Tudchentil

Les sources sur les gentilshommes bretons

L'histoire de Keroulas

Du Moyen Âge à nos jours

Par la famille de Keroulas.

Depuis le Moyen-Âge, le berceau de la famille de Keroulas se trouve au manoir de Keroulas à Brélès, en Pays de Léon. Plus de 6 siècles et près de 20 générations plus tard, cette belle demeure du XVIIe siècle est toujours la résidence de descendants de la famille.

Le manoir de Keroulas conserve de précieuses archives dont les plus anciennes datent de la fin des années 1300. Elles ont permis de remonter aux périodes les plus reculées de l’histoire familiale.

Le nom de famille de Keroulas s’est éteint en Pays de Léon au XVIIIe siècle. Les Keroulas d’aujourd’hui descendent de Ronan Mathurin de Keroulas (1730-1810) qui s’installe vers 1764 au manoir de Tal ar Roz au Juch près de Douarnenez. Sa nombreuse postérité estimée à plus de 5.000 personnes a surtout essaimé au Juch et dans les communes environnantes.

Ce beau livre illustré, travail collectif de plusieurs enfants de la famille, vous invite à plonger dans la destinée des Keroulas, à suivre son évolution au fil des siècles et à découvrir de nombreux épisodes parfois très surprenants.

Le livre est en vente chez l’éditeur aux éditions Récits au prix de 35 €.

Tudchentil a 20 ans !

De septembre 2002 à septembre 2022, 20 ans se sont écoulés.
Pour fêter cet anniversaire particulier, nous appuyons sur
l'accélérateur et publierons plus de 25 articles ce mois-ci !

Merci de votre fidélité et de votre soutien pour les 20 prochaines années !

Bonne année !

Joyeux Noël et bonne année !

Soutenez Tudchentil, en 2021, adhérez à notre association !

La Nativité tirée d'un livre d'heures à l'usage de Saint-Malo, © Bibliothèque Rennes Métropole, ms. 1510, f. 37, détail.

Manoir du Vaumadeuc, en Pléven, possédé à l'origine par les Madeuc, seigneurs du Gué-Madeuc (XV-XVIIe siècles).
Photo A. de la Pinsonnais (2005).

1297 : La Bretagne de Jean II devient un duché de France

Dimanche 28 juin 2009, par Frédéric Morvan.

Adhérez à Tudchentil !

Notice d'adhésion 2023 à Tudchentil, à remplir et à envoyer avec votre chèque au siège de l'association.

Catégories de l'article

Source

Le Télégramme de Brest, dimanche 24 et lundi 25 décembre 2000.

Citer cet article

Frédéric Morvan, 1297 : La Bretagne de Jean II devient un duché de France, 2009, en ligne sur Tudchentil.org, consulté le 18 mars 2024,
www.tudchentil.org/spip.php?article562.

Cet article est la propriété exclusive de son auteur.

En 1297, le roi de France, Philippe IV le Bel fait de son vassal Jean II de Dreux, duc de Bretagne et pair de France. L’administration royale considérait jusque là la Bretagne comme un comté parmi tant d’autres. Cela fait déjà pourtant bien longtemps que les souverains de Bretagne s’était revêtus du titre de duc de Bretagne, titre reconnu par le pape et le roi d’Angleterre. Alors pourquoi ce changement d’attitude de la part du roi de France ?

Jean II le magnifique

Jean II de Dreux, né le 4 janvier 1239 est un très riche seigneur, lié étroitement aux rois de France et d’Angleterre. Si par son grand père, Pierre de Dreux, il est membre d’une des branches cadettes de la dynastie capétienne et détenteur de biens champenois, il possède en 1288 grâce à son père Jean Ier le Roux des domaines bretons étoffés et bien gérés. Sa mère, Blanche, fille du comte de Champagne et roi de Navarre lui amène une grande partie du Perche, des droits financiers en Champagne, mais surtout elle est la tante de la reine de France, épouse de Philippe le Bel. Jean II se marie à vingt ans, en 1259 avec Béatrix, fille d’Henri III, roi d’Angleterre qui lui restitue l’ "honneur" de Richemond (un très important ensemble de domaines en Angleterre). Enfin, La vicomté de Limoges entre pour longtemps dans la maison de Bretagne par le mariage en 1284 de son fils aîné et héritier, Arthur avec Marie de Limoges.

Jean II continue la politique de sa famille en imposant son autorité à la Bretagne et aux Bretons. Malgré la colère des évêques bretons, il les oblige à renoncer à deux de leurs ressources les plus lucratives : le tierçage ou le prélèvement du tiers des biens du père de famille décédé et le past nuptial qui est la redevance égale aux frais d’un repas de noces due aux prêtres par les mariés. La noblesse ne bouge pas. Les plus grands seigneurs bretons, comme Hervé de Léon et Henri d’Avaugour se sont retirés à la cour de France et ne protestent que faiblement lorsque Jean II enlève à leur famille les importants vicomtés de Léon et de Dinan.

Jean II s’appuie pour les museler sur ses hommes et sur ses châteaux. Un nouveau personnel administratif efficace lui devant tout est mis en place. Il fait restaurer et agrandir les enceintes urbaines de Vannes, de Nantes, de Rennes, les châteaux d’Hédé, d’Auray, de Lehon, de Lamballe, de Guingamp, de La Roche-Derrien et de Suscinio, sa résidence préférée. Il est aussi intouchable car auréolé de la gloire des croisés pour avoir suivi son père et saint Louis à Tunis lors de IXe croisade, puis son beau-frère Edouard d’Angleterre en Syrie.

Jean II, un prince indispensable au roi de France

Sa puissance le met au cœur du conflit franco-anglais. En 1293, les marins normands, sujets du roi de France coulent en se rendant en Aquitaine quatre-vingt navires anglais et bayonnais, sujets du roi d’Angleterre, duc de Guyenne. Au retour vers les ports normands, au large des côtes bretonnes, ils sont écrasés par la flotte d’Edouard Ier. Philippe le Bel réplique en confisquant le duché de Guyenne le 19 mai 1294. L’engagement de la Bretagne dans le conflit est alors essentiel pour chaque camp. La Bretagne peut être un obstacle à la liaison maritime entre l’Angleterre et l’Aquitaine ou tout au contraire, une base de ravitaillement et de protection face aux navires pro-français. Jean II devrait pencher pour l’Angleterre. Il est titulaire du riche "honneur" de Richemond et surtout, son fils cadet Jean qui vit auprès de son oncle, le roi d’Angleterre est nommé par celui-ci chef du corps expéditionnaires anglais en Gascogne en juillet 1294.

Pourtant, le prince breton ne paraît pas avoir voulu s’impliquer dans cette querelle. Il préfère asseoir sa neutralité en montrant sa force. Il fait comptabiliser les devoirs de ses vassaux directs bretons assemblés à Ploërmel à la mi-août 1294 (de cet événement, il ne reste que le Livre des Ostz). Au total, il pourrait compter sur 165 chevaliers d’ost, soit, si l’on considère que chaque chevalier était entouré de dix à quinze hommes d’armes, environ de 1650 à 2470 cavaliers. Le roi de France de ses domaines pouvait en aligner de 4 à 5 000. Mais, la Bretagne n’est pas aussi riche que la France.

Cette démonstration de force ne sert à rien. Son fils cadet, Jean ne parvient à conserver pour l’Angleterre que Bordeaux et Bayonne. Le comportement des Anglais est tel que son père abandonne sa neutralité et se tourne vers la France. Les Anglais, en effet, ont pillés au début 1295 l’abbaye de Saint-Mathieu de Fineterre. Ils ont remonté l’Elorn, pillé Landerneau, détruit le port de l’abbaye de Landévennec, Saint-Guénolé-des-Bois. Jean II réagit vivement en permettant au vicomte d’Avranches, officier du roi de France d’enquêter, en mai 1296, dans toutes les villes du nord de la Bretagne sur le trafic marchand avec les anglais. Quelques étrangers seront inquiétés. Puis, il accompagne le roi de France dans son expédition contre le comte de Flandre, allié du roi d’Angleterre.

En récompense de ses services, au siège de Lille, en septembre 1297, le roi érige en duché-pairie héréditaire la Bretagne. La pairie n’est pas aussi honorifique que certains historiens bretons le pensaient. Elle confère au duc de Bretagne une place éminente dans le royaume et en fait un des éléments constitutifs de l’Etat. Il devient un des plus importants vassaux directs du roi (au même rang que le duc de Bourgogne ou le comte d’Anjou). Le pair de France soutient la couronne du roi au-dessus de la tête du roi. Lors de la grave crise de succession qui secoue le royaume de 1317 à 1328, le duc de Bretagne se doit de dire son mot dans la nomination du nouveau roi. En matière judiciaire, il se doit d’être présent pour renforcer l’autorité du jugement et surtout lorsqu’un litige mettait en cause un autre pair.

Jean II, maître de son duché

Les honneurs pleuvent sur la maison de Bretagne. Philippe le Bel offre la main de sa nièce, Isabelle de Valois (qui apporte en dot La Roche-sur-Yon) au petit-fils du nouveau duc (février 1297). La même année, une convention est passée avec le roi : les habitants de Bretagne ne peuvent plus faire appel auprès du roi des sentences du duc. L’action de la justice royale en Bretagne est très limité. En 1302, le duc obtient que le roi n’intervienne plus dans ses démêlés avec les moines de Marmoutiers. La Bretagne et son duc sont totalement absents des registres royaux de cette époque, le duc ne pouvant être convoqué à Paris que pour faits graves, dénis de justice et haute trahison.

Jean II n’est pas présent à la bataille de Courtrai (11 juillet 1302) où la fine fleur de la noblesse française est décimée par les marchands flamands révoltés. Il se place en position d’arbitre dans les plus graves affaires du royaume car il a souvent la confiance de toutes les parties. Il est désigné par le roi en tant qu’arbitre dans ses différents avec le pape Boniface VIII lors de deux médiations. Il négocie la paix avec le roi d’Angleterre en 1303. L’année suivante, il participe en prince quasi indépendant, de par sa propre volonté à la bataille de Mons-en-Pévèle (18 août 1304) et contribue à souscrire au traité de paix du 14 septembre avec les Flamands.

Le décès du duc est particulièrement spectaculaire. Pour régler ses différents avec l’épiscopat breton, il décide en 1305 d’aller trouver le nouveau pape Clément V. Il part vers Lyon entouré d’une partie de son entourage, quatre-vingt-dix personnes. Le pape revenait de l’église Saint-Just de Lyon où il avait été sacré, les reines de sa monture étaient tenus par Charles de Valois et par Jean II. Au moment où le cortège passait dans une rue, le mur sur lequel une foule de gens était montée pour voir passer le pape s’écroula subitement, renversant le pape. Le duc est enseveli sous les décombres. Il expire quatre jours plus tard, 18 novembre des suites de ses blessures. Son corps est enfermé dans un sac de cuir, placé dans un cercueil de plomb et ramené en Bretagne en grande pompe pour être inhumé dans les Carmes de Ploërmel qu’il avait fondé.

Dans l’éventualité de sa mort, en septembre 1302, il avait fait son testament qui est spectaculaire tant par sa forme, un mètre carré de parchemin que par son fond. Les donations se comptent par dizaines. Il ordonne de payer ses dettes et de réparer les torts que lui ou ses agents ont pu causer. Il lègue 30 000 livres pour monter une nouvelle croisade et ordonne à ses héritiers d’en prendre le commandement. Il laisse aux religieux et aux pauvres de ces terres d’importantes sommes. Il peut se le permettre. Le Trésor ducal est abondant. L’inventaire qui est fait énumère tout ce qui se trouvait dans la Tour neuve de Nantes (l’actuel château), à Suscinio et à Longjumeau (sa résidence parisienne). On trouve au total pour 166 000 livres d’argent, de bijoux et de pièces d’orfèvrerie (soit environ dix ans de recettes du duché de Bretagne ou encore plus de onze tonnes d’argent pur).

Ses successeurs héritent d’un duché puissant, riche et bien géré, exempt de toutes interventions de ses voisins français et anglais. Il faudra attendre la mort de Jean III en 1341 et la querelle entre son frère Jean de Montfort et leur nièce Jeanne de Penthièvre pour retrouver l’ingérence anglaise et française dans les affaires du duché. La dignité de pair de France a permis au roi de France d’exclure Jean de Montfort de la succession au trône de Bretagne. Edouard III d’Angleterre a alors soutenu le perdant. La sanglante et ruineuse guerre de succession de Bretagne commence.