombeau, 6 et 28 juin 1318 ; ? p. 27, il remarque que sur l’écusson d’Arthur II, dont le tombeau était à Vannes, ? « les hermines remplissent presque tout le chef de l’écu, sauf sur les côtés où appa ?raissent deux pièces de l’échiqueté de Dreux, mais fort allongées et semblables à ?des billettes ». Pol de Courcy, Notice sur des monnaies, dans la Revue numis ?matique, 1847, p. 44. Contrà : Rosenzweig, Répertoire archéologique du... Morbi ?han, col. 153 ; P. de Courcy, De Nantes à Brest (Collection des Guides Joanne), ? p. 42 ; P. de l’Isle du Dréneuc, ouvr. cité, p. 32.

[28Dom Morice, Preuves, t. I, col. 1177.

[29Du Paz, Histoire généalogique, p. 158.

[30Blanchard, Actes et mandements de Jean V, t. I, p. xxxiv.

[31Étude historique sur les neuf barons de Bretagne, 1895, et Histoire de Bretagne, t. IV, p. 386-392.

[32Dom Morice, Preuves, t. II, col. 1560. Nulle mention de cette parenté dans [p. 397] les lettres solennelles de donation de la châtellenie de Pontcallec par Jean III au sire de Derval, en novembre 1332. Ibid., t. I, col. 1359.

[33Voir notamment les constitutions de Jean V, du 12 février 1425, article 27, et celles de François II, du 14 juin 1462, article 18. Planiol, ouvr. cité, p. 398 ?et 442.

[34Enquête de 1455. Dom Morice, Preuves, t. II, col. 1651. Il y eut une autre ?enquête sur le même sujet ordonnée par Pierre II et confiée à Bertrand de Ros ?madec et autres. Archives de la Loire-Inférieure, E 59.

[35B. Pocquet, t. IV, p. 434 de l’Histoire de Bretagne, commencée par La Bor ?derie.

[36Texier, ouvr. cité, p. 140, n. 1.

[374 avril 1464. Mandement de François II : « A noz amez et féaulx conseillers ?l’abbé de Bégar, maistre Pierre Chauvin, nostre aumosnier, noz sénéchaulx de Rennes, de Nantes, de Vennes et de Triguer, nostre procureur général, messire Jehan Duhoux, docteur, maistre Jehan Lebailly et Alain Lemoult, maistres de ?noz requestes... Gomme... soit nécessaire que nous soïons informés... de la fon ?dation de chacunne des églises de nostre païs... de l’estât et manière comment ?le temporel de chacune desdites églises, tant cathédrales, collégiales, conven ?tuelles que aultres de nostre païs doit estre et a esté traité et gouverné ou temps ?passé, et quelle obéissance et recongnoessance les gens d’églises, tant évesques, chapitres, abbés, prieurs que aultres gens d’église en ont fait en l’endroit de cha ?cun de nos prédécesseurs », le Duc prescrit d’en enquérir « par les livres anciens, martirologes, croniques et aultres vieilles escriptures d’icelles églises, par tés ?moins dignes de foy et par touz aultres moiens. » Archives de la Loire-Inférieure, ?B 3, fol. 44. Communication très obligeante de M. Emile Gabory. — L’inven ?taire dit de Turnus Brutus (Bibliothèque de Rennes, ms. 2544, anc. 318) cite dans ?le Registre de la chancellerie ducale de 1491 (n. st.), fol. 21-24, 1’ « obéissance et serment de fidélité que doivent les évêques et abbés aux ducs et duchesse, et jusqu’à ce ne doivent entrer en jouissance et possession desdits évêchés et ?abbayes... ».

[38Henri Hervieu a démontré la fausseté des prétendus États généraux français de 1315 et de 1328, mais ils s’appuyaient sur des documents tardifs ou mal interprétés, non sur des faux. Recherches sur les premiers États généraux, p. 184 et 204.

[39Inventaire de Bourgneuf, FB 18 (et non FA 18, comme dit Dom Morice).

[40La Borderie, Histoire de Bretagne, t. III, p. 383.

[41Dom Morice, Preuves, t. I, col. 1218.

[42Il remplissait cette charge le 25 juin 1332. Dom Morice, Preuves, t. I, col. 1359.

[43Le 18 février 1310, Clément V confère un canonicat de Léon à un neveu de Guillaume de Baden, « familiaris et nuntii nobilis viri Arturi ducis Britanniae ». Il n’est plus question du « peuple ». Registres de Clément V, t. V, no 5319.

[44Toujours placé jusqu’ici en 1315. Cependant, il est attesté par un compte du 30 juin 1315, qui relate également la campagne de Flandre, laquelle eut lieu en août 1314 et très probablement à l’occasion de laquelle le Parlement fut convoqué. Lobineau cite un Parlement à Dinan en novembre 1313 (Histoire, t. I, p. 298), mais sans indiquer sa source.

[45Dom Morice, Preuves, t. I, col. 1245.

[46Ibid., col. 112.

[47Ibid., col. 1335, et Gallia christiana, t. XIV. Instr., col. 185.

[48Archives du Vatican. Reg. vat. 104, ep. 1504.

[49Ces textes sont dans l’Histoire de Bretagne de La Borderie, loc. cit.

[50La Borderie, dans son Étude sur les neuf barons, a relevé plusieurs sessions du Parlement : en 1201, consilium episcoporum et aliorum magnorum virorum de Britannia  ; en 1205, cum assensu et consilio episcoporum, baronum et vavassorum et aliorum hominum nostrorum Britanniae  ; en 1240, ad petitionem episcoporum, abbatum, baronum et vassalorum  ; en 1289, « plein Parlement général » à Nantes. ?Dom Morice. Preuves, t. I, col. 1084.

[51Jean le Bel, éd. Viard et Desprez, p. 248. La Chronographia regum franco ?rum (éd. Moranvillé, t. II, p. 167) est encore plus succincte. Il faut aller chercher ?la troisième rédaction de Froissart, postérieure à 1400, le manuscrit de Rome, pour essayer de prouver la présence des bourgeois du duché : « A celé feste vinrent des chités et des bonnes villes de Bretagne les consauls et les hommes qu’il avoit créés et pourveus en office », éd. Luce, t. II, p. 269 ; voir, p. 88, la première version, d’après Jean le Bel. Dom Plaine, Histoire du bienheureux Charles de Blois, dans les Monuments du procès de canonisation, p. 493.

[52Dom Morice, Preuves, t. I, col. 1486 et 1510. En août 1348, le roi d’Angle ?terre ayant accordé une trêve à Jeanne de Penthièvre, lui demande de la faire [p. 402] ratifier par le Parlement ordinaire : Episcopos, Barones et Banerettos. Preuves, col. 1463.

[53Ch. Hirschauer, les États d’Artois, p. 13, n. 5. En Artois, cette date est 1330 ; ?en Bourgogne, 1356. Cf. Jos. Billioud, les États de Bourgogne aux xive et ?xve siècles.

[54La Borderie, Histoire de Bretagne, t. IV, p. 116 et 254.

[55Dom Morice, Preuves, t. II, col. 285. Ces lettres ne portaient ni sceaux ni signatures de bourgeois. Il en est de même des lettres adressées à Jean IV le 4 mai 1379 au nom des « chevaliers, escuiers, bourgeois, bonnes villes et dou ?commun estat » et qui ne portent que les sceaux de quelques barons et nobles. La Borderie, Histoire de Bretagne, t. IV, p. 50.

[56Ibid., t. I, col. 557.

[57C’étaient les termes des lettres de Louis X, de mars 1315, article 10 de l’éd. des Ordonnances, et dans Dom Morice, Preuves, t. I, col. 1261.

[58Dom Morice, Preuves, t. II, col. 459, procès-verbal du Parlement de 1384.? Ibid., col. 456, instructions aux ambassadeurs ducaux. Elles développent longue ?ment la théorie des « droits royaux » des ducs. Elles contiennent un paragraphe, peut-être interpolé, car il est en contradiction avec le reste, et qui est comme une ébauche du faux acte de 1315. On le trouve col. 458, 1. 6-19 : « Au prince de Bretagne appartient la jouissance des régaires... et sont lesdits prélats membres des parlements et états du duché. » Ces instructions n’étaient pas conservées dans le registre de la Chambre des comptes, où les Bénédictins ont trouvé le procès-verbal du Parlement. Ajoutons que les gens du Duc, qualifiés par ceux ?du Roi « sages et expers », se gardèrent de dire mot des « droits royaux » des ducs et traitèrent seulement la question de procédure. Voici la chronologie de l’affaire qu’il est intéressant de préciser, car les instructions citées sont sans date : 28 décembre 1383, lettres d’aplègement délivrées par la cour du Roi au comte ?d’Alençon ; Paris, février 1384, le Duc étant à Paris, le Roi repousse sa réclamation ; Jean IV part en hâte, laissant à Paris son chancelier, l’évêque de Vannes ; celui-ci persiste à demander la révocation des lettres royaux, ce qui lui est refusé ; [p. 404] le comte d’Alençon obtient des lettres d’ajournement contre le Duc et le sénéchal de Rennes à comparoir le 2 juin 1384 devant le Parlement royal ; 31 mai 1384, réception des ambassadeurs bretons par le Roi à Paris ; ils ont ensuite une conférence avec le conseil, en l’hôtel du chancelier et en présence du duc de Bourbon ; le conseil demande trois jours pour délibérer et adresse un mémoire au Roi, qui est à Melun avec le duc de Bourgogne (en effet, Charles VI, qui était encore à Paris le 31 mai, en partit le 1er juin pour Melun, où il résida du 3 au 21 juin) (E. Petit, Séjours de Charles VI, dans le Bulletin du Comité des Travaux historiques, 1893, p. 422-424) ; on trouve ensuite des lettres du Roi révoquant l’aplègement. Elles ne sont ni datées, ni signées, ni scellées et n’ont que la valeur d’une minute ou d’un projet (Arch. nat., J 243, no 70, première réponse du conseil ; no 69, son mémoire au Roi ; J 240, no 29, projet de lettres). Voir Dom Lobineau, Histoire de Bretagne, t. I, p. 449.

[59Dom Morice, Preuves, t. II, col. 369.

[60Voir lettres de non-préjudice accordées au sire de Laval, 25 février 1366, et à l’abbé de Redon, 3 juillet 1366. Dom Morice, Preuves, t. I, col. 1604 et 1606 (même texte), et 1608.

[61Voir lettres de non-préjudice à l’évêque de Quimper, 11 et 12 août 1365. Dom Morice, Preuves, t. I, col. 1603 et 1606 ; à l’évêque de Saint-Malo, le 20 juin ?1365 : Ibid. col. 1602.

[62Dom Morice, Preuves, t. II, col. 273-280.

[631379, 9 août, à Dinan « grant conseil où ont esté grant partie des barons et ?autres nobles de Bretaigne ». Ce sont les termes mêmes de Du Guesclin. Ibid., col. 225. — 1380, 10 janvier, « avisement et conseil et consentement des barons, chevaliers et autres de nostre alliance... au nom de nous, de noz barons, chevaliers et autres de nostre duché qui sont de nostre alliance », dit le Duc. Ces alliés sont les seigneurs qui s’étaient obligés envers le Duc par un serment spécial de fidélité, comme on en voit de nombreux exemples dans le ms. fr. 2709 de la Bibl. nat. D. Morice, Ibid., col. 236. —1381, juillet ou août, Guillaume de Saint-André s’exprime ainsi (Ibid., col. 356-357) :

« ... Lors fist mander tous ses prélatz [p. 405]
Et ses amis de tous estatz
Pour avoir conseil et avis
O ses barons, o ses amis,
Et fist assembler les prélatz,
Abbés et clers de tous estats,
Barons, chevaliers, escuiers... »


— 1384, 13-23 mai, « Parlement général ». Preuves, col. 1654 et col. 459-465. — 6 mars et jours suivants, Parlement semblable. Ibid., col. 459-465. — 14-19 mai. Parlement semblable. Des causes sont remises au parlement ?suivant. Ibid., col. 513-525. — 1387, vers le 29 juin, parlement des prélats et barons. Chronicon Briocense, Ibid., col. 59. — 1395, 10-26 août. Parlement. Ibid., col. 649-655. — 1396, 26 février, « grand conseil » des « prélats et barons ». Ibid., col. 661. — 1398, 9-17 septembre. Prélats, barons et « chevaliers et escuyers à grand foison ». Le chancelier cite le « derrain parlement tenu en août l’an 1395 », comme si le Grand Conseil réuni en 1396 ne comptait pas comme session judiciaire. Ce Parlement, le dernier de Jean IV, entendit de belles déclarations de ce duc, sur le devoir de justice, en installant un nouveau président. Ibid., col. 686-689. En janvier 1394, la paix conclue entre Jean IV et le connétable de Clisson devra être jurée « des prélatz, barons, chevaliers et gens no ?tables ». Ibid., col. 624.

[641408, 14 décembre, à Vannes, « prélats, barons, nobles et autres gens des trois états..., prélats, barons et autres nobles et gens des trois états... Présents... nobles et gens des bonnes villes en très grand nombre ». Dom Morice, Preuves, t. II, col. 815-816. — 1420, 23 février, à Vannes, la duchesse convoque « tous les états du pays de Bretagne... auquel jour se rendirent les évêques,... les barons,... les chapitres, chevaliers, écuyers et les gens des bonnes villes ». Ibid., ?col. 999-1001. — 1422, 31 décembre, à Dinan, le duc convoque « prélats, clergé, ?barons, chevaliers, écuyers et autres états de son pays,... lesquels prélats, chapitres, barons, chevaliers, écuyers et gens des bonnes villes sont venus... et ont lesdits Estats supplié, etc..., lesdits Etats, en l’absence de notre dit seigneur garderont et défendront le pays ». Ibid., col. 1126. Inutile de dire que nos conclusions sont différentes de celles de M. de Carné, dans son livre, sur les États de Bretagne, 2e éd., 1875 ; de M. Bellier-Dumaine, dans l’Administration de Jean V (Annales de Bretagne, t. XIV) ; et de M. Trévédy, dans l’Organisation judiciaire de la Bretagne avant 1790 (Nouvelle Revue historique de droit, t. XVII, p. 207). M. Ernest Texier a bien reconnu, au contraire, que « le Parlement, cour ?suprême de justice, s’est dégagé peu à peu de la curia ducis », dans son Étude sur la cour ducale, p. 19.

[65Comme le prouvent le grand nombre de mandements ducaux octroyés par Jean V aux villes dans le premier quart du xve siècle. Planiol, la Très ancienne coutume..., p. 369-372, 400, etc. — Je remercie M. l’abbé Bourdeaut des obligeantes vérifications qu’il a bien voulu faire pour moi à Nantes.