Tudchentil

Les sources sur les gentilshommes bretons

L'histoire de Keroulas

Du Moyen Âge à nos jours

Par la famille de Keroulas.

Depuis le Moyen-Âge, le berceau de la famille de Keroulas se trouve au manoir de Keroulas à Brélès, en Pays de Léon. Plus de 6 siècles et près de 20 générations plus tard, cette belle demeure du XVIIe siècle est toujours la résidence de descendants de la famille.

Le manoir de Keroulas conserve de précieuses archives dont les plus anciennes datent de la fin des années 1300. Elles ont permis de remonter aux périodes les plus reculées de l’histoire familiale.

Le nom de famille de Keroulas s’est éteint en Pays de Léon au XVIIIe siècle. Les Keroulas d’aujourd’hui descendent de Ronan Mathurin de Keroulas (1730-1810) qui s’installe vers 1764 au manoir de Tal ar Roz au Juch près de Douarnenez. Sa nombreuse postérité estimée à plus de 5.000 personnes a surtout essaimé au Juch et dans les communes environnantes.

Ce beau livre illustré, travail collectif de plusieurs enfants de la famille, vous invite à plonger dans la destinée des Keroulas, à suivre son évolution au fil des siècles et à découvrir de nombreux épisodes parfois très surprenants.

Le livre est en vente chez l’éditeur aux éditions Récits au prix de 35 €.

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Cathédrale de Nantes, armes de la Bretagne.
Photo A. de la Pinsonnais (2007).

Un armorial breton du XVIIe siècle (1/4)

Mardi 5 août 2008, texte saisi par Amaury de la Pinsonnais.

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Revue Historique de l’Ouest, 1885, Mémoires, p. 433-445.

Citer cet article

Revue Historique de l’Ouest, 1885, Mémoires, p. 433-445, 2008, en ligne sur Tudchentil.org, consulté le 11 avril 2024,
www.tudchentil.org/spip.php?article516.

Ce document est composé de deux parties distinctes. La première est l’étude extraite des Notices et Mémoires de la Revue Historique de l’Ouest, 1885, décrivant le manuscrit original. La seconde, qui suivra, est un extrait de ce manuscrit, précédé d’une introduction, et est tirée des volumes Documents de la même revue, pour les années 1888 et 1889.

Une récente réédition (2004) n’a pas daigné reproduire l’étude et est allée jusqu’à supprimer l’introduction et tout l’apparat critique, parvenant au passage à attribuer une fausse date de parution à cet extrait de l’armorial (!). Or, l’étude permet de replacer la rédaction du manuscrit dans son contexte, et nous donne avec la présentation de 1888 les clefs permettant de lire et de comprendre les notices publiées. Enfin, cette réédition de 2004 a introduit plusieurs erreurs de copie (notamment sur des dates ; 1368 devient 1168, 1413 devient 1113, etc) et a même un peu tronqué quelques notices. Il nous a donc semblé utile de republier l’ensemble, étude, présentation et armorial, avec apparat critique du vicomte du Breil de Pontbriand, dans sa version originale [1].


Le recueil nobiliaire que nous proposons de faire sommairement connaître aux lecteurs de cette Revue est resté, croyons-nous, à peu près ignoré jusqu’à ce jour ; on ne le trouve, du moins, signalé ni dans la Bibliothèque historique du P. Le Long, ni dans les catalogues de la Bibliothèque nationale, de la Bibliothèque de l’Arsenal et de la Bibliothèque de Rennes. Vénérable par son âge deux fois centenaire, et curieux, d’ailleurs, à plus d’un égard, il tire peut-être son plus grand intérêt du nom et de la situation de son auteur ; nul doute, en effet, pour nous, qu’il n’ait été écrit sous la direction et en partie de la main de Messire Louis de la Bourdonnaye, seigneur de Coëtion [2], conseiller au parlement de Bretagne, l’un des commissaires à la réformation de 1668-1671, comme il ressortira des quelques détails préliminaires qui trouvent ici leur place naturelle :

Le manuscrit que nous avons exhumé, par un heureux hasard [3], d’un coin inexploré de bibliothèque, forme quatre volumes in-4° de 450 à 700 pages chacun. Ce n’est pas un original, mais une copie de deux ouvrages distincts, dont le premier nous occupera seul aujourd’hui, copie faite avec un grand scrupule d’exactitude, additionnée de nombreuses remarques relatives au texte transcrit, et signée D.M., initiales qu’il faut lire de Miniac, comme il résulte d’une note, où le copiste nous apprend qu’il était fils de Pierre-Marie de Miniac, sieur de la Rabaudière en Dommagné, avocat au parlement de Bretagne, et d’Anne-Yvonne-Elizabeth le Bouhellec, morts, le premier, en mai 1769 et la seconde en 1767. L’oeuvre de M. de la Bourdonnaye est renfermée dans les deux premiers volumes et comprend deux parties, traitant, l’une des familles maintenues à la réformation, l’autre des interloqués et des déboutés.

M. de Miniac prend soin de nous dire qu’il a commencé son travail de transcription le dimanche 14 juin 1785 et l’a terminé le 18 mars 1786, sur un manuscrit dont il nous donne ainsi la description : « Assez gros livre ou registre in-folio, couvert en parchemin, composé de grand papier commun, coupé. » Les 27 premières pages de ce registre, nous dit-il ensuite, étaient étrangères à notre armorial et portaient cet intitulé : « Papier d’arithmétique pour servir à V. et D. (vénérable et discret) missire Jean Mahé, prieur de Launay à Rennes et sous-diacre de l’église de Saint-Sauveur. May 1663. » On y lisait, en effet, quelques règles de mathématiques suivies de cette mention : « Ce jour 30 janvier, jay commencé à monstrer au petit René de la Bourdonnaye-Cotion (sic), 1668. » D’après la comparaison attentive des écritures, notre copiste ne doute pas que messire Jean Mahé ne soit bien le même que le précepteur du jeune La Bourdonnaye et le même également qui, dans la suite, a le plus souvent prêté sa plume au seigneur de Coëtion. Celui-ci, en effet, est bien le véritable rédacteur de l’ouvrage ; car, en relatant les arrêts de la Chambre, lui seul, quand il s’agit d’un rapport fait par M. de la Bourdonnaye, a pu dicter des indications comme celle-ci : « A mon rapport ; » quelquefois même, pour dissiper toute incertitude : « A mon rapport, Couétion. » Du reste, M. de Miniac relève de très nombreuses surcharges et additions, dont l’écriture est différente de celle du corps des articles, et il n’hésite pas à les attribuer à la propre main de M. de la Bourdonnaye ; nous croyons que son sentiment n’a pas besoin d’être plus amplement justifié ; ajoutons seulement qu’il note encore une troisième écriture différente des deux autres, dans laquelle il croit reconnaître celle de M. de Langle, seigneur de Kermorvan, autre commissaire à la Réformation. Cette écriture, en effet, paraît invariablement et exclusivement dans des notes ainsi conçues : « Langle dit... » « M. de Langle met... » Exemples : « Langle dit : Pauvre gentilhomme. » « M. de Langle met deux fleurs de lys d’or en chef. » Cette collaboration très probable, mais toutefois restreinte à quelques notes, ne ferait qu’ajouter à l’intérêt du travail qui nous occupe.

L’ouvrage avons-nous dit, est divisé en deux parties ; la première [4] porte ce titre un peu prolixe :

Registre pour être inscripts (par ordre des arrest donnés par MM. les Conseillers et Présidens eslus par Sa Majesté pour la Réformation de la noblesse) ceux qui seront maintenus dans les qualités par eux prétendues dans la chambre de la Réformation.

On voit déjà que ce registre fut ouvert à la première heure de la Réformation, et écrit au jour le jour « par ordre des arrest [5], » à l’exclusion par conséquent de tout ordre alphabétique ; il en résulte que les familles qui ont eu des arrêts séparés pour leurs différentes branches, sont aussi l’objet de plusieurs mentions. Quant à la disposition générale des articles, nous ne pouvons mieux en donner une idée qu’en citant d’abord quelques-uns des plus simples :

« Du 21e aoust 1670. - M. Denyau rapporteur.
« Dame Anne de Gourvinec, mère et tutrice de Jean-Yves d’Espinay, sr de Beauchesne ; François et Pierre d’Espinay, sr de Grandbois, demeurant à Beauchesne, ressort de Vannes, paroisse d’Elvain ou Elven : D’argent à un lion coupé de gueules et de sinople, armé, lampassé et couronné d’or... Ecuyers d’ancienne extraction. »
« Du 20e mars 1671. - M. Barrin rapporteur.
« Urbain d’Espinay, marquis de Vaucouleurs, évêché de Saint-Malo, ressort de Rennes, demeurant en son château d’Yvignac, paroisse dudit lieu ; Antoine d’Espinay, sr dudit lieu, son fils, demeurant en son château du Chalonge-Tréveron ; Gabriel, marquis d’Espinay, fils aisné d’autre feu Gabriel, fils aisné dudit sr de Vaucouleurs, aussy demeurant sous le ressort de Rieux [6]. Les tous chevaliers. D’argent, au lion, etc. »
Ainsi l’auteur se borne souvent à donner la date de l’arrêt, le nom du rapporteur, la qualité sous laquelle furent maintenus les induisants, le ressort de leurs principales terres, enfin leurs armes ; mais, le plus ordinairement, ce cadre reçoit des développements qui méritent surtout de fixer notre attention ; ce sont quelquefois des fragments de généalogies, plus souvent, un énoncé des principaux titres sur lesquels furent basés les arrêts de la Chambre, et l’on comprend la valeur qu’offre, à cet égard, le témoignage d’un homme qui a vu passer sous ses yeux les chartriers de toutes les familles ; il relève particulièrement, et avec raison, les partages nobles et l’attache aux anciennes Réformations, comme on le voit dans les extraits qui suivent :

« Il y a eu des copies tirées des archives de l’abbaye de Rillé de l’an 1100 et 1200, et même des originaux de l’an 1200 et 1300.
« Ont produit des actes de 1230.
« 1389. Il y a un acte où l’on prend la qualité de seigneur féal... 1466 ou 1456, un évêque de Léon et (un) évêque de Dol ; ce dernier n’est prouvé que par une épitaphe du siècle de 1500. - Réformations de 1426, 1443, 1535. - 1546 et 1467, un partage où est employée la qualité de noble écuyer dans le siècle de 1400.
« Réformation de 1426 ou 1427, 1513, 1535 noble, 1447 noble écuyer. Partage à viage de 1478.
« Aucun acte relevé au-dessus du noble ordinaire.
« N’a produit que depuis 1480 et devant le présent siècle rien que noble homme et maistre.
« Ceux de son nom auxquels les ancestres de cleuy-cy ont succédé sont nobles dans la réformation de 1443, et un de ceux desquels il est descendu directement est noble dans la réformation de 1536.
« N’avoit d’anciens partages, mais bonnes alliances et la qualité de noble écuyer de 1466, et outre une enqueste faite par un conseiller de la Cour, du pillage de ses papiers au château de la Bretesche.
« Il y a plusieurs partages nobles et même un à viage de 1472.
« Il y a de bons partages nobles qui excèdent cent ans, 1558, 1568 et même un à viage de 1546.
« Ont fait voir que le père et ayeul avocats généraux et président aux enquestes, et le bisayeul conseiller au siège et non ultra.
« Descendu de deux conseiller successivement, ce qu’il a prouvé et non plus.
« 1427. Réformation à laquelle on ne se joint pas. 1545, partage noble, et un de 1625.
« Il y a des actes de 1596, 1599 où ses ancestres prennent la qualité d’écuyer et h. p. n. (héritier principal et noble) ; il n’y avait point de partages de cent ans. 1512 h. p. n.
« Bon gouvernement, néanmoins sans réformation.
« Déclaré écuyer, quoyqu’actuellement marchands depuis 1513, s’étant trouvé en la réformation de la susdite année et autres précédentes, et bien prouvé la descente de ceux employés aux dites réformations, et ainsy jugé que la noblesse ne se pouvoit perdre en cette province.
« Il y a un partage de 1598, dans lequel on voit le commerce. »

Parmi les actes produits, il est quelquefois question de pièces fausses ; c’est un point que nous indiquerons seulement ici, pour y revenir dans l’examen de la seconde partie.

Nous ne nous arrêterons pas non plus à quelques particularités relevées avec malice sur le compte de certains induisants, telles que celles-ci :

« Marié sottement à la servante d’un cabaret.
« Le père encore vivant, mais condamné à la roue.
« Ledit sieur à présent fort jeune ; son père mourut il y a deux à trois ans pour avoir trop bu le mardy gras ; il creva le mercredy, et son frère cadet… creva le mardy même. »

Mais le plus piquant du travail de notre auteur est, sans contredit, l’appréciation qu’il donne, dans un grand nombre d’articles, sur la situation nobiliaire des familles ; parmi les mentions élogieuses, nous avons noté les suivantes :

« Bonne noblesse.
« Ancienne noblesse.
« Ancien gouvernement.
« Bonne maison.
« Ecuyer ayant fort bien prouvé.
« Bonne et ancienne noblesse.
« Bon et ancien nom noble.
« Bonne et ancienne maison.
« Ancienne extraction et bonnes alliances.
« Belles alliances et extraction.
« Bonne et ancienne noblesse, bien alliée.
« Ont eu belles alliances et grands bien.
« Ancienne noblesse, employs et services.
« Bonne noblesse décorée d’employs et alliances considérables.
« Ancienne maison, belles alliances.
« Ancienne noblesse, beaux employs dans la maison des Ducs.
« Bonne et ancienne, tant par charges que par ancienne origine.
« Beaux employs et alliances.
« A fait voir de fort beaux titres et alliances.
« Ancienne noblesse et des plus belles alliances qu’on ai encore vues à la chambre.
« Maison illustre dans la robe.
« Très bonne noblesse.
« Très bonne maison.
« Fort ancienne noblesse et chevalerie.
« Fort bonne maison et grosse.
« Très noble et ancienne.
« Fort belle et ancienne noblesse.
« Ancienne maison et illustre.
« Très ancienne maison, tant par actes que par l’histoire.
« Très ancienne maison et illustre. »

Quelquefois l’éloge est accompagné de certains correctifs, exemples :

« Fort ancienne noblesse, chevaliers de l’ordre de l’Epi dès le temps des Ducs, moindres à présent qu’ils n’ont jamais été.
« Grande généalogie sans liaison, au surplus bonne noblesse.
« Sont pauvres, mais de fort bonne et ancienne maison.
« Aucun partage, au surplus services et qualités.
« Ont de belles charges à la Cour quoyque descendus il y a trois cent ans d’un docteur aux loys.
« Fort pauvres quoyque le bisayeul, en 1555, prenoit la qualité de messire et chevalier.
« Maison à présent déchue et pauvre.
« Bon et pauvre.
« Ancienne noblesse, pauvre, sans employs ni services.
« Bon gouvernement, néantmoins sans réformations.
« La souche bonne, mais deux branches marchandes.
« Bonne souche, mauvais gouvernement. »

Voici maintenant la série des appréciations plus ou moins désobligeantes que l’auteur varie non sans complaisance, mais d’une façon souvent assez pittoresque ; toutes ne sont peut-être pas très justement appliquées et plusieurs même ont été rectifiées postérieurement :

« Médiocre noblesse.
« Simple gouvernement et médiocre.
« Ecuyer et médiocre.
« Ecuyer simple, pas trop fort faute de jonction.
« Ecuyer assez foible.
« Asser léger.
« Ecuyer assez mince.
« Léger, faute de jonction à l’ancienne réformation de 1427, où le nom se trouve employé.
« Réformation de 1513, hors cela foible.
« Foible noblesse.
« Ecuyer léger.
« Ecuyer simple, petit.
« Ecuyer simple et léger.
« Ecuyer avec bien de la peine.
« Ecuyer avec grande difficulté.
« A passé, acte suspect qui fait tout.
« Transeat, sans vouloir éplucher le gouvernement.
« Noblesse contestée.
« Pauvre gentilhomme.
« Chétif gouvernement.
« Petit et pauvre.
« Son père était honoraire, hors cela fort mince.
« Ecuyers fort simples.
« Fort léger.
« Sans réformation et fort pauvres.
« Fort foible et pauvre.
« Ecuyer très léger.
« Fort petit.
« Ecuyer fort petit et gueux.
« Fort petit anoblissement.
« Ecuyer, a passé à fleur de corde, d’une voix.
« Noblesse greslée et à fleur de corde.
« Noblesse usurpée. »

Relatons enfin quelques autres mentions témoignant que la Chambre de la noblesse n’était pas toujours au-dessus des influences et des sollicitations, et que M. de la Bourdonnaye lui-même laissa quelquefois de céder sa sévérité accoutumée, devant certaines importunités :

« Je crois qu’il y a un peu de faveur dans cet arrest.
« Il avoit des patrons dans la Chambre de la noblesse.
« Chevalier grâce à la Dame.
« Chevalier à la recommandation de M. de Brequigny.
« L’aîné chevalier, le reste écuyers ; anciennes réformations, partage à viage et un peu parent de M. de Lopriac, rapporteur, et de son gendre.
« Y avoient contredits et grandes sollicitations même auprès du premier président.
« M. de Couétion a bien contribué à le faire passer chevalier. Il y en a beaucoup d’aussy anciens d’extraction et meilleures alliances qui n’ont passé que d’extraction ancienne.
« Maintenu en qualité d’écuyer. Tantae molis erat Romanam condere gentem. Doit l’honneur de sa noblesse aux importunités de sa femme auprès de M. D2 C452t34n [7]. Il y avoit contredits, leur noblesse étant entreprise ; avoient été renvoyés de la grande Chambre à la Chambre des nobles, ils eurent pour rapporteur M. de Galinée et depuis M. de Galinée, eurent pour rapporteur ledit sr D2 C452t34n. N’étoient en aucune réformation, n’étant pas même employés parmy les nobles de la Chambre des Comptes… M. le premier président a dit qu’il a eu toutes les peines du monde à signer cet arrest. »

Pour restreindre autant que possible les bornes de cette étude, nous terminerons ici l’analyse de la première partie, laquelle ne compte pas moins de 724 pages, non compris les tables alphabétiques, qui sont évidemment une addition de M. de Miniac.

La seconde partie nous arrêtera moins longtemps ; elle renferme seulement 188 pages et porte ce titre de longue haleine :

Liste de ceux qui, après avoir maintenu leur noblesse, ont succombé et perdu par arrest de Messieurs les Commissaires de la Chambre établie par le Roy pour la réformpation de la Noblesse en Bretagne, et en conséquence condamné en l’amande de 400# suivant l’édit, ou interloqués.

Ici, comme précédemment, les articles sont rangés suivant la date des arrêts et mentionnent d’ordinaire, avec cette date, le nom du rapporteur, le ressort des terres et les armes des familles ; pour les interloqués, les maintenues subséquentes, lorsqu’il en est intervenu, sont indiquées en marge ; beaucoup d’articles sont complétés par un extrait des principales pièces produites ou un compte rendu sommaire des raisons qui ont déterminé le jugement de la Chambre, et l’on voit que la condamnation est plus souvent motivé par l’insuffisance des preuves que par la démonstration de roture, de sorte qu’elle a pu atteindre un grand nombre de familles réellement nobles, mais privées des moyens d’établir régulièrement leur situation.

Nous avons déjà rencontré quelques mentions d’actes dans cette seconde partie, où nous avons relevé notamment celles-ci :

« Avoient actes suspects.
« On soupçonne de faux un acte, on le verra.
« Il y a un partage de 1595, mais il est douteux.
« Il y a des actes qu’on inscript de faux, les experts disent qu’ils sont bons.
« On verra ses actes qu’on croit faux au parquet.
« Il y avoit un acte faux.
« Il s’est désisté de cinq actes qu’on vouloit inscrire de faux… condamnés en 400# d’amande chacun et 100# pour chacun des actes dont on s’est désisté.
« Déclaré (que) les actes par luy produits et inscripts de faux seront lacérés, et condamné en 100# d’amande pour chacun.
« Condamné pour l’acte faux par luy produit et ordonné qu’il sera lacéré et biffé. »

Du reste, l’auteur nous apprend dans ses notes que la fabrication des faux titres était devenue une industrie pendant la Réformation, et il cite plusieurs individus qui faisaient métier de s’y livrer, entre autres un certain Motte, employé à la Chambre des Comptes, fils d’un menuisier de la ville de Rennes : « Le nommé Motte, dit-il, qui pour lors travailloit à la Chambre des Comptes de Nantes, fabriquoit des extraits des anciennes réformations. J’en sais moy qui en ont profité. La Chambre établie pour la réformation de la noblesse les renvoyoit à la Chambre des Comptes pour en tirer les réformations. Motte leur servoit et en fabriquoit des extraits… Ce qu’étant découvert, M. de Nointel, intendant de Tours, fut envoyé par le Roy, commissaire pour la réformation de la Chambre des Comptes [8]. »

Citons encore un fragment d’article assez curieux concernant un interloqué maintenu depuis avec la qualité de chevalier :

« Ordonné qu’il produira plus amplement. N’avoit mis aucun partage ; on dit que c’étoit à dessein, pour nuire à son aisné qui s’est marié contre son gré, ayant toujours passé pour bien noble. »

La seconde partie, comme la première, se clôt par une table alphabétique, addition due au copiste ; mais cette table est suivie d’un appendice de 14 pages, où se retrouve très probablement la plume de M. de la Bourdonnaye, bien qu’il ait été écrit plus de trente ans après le reste de l’ouvrage. Sous cet intitulé : « Sont icy partie de ceux qui ont été jugés par M. Béchameil-Nointel, intendant de la province, » il contient l’extrait de 52 arrêts rendus à l’Intendance de 1693 à 1702, et se termine par cette indication : « Voyez le reste dans un livre couvert en parchemin, diapré sur la tranche… Ce livre est entre les mains de M. de Limoges-Trévégat. » A quoi le copiste ajoute en note : « Celuy qui m’a confié, en 1785, la partie des maintenus et des déboutés n’a point ce dernier livre de ceux qui ont été sentenciés de M. de Nointel. » Nous concluons de cette note, qu’il faut garder comme étrangère à M. de la Bourdonnaye, toute la fin de ce volume, qui comprend ensuite aux arrêts susdits, un double état des anoblissements de 1400 à 1699, l’un par ordre alphabétique, l’autre par ordre de dates, et une liste des officiers de la chancellerie près le parlement de Bretagne allant jusqu’en 1739, le tout n’ayant d’autre intérêt que celui d’une simple nomenclature.

Au terme de cette étude, si nous jetons un coup d’œil d’ensemble sur ces pages curieuses, nous conviendrons qu’elles sont loin de former un ouvrage régulièrement ordonné ; elles sont, du reste, évidemment écrites sans aucune préoccupation d’une publicité à venir ; la grammaire y est souvent offensée, les répétitions nombreuses, l’orthographe même n’en était pas irréprochable [9] ; en un mot, le soin de la forme y fait absolument défaut, mais l’intérêt ne nous en paraît pas moins vif. Le légiste, doublé du gentilhomme de vieille race, qui prit part à toutes les opérations de la Chambre de Réformation, était assurément un juge d’une singulière autorité en matière nobiliaire, et s’il n’est pas exempt de quelque malice, la sévérité caustique de certaines appréciations garantit d’autant mieux la valeur des autres. Le laisser-aller même de sa plume donne à son œuvre, nous dirions presque ses confidences, une saveur particulière ; il nous semblait, en le lisant, que nous entendions les commentaires par lesquels nos magistrats de 1668, au sortir du palais parlementaire, complétaient, s’ils ne les réformaient en partie, les arrêts que tout à l’heure ils venaient de rendre, et cet écho, qui nous arrive après deux siècles, anime la froideur des sentences officielles consignées dans nos catalogues. – Nous ne regrettons donc pas les négligences signalées tout à l’heure ; une forme plus châtiée nous eût valu peut-être un armorial à ajouter à ceux de Guy Le Borgne ou du P. Toussaint de Saint-Luc ; elle eût sans doute fait disparaître l’allure originale et la verve soit peu indiscrète qui donne à ces notes leur principal attrait.

Vte P. du Breil de Pontbriand.

(...à suivre...)


[1NdT : Transcription, relecture et mise en page par François du Fou et Amaury de la Pinsonnais pour Tudchentil.net. Les notes précédées de NdT sont des ajouts à l’article original.

[2M. de la Bourdonnaye écrivait Couétion.

[3Bibliothèque de M. le vicomte Henri du Breil de Pontbriand, à Candé, Maine-et-Loire.

[4Le copiste a fait de cette première partie trois subdivisions, qu’il fait suivre chacune d’une table alphabétique.

[5Il y a quelques interversions résultant probablement d’oublis.

[6Rieux nous parait une erreur de copiste, il faut sans doute lire Rennes.

[7Sous ce chiffre transparent, on reconnaît sans peine le nom de M. de Couétion, dans lequel les voyelles e, i, o, u sont remplacées par les chiffres 2, 3, 4, 5, correspondant à leur ordre. Il est curieux de voir le demi-scrupule de notre auteur touchant l’aveu de sa participation à un arrêt qu’il blâme. Fugit ad salices.

[8L’auteur est revenu sur ces faits dans trois notes à peu près identiques.

[9C’est M. de Miniac qui nous en avertit, mais il paraît l’avoir corrigée, en même temps que sensiblement modernisée.